
Mathieu Galtier
Africa-Press – CentrAfricaine. Le groupe sud-africain voit ses revenus et ses abonnés fondre. L’inversion des courbes n’est pas pour tout de suite, alors que la chaîne Canal+ a toujours l’option de retirer sa proposition de rachat en avril.
Moins d’argent et moins d’abonnés. Le constat est brutal pour le leader continental de la télévision payante. MultiChoice a ainsi perdu 10 % de ses revenus au premier semestre de l’année fiscale de référence 2025 (du 1er avril 2024 au 31 mars 2025), pour atterrir à 24,8 milliards de rands (1,3 milliard de dollars), et a vu le départ de 1,8 million d’abonnés (-11 %). Il s’agit de « l’environnement opérationnel le plus difficile de l’histoire du groupe », explique le géant sud-africain dirigé par Calvo Mawela.
La période est d’autant plus délicate que l’offre de rachat par Canal+, détenu par Cyrille Bolloré, arrive à échéance le 8 avril (elle est reconductible deux fois par période de six mois), à moins que les régulateurs sud-africain et européen se soient prononcés d’ici là.
Pour Maxime Saada, le président du directoire de Canal+, « l’acquisition la plus ambitieuse de notre histoire », comme il l’a déclaré au journal français Le Figaro en mai, doit permettre d’atteindre un seuil critique en termes d’abonnés – 60 millions dans le monde, dont 31 millions en Afrique d’ici 2028 – pour faire face aux géants américains (Netflix, Prime Video, Disney+, etc.). Sauf que MultiChoice continue de perdre des abonnés (-9 % déjà en 2024), dont le nombre est passé sous la barre symbolique des 15 millions. Dans son fief d’Afrique du Sud, l’opérateur a perdu 5 % de ses abonnés.
Hausse du prix des abonnements
Sur le reste du continent, c’est trois fois plus, soit 1,8 million d’utilisateurs en moins, dont 66 % sur le marché stratégique du Nigeria. Le sud-africain met en avant la concurrence du streaming et l’essor des vidéos de courte durée sur les médias sociaux pour expliquer cette baisse continue, ainsi que les nombreuses et longues coupures d’électricité qui découragent les Africains à renouveler ou à prendre leur abonnement. En Zambie, par exemple, les coupures d’électricité, jusqu’à 23 heures par jour (dues au niveau très bas des barrages hydroélectriques), et prévues pour durer jusqu’à août, expliquent en grande partie la perte de 60 % de ses consommateurs en 2024, selon MultiChoice.
Le groupe n’envisage pas un retournement de cette tendance à court terme, si bien qu’il a décidé, dans l’optique de freiner la perte des revenus, de poursuivre « une stratégie de tarification inflationniste et vise 2 milliards de rands d’économie [105 millions de dollars] pour l’exercice financier du groupe se terminant le 31 mars 2025, afin de compenser la baisse de l’activité des abonnés et les pressions sur les taux de change ». Cette hausse des prix ne devrait pas inverser la courbe des abonnements. L’inflation et le dévissage de nombreuses monnaies africaines face au dollar ont provoqué d’importantes pertes financières chez MultiChoice.
Des recettes en monnaies locales, mais des dépenses en dollars
Le naira a perdu 53 % de sa valeur face au dollar entre septembre 2023 et septembre 2024, tandis que l’inflation nigériane a atteint près de 35 % en novembre. Les revenus ont donc baissé. Et les profits encore plus, car la plupart des dépenses (achats de droits de diffusion, locations de transpondeurs satellite et achats de décodeurs) se font en dollars. L’ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) a ainsi chuté de 38 %, passant à 4,1 milliards de rands (214 millions d’euros).
MultiChoice a cependant des succès à son actif. La nouvelle version de sa plateforme de streaming, Showmax, lancée il y a près d’un an, a permis d’attirer 50 % d’utilisateurs supplémentaires. Le leader continental de la télévision payante veut continuer à investir dans le service pour en faire la première plateforme de streaming sur le continent.
Il a aussi affirmé poursuivre sa diversification pour endiguer la baisse de ses revenus. Pour cela, MultiChoice a annoncé renforcer ses positions dans la société de paris KingMakers, le service de paiement en ligne Moment et la compagnie d’assurances DStv Insurance. Canal+ est prêt à mettre 2,9 milliards de dollars pour acquérir le leader continental de la télévision payante, mais le géant français, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, est-il prêt à mettre autant pour un conglomérat faisant du pari en ligne, de la fintech et des assurances obsèques ?
Source: JeuneAfrique
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press