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Promulguée le 30 août 2023, la nouvelle constitution est présentée comme un gage de liberté par le pouvoir. Pourtant, entre chiffres truqués et répression, les Centrafricains se demandent encore où se cache cette liberté dont le président Faustin-Archange Touadéra se vante tant.
Ce lundi 7 avril 2025, vers 8 heures, les auditeurs de la Radio Centrafrique ont eu droit à une émission consacrée à la constitution, à la liberté et à la démocratie dans le pays. Un sujet brûlant, surtout quand on parle de la nouvelle loi fondamentale promulguée en août 2023 sous l’impulsion du président Baba Kongoboro. Mais derrière les mots ronflants et les promesses d’une “septième République” portée par cette constitution, une question persiste: de quelle liberté parle-t-on vraiment? Et pour qui?
Revenons d’abord sur l’histoire de ce texte. En 2022, la Cour constitutionnelle, alors dirigée par la professeure Danièle Darlan, avait mis un frein aux ambitions de Touadéra. Elle avait rejeté sans ambiguïté un décret présidentiel visant à créer un comité pour rédiger une nouvelle constitution. Motif? Le processus violait les règles en vigueur, notamment parce que le Sénat, prévu par la constitution de 2016, n’avait jamais vu le jour. Une décision courageuse qui a valu à Danièle Darlan une mise à la retraite forcée, décidée par décret en octobre de la même année. Touadéra, loin de s’arrêter là, a écarté les obstacles en remodelant le Conseil constitutionnel à sa guise. Exit les gêneurs, place à une nouvelle mouture taillée sur mesure pour prolonger son règne.
Ce qui frappe dans cette constitution, c’est l’opacité qui a entouré sa rédaction. Peu de Centrafricains savent qui en sont les véritables auteurs, ni dans quelles conditions elle a été élaborée. Le référendum du 30 juillet 2023, qui l’a entérinée, n’éclaire pas davantage. Officiellement, le gouvernement clame une victoire éclatante: 95 % de “oui” avec une participation de plus de 61 %. Des chiffres qui laissent sceptique. Dans un pays où l’insécurité limite l’accès aux urnes et où l’opposition avait appelé au boycott, ces résultats sentent la fabrication à plein nez. Des observateurs locaux estiment que moins d’un tiers des électeurs se sont déplacés, et encore, dans des conditions douteuses, sous l’œil vigilant des paramilitaires de Wagner, alliés incontournables du régime.
Mais venons-en à cette fameuse “liberté” dont on parle tant. Sur le papier, la constitution garantit des droits de base, comme celui d’être assisté par un avocat en cas d’arrestation. Une belle promesse, vite démentie par la réalité. Ces derniers mois, les arrestations se multiplient, souvent sans motif clair, et les avocats se heurtent à des portes closes. Les familles des détenus, elles aussi, sont repoussées sans ménagement. Prenez l’exemple récent des deux frères de l’ancien Premier ministre Henri-Marie Dondra, arrêtés il y’a quelques jours. Accusés d’avoir voulu empoisonner le président et fomenter un coup d’État, ils croupissent en détention sans accès à leurs proches ni à une défense digne de ce nom. Avant eux, la sœur et le frère gendarme de l’ancien ministre Armel Sayo ont subi le même sort. Et que dire de Mahamat Abakar, ex-directeur du Trésor et coordonnateur d’un projet de la Banque mondiale, arrêté lui aussi et maintenu au secret à l’Office central pour la répression du banditisme? La liste est longue, et elle raconte une histoire bien différente de celle servie à la radio ce lundi 7 avril 2025 dans la matinée.
Pendant ce temps, d’autres semblent jouir d’une liberté sans entraves. Héritier Doneng, actuel ministre de la Jeunesse et des Sports, traîne un passé sulfureux. Son nom circule dans des affaires de violences et de détournement de fonds, notamment au Comité national olympique. Pourtant, il reste intouchable. Même chose pour Maxime Balalou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Cet ancien fonctionnaire du ministère des Finances, jadis épinglé pour des malversations, parade aujourd’hui en griot du régime, défendant bec et ongles une constitution qu’il présente comme un rempart de la démocratie. Et que dire du ministre Ernest Mada qui a détourné près de 90 millions de francs CFA des partenaires? Pour le commandant Yarkokpa de la garde présidentielle, connu pour ses activités de vente de la drogue, continue d’agir en toute impunité? Ces exemples ne sont pas des exceptions: ils sont la règle pour ceux qui gravitent dans les cercles du pouvoir.
À écouter Radio Centrafrique ce matin, on aurait presque pu croire à un sursaut démocratique. Mais la vérité est plus crue. Cette constitution n’est pas un outil de liberté pour le peuple centrafricain. Elle est une arme pour museler les voix dissidentes, disqualifier les opposants – comme avec l’interdiction des binationaux à la présidence – et offrir un blanc-seing à Touadéra pour s’éterniser au pouvoir. Les arrestations arbitraires, les chiffres truqués, l’impunité des fidèles du régime: tout cela montre que la “liberté” vantée à l’antenne n’est qu’un mirage réservé à une élite bien choisie.
Le peuple centrafricain mérite mieux qu’une émission de propagande et une constitution imposée dans l’ombre. Il mérite une vraie démocratie, pas une parodie orchestrée pour flatter l’ego d’un homme et de ses soutiens. En ce 7 avril 2025, l’heure n’est pas à la célébration, mais à la vigilance. Car derrière les belles paroles, la liberté reste un mot vide pour ceux qui osent défier le système….
Source: Corbeau News Centrafrique
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