Africa-Press – CentrAfricaine.
En Centrafrique, le projet de loi sur les influenceurs, adopté le 12 juin 2025 par le conseil des ministres, reformule le controversé projet sur les agents étrangers, renforçant les craintes de répression dans le pays.
En octobre 2024, l’Assemblée nationale centrafricaine a examiné un projet de loi sur les « agents étrangers », dénoncé comme liberticide par la société civile. Ce texte, inspiré de la législation russe de 2012, ciblait les organisations et individus recevant des financements étrangers, avec des définitions vagues et des sanctions sévères visant à museler les voix critiques avant les élections de 2025. Face à une forte opposition, notamment une pétition signée par 44 plateformes d’associations, la commission parlementaire a renvoyé le projet au gouvernement pour révision. Mais le 12 juin 2025, le Conseil des ministres a adopté un nouveau projet de loi, intitulé « projet de loi sur les personnes menant des activités d’influence », présenté comme une mesure pour protéger la souveraineté nationale. Ce texte reformule le projet initial, déplaçant l’accent vers l’espace numérique tout en poursuivant des objectifs similaires de contrôle de l’expression publique.
Le projet de 2024 définissait comme « agent étranger » toute personne physique ou morale recevant un « soutien ou assistance » étranger, notamment ceux menant des « activités politiques » ou diffusant des « messages insurrectionnels ». Selon l’article 4, les critères incluaient toute activité « contribuant à l’affaiblissement de la souveraineté », une formulation vague permettant de cibler ONG, médias indépendants, ou activistes. Les obligations imposées étaient draconiennes:
– Déclaration semestrielle des activités et financements.
– Publication trimestrielle de rapports dans les médias nationaux.
– Interdiction de participer à des activités politiques ou éducatives auprès des mineurs.
– Sanctions incluant amendes de 4 millions de FCFA, confiscation de biens, ou dissolution judiciaire.
Le ministère de l’Administration territoriale obtenait un pouvoir discrétionnaire pour surveiller, sanctionner ou dissoudre les organisations, provoquant des inquiétudes sur une dérive autoritaire sous influence russe, notamment via des conseillers liés au groupe Wagner.
Cependant, le projet adopté le 12 juin 2025 vise à réguler les « personnes menant des activités d’influence » sous « direction ou contrôle d’une influence étrangère ». Présenté par le ministre Bruno Yapandé comme une mesure de protection nationale, il reste flou sur la définition d’« influence étrangère » et sur les critères désignant un « influenceur ». Ce texte semble cibler les blogueurs, journalistes indépendants et activistes actifs sur les réseaux sociaux, notamment sur X et Facebook, où les critiques contre le régime Touadéra – sur la gestion des ressources minières, les crises humanitaires ou les alliances avec la Russie – se multiplient. Bien que les détails précis ne soient pas encore publics, le projet impose probablement des obligations similaires à celles du texte de 2024, telles que l’enregistrement obligatoire et des rapports réguliers, avec des sanctions pour non-conformité. L’accent mis sur l’espace numérique reflète une adaptation aux nouvelles dynamiques de contestation.
Par ailleurs, le projet de 2024 s’inspirait directement de la loi russe de 2012, qui définit comme « agent étranger » toute entité recevant un soutien étranger et exerçant une « activité politique ». En Russie, ce texte a permis de fermer des organisations comme Memorial et de museler des médias indépendants en imposant des contraintes administratives et des amendes. Le projet centrafricain de 2024 reprenait cette approche avec des définitions vagues et des sanctions similaires, sous l’influence de conseillers russes. Le projet de 2025, bien que présenté comme inspiré de lois de « pays développés », conserve des similitudes avec le modèle russe, notamment dans son utilisation de termes ambigus pour justifier une surveillance accrue. Cependant, il élargit son champ d’application aux individus actifs en ligne, contrairement à la loi russe qui cible principalement les organisations.
La loi française de 2023 sur les influenceurs définit l’« influence commerciale » comme une activité visant à promouvoir des biens ou services en ligne contre rémunération, avec des mesures pour protéger les consommateurs et encadrer les mineurs. Elle impose des obligations claires, comme l’affichage de bandeaux publicitaires, et n’a pas pour but de restreindre la liberté d’expression. En revanche, le projet centrafricain de 2025 utilise une rhétorique de « souveraineté » pour cibler les critiques politiques, sans lien avec la régulation commerciale. Alors que la loi française repose sur des critères précis et un débat public, le texte centrafricain risque de servir de prétexte à la censure.
Les deux projets, bien que reformulés, partagent un objectif commun: consolider le pouvoir du régime Touadéra en muselant les voix indépendantes. Le projet de 2024 ciblait les organisations, tandis que celui de 2025 s’adapte à l’ère numérique en visant les individus actifs en ligne. Les deux s’appuient sur des définitions floues et des sanctions sévères, menaçant la société civile, les médias et l’aide humanitaire essentielle dans un pays en crise. Cette dérive autoritaire, soutenue par l’influence russe, compromet l’observation électorale indépendante et l’accès à une information libre à l’approche des élections de 2025….
Source: Corbeau News Centrafrique
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press