Africa-Press – CentrAfricaine. Dans la salle de conférence de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, les députés centrafricains se sont réunis pour un atelier de deux jours sur l’Examen Périodique Universel (EPU), un mécanisme des Nations Unies censé évaluer la situation des droits humains.
Sous la présidence de Simplice Mathieu Sarandji, président de l’Assemblée nationale, et avec la participation du ministre d’État à la Justice, Arnaud Djoubaye Abazène, l’événement promet de renforcer le rôle des parlementaires dans la promotion des droits fondamentaux. Mais dans un pays où la réalité sur le terrain contredit chaque jour les discours policés, cet exercice ressemble davantage à une pièce de théâtre à l’ivoirienne qu’à un véritable engagement.
L’atelier, organisé avec le soutien de l’Union Parlementaire et du Réseau Parlementaire Centrafricain des Droits de l’Homme, dirigé par le député de Mbaïki 1 Brice Kakpayen , ambitionne d’outiller les élus pour mieux naviguer dans le processus de l’EPU, prévu pour 2026. Les sessions prévues abordent des sujets techniques: la compréhension des traités internationaux, l’analyse des rapports gouvernementaux, les méthodes de plaidoyer, ou encore la préparation de recommandations. Sur le papier, tout semble sérieux. Simplice Mathieu Sarandji a d’ailleurs insisté: les parlementaires, représentants du peuple, doivent montrer l’exemple. Le ministre Abazène a renchéri, liant justice et droits humains à la reconstruction nationale. Mais ces mots sonnent creux quand on observe la situation réelle.
Parler de droits humains en Centrafrique aujourd’hui, c’est marcher sur un fil tendu au-dessus d’un abîme. La crise actuelle, bien plus dévastatrice que les soubresauts des dix dernières années, ne se mesure pas seulement en rapports ou en recommandations. Le nombre de morts, les déplacements massifs, les exactions incessantes: tout indique un désastre humanitaire qui dépasse en ampleur et en gravité ce que le pays a connu auparavant. Dans le sud, à Oumou, les témoignages convergent vers une situation alarmante. Des prisons tenues par les mercenaires russes du groupe Wagner, des abus commis par des soldats de l’armée nationale et leurs alliés, des populations prises en otage dans un climat de terreur. Ces réalités ne trouvent aucun écho dans les salles où se rédigent les discours pour Genève.
Et pourtant, la communauté internationale, via des entités comme la MINUSCA ou d’autres organisations multilatérales, continue de jouer un jeu ambigu. Les résolutions s’empilent, les rapports s’écrivent, les délégations applaudissent dans les couloirs du Conseil des Droits de l’Homme. Mais sur le terrain, rien ne change. Pire, la présence de Wagner, loin de stabiliser, aggrave le chaos. Leurs agissements, souvent en connivence avec des forces nationales, ridiculisent les engagements pris par Bangui devant l’ONU. Dans ce contexte, évoquer des notions comme la réforme du secteur de sécurité, la lutte contre l’impunité ou la protection des femmes et des enfants relève d’une hypocrisie difficile à ignorer. Ces termes, répétés comme un mantra, servent davantage à apaiser les consciences internationales qu’à répondre aux souffrances des Centrafricains.
L’atelier en cours explique parfaitement ce décalage. Former des députés à rédiger des recommandations ou à harmoniser les lois avec les standards internationaux, c’est bien. Mais à quoi bon, si ces efforts restent déconnectés de la réalité? Les parlementaires, même animés des meilleures intentions, opèrent dans un système où les priorités sont dictées par des agendas extérieurs et des arrangements opaques. La MINUSCA, par exemple, incarne cette diplomatie du double langage: des communiqués rassurants d’un côté, une incapacité chronique à protéger les civils de l’autre. Quant aux partenaires internationaux, leur soutien financier et logistique à des initiatives comme cet atelier semble souvent n’être qu’un moyen de cocher des cases administratives.
Il serait injuste de nier tout progrès. Des sessions similaires, impliquant la société civile ou les institutions nationales des droits humains, sont prévues pour rendre le processus plus inclusif. Mais ces efforts, aussi louables soient-ils, ne peuvent masquer une vérité: parler de droits humains sans s’attaquer aux racines du chaos , la complicité de certains acteurs internationaux, la prédation de groupes armés, l’inaction face aux exactions, revient à insulter la mémoire des victimes. Chaque jour, des familles pleurent leurs morts, des enfants grandissent dans la peur, des communautés entières sont abandonnées. Pendant ce temps, les rapports s’accumulent, les ateliers se multiplient, et les promesses s’évaporent.
Cet atelier, comme tant d’autres initiatives, risque de n’être qu’un épisode de plus dans une longue série de distractions. Si les parlementaires veulent réellement changer la donne, ils devront faire plus que suivre des formations ou rédiger des textes. Ils devront exiger des comptes, non seulement de leur gouvernement, mais aussi de ceux qui, sous couvert de diplomatie, laissent la Centrafrique s’enfoncer. Sans cela, l’EPU de 2026 ne sera qu’une nouvelle occasion de produire des documents bien écrits, applaudis à l’ONU, mais ignorés là où ils comptent vraiment: dans les villages, les camps de déplacés, et les prisons oubliées….
Source: corbeaunews
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press