Africa-Press – CentrAfricaine. Le 31 mai 2025 restera marqué dans l’histoire politique centrafricaine comme un tournant sombre. Ce qui devait être un rassemblement pacifique du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC) sur le terrain de l’UCATEX s’est transformé en une démonstration brutale de la dérive autoritaire du régime de Faustin-Archange Touadera.
Une agression préméditée
Dans le huitième arrondissement de Bangui, à proximité de l’aéroport de Bangui-M’Poko, le terrain de l’UCATEX devait accueillir un meeting de l’opposition démocratique. Le BRDC, coalition regroupant la quasi-totalité des forces d’opposition centrafricaines, avait respecté toutes les procédures légales. Depuis plus d’un mois, les organisateurs avaient notifié les autorités compétentes, contacté le ministère de l’Intérieur et celui de l’Administration du territoire pour garantir le bon déroulement de l’événement.
Pourtant, ce jour-là, des hommes armés affiliés au Mouvement Cœurs Unis (MCU), parti au pouvoir, ont investi les lieux avec une violence inouïe. Équipés de bâtons, de machettes et selon plusieurs témoignages, d’armes à feu, ces individus se sont attaqués aux militants du BRDC ainsi qu’aux journalistes présents pour couvrir l’événement.
L’organisation de cette agression ne laisse place à aucun doute. Les agresseurs portaient des T-shirts aux couleurs du BRDC et utilisaient des bâches de l’opposition, démontrant la préméditation de cette opération d’intimidation. Le bilan est lourd: plusieurs blessés graves ont été hospitalisés, et des journalistes ont été molestés, leurs équipements confisqués ou détruits.
La réponse de l’opposition: un constat amer
Maître Crépin Mboli-Goumba, coordinateur du BRDC, n’a pas mâché ses mots lors de la conférence de presse qui a suivi ces événements. Ses déclarations révèlent l’ampleur de la dérive autoritaire du régime Touadera.
“Aujourd’hui est un bien triste jour pour la démocratie”, a-t-il déclaré d’emblée, avant de détailler les précautions prises par l’opposition: “Nous avons donné rendez-vous au peuple centrafricain depuis plus d’un mois. Nous avons pris toutes les précautions nécessaires. Informer le ministère de l’administration du territoire, informer le ministère de l’Intérieur, informer la MINUSCA, afin que notre meeting se passe dans la quiétude”.
Le coordinateur du BRDC a ensuite dénoncé la préméditation de cette agression: “Le fait qu’il y ait tant de bâches et de T-shirts imprimés aux effigies des leaders du BRDC prouve bien que c’était prémédité. Cela fait depuis quelques jours que cette action a été prévue, mise en branle et exécutée froidement par les nervis du régime“.
Plus grave encore, Maître Mboli-Goumba a souligné la discrimination dans l’application des droits constitutionnels: “Il y a donc deux poids, deux mesures. D’un côté, le MCU et ses militants dans une république. Ces militants qui auraient tous les droits. Et de l’autre côté, nous, et désormais vous avec nous, chers journalistes, discriminés, tabassés, lapidés, agressés“.
Face à cette fermeture de l’espace démocratique, le coordinateur du BRDC pose une question lourde de sens: “La question qu’on doit se poser aujourd’hui, plus que jamais, quelle option le pouvoir laisse-t-il aux démocrates?”.
L’inquiétante passivité des forces de sécurité
L’un des aspects les plus troublants de cette journée réside dans l’attitude des forces chargées du maintien de l’ordre. Le coordinateur du BRDC a été particulièrement sévère sur ce point: “Les forces de l’ordre, comme la MINUSCA, n’ont pas été en mesure d’assurer la sécurité de nos militants, ni même la sécurité des professionnels de la presse“.
Plus troublant encore, Maître Mboli-Goumba a dénoncé cette passivité complice: “Et plus grave, c’était la présence des casques bleus de la MINUSCA. Ces casques bleus n’ont aucunement réagi et même les forces de l’ordre qui étaient présents n’ont même pas réagi“.
Le coordinateur a souligné que ces faits se sont déroulés “devant la MINUSCA. Et pour tout vous dire, à côté d’un site important de la MINUSCA, donc au vu et au su de tout le monde“. Il a lancé un avertissement direct à la communauté internationale: “La communauté internationale ne pourra pas dire qu’elle n’était pas au courant, puisque les faits se sont produits devant la MINUSCA“.
Une dérive autoritaire confirmée
Ces événements s’inscrivent dans une logique plus large de restriction des libertés démocratiques en République centrafricaine. Tandis que le président Touadera peut organiser ses rassemblements politiques sans entrave aucune, l’opposition fait face à une répression systématique qui prend désormais des formes ouvertement violentes.
Cette escalade dans la répression marque une rupture dans l’exercice du pouvoir en Centrafrique. Le recours à la violence politique contre des citoyens qui exercent leurs droits constitutionnels témoigne d’un régime qui préfère la force brute au débat démocratique. Cette stratégie, loin de renforcer la stabilité du pays, ne fait qu’exacerber les tensions politiques et sociales.
L’appel du BRDC à poursuivre le combat démocratique, malgré cette répression, témoigne de la détermination de l’opposition à ne pas céder face à l’intimidation. Comme l’a déclaré Maître Mboli-Goumba: “Chacun doit prendre ses responsabilités. Nous prendrons les nôtres pour la restauration de la démocratie“.
Toutefois, le coordinateur du BRDC a également souligné l’impasse dans laquelle le régime place l’opposition démocratique, posant cette question cruciale: “Quelle option le pouvoir laisse-t-il aux démocrates?”. Cette interrogation résonne comme un avertissement sur les conséquences possibles de la fermeture systématique des voies de dialogue pacifique.
Face à cette dérive autoritaire, la question qui se pose désormais n’est plus de savoir si le régime de Touadera respectera les principes démocratiques, mais plutôt de déterminer jusqu’où cette escalade dans la répression peut mener un pays déjà fragilisé par des années d’instabilité politique….
Source: corbeaunews
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