Africa-Press – CentrAfricaine. « Alger, c’est ma ville, j’y ai mes racines, toute ma famille, mes amis. En France, je n’ai pas d’attaches. Quand je le peux, je retourne chez moi pour quelques jours, comme je l’ai toujours fait depuis que je joue en Europe, et pas seulement pour les matchs de la sélection. »
En trois phrases, Islam Slimani, 33 ans, a résumé la vie qu’il mène, celle qu’il l’imaginait depuis l’adolescence : devenir footballeur professionnel, jouer en Europe, porter le maillot de l’Algérie et maintenir un lien indéfectible avec son pays.
L’avant-centre est l’un des principaux atouts de la sélection algérienne, qui dispute ce mardi 11 janvier son premier match – face à la Sierra Leone – dans le cadre de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). L’enjeu est de taille : au Cameroun, où se déroule la compétition, les Fennecs défendent leur titre de champions d’Afrique, obtenu en Egypte en 2019. Un nouveau défi comme les aime l’attaquant le plus prolifique de l’histoire de l’équipe nationale (39 buts en 80 sélections), qui est aussi l’un des rares internationaux algériens à être né et à avoir débuté sa carrière dans le pays.
En se retournant sur un parcours sportif plus proche de la fin que du début, Islam Slimani peut estimer qu’il a atteint tous ses objectifs. « Il a été repéré alors qu’il jouait dans le club de son quartier d’Aïn Bénian », se rappelle Farid Zemiti, qui fut son entraîneur à la JSM Chéraga, en banlieue ouest d’Alger, à l’époque en Division 3 : « Je savais qu’il venait d’un milieu très modeste, que ses parents le soutenaient beaucoup, et on sentait chez lui une forte volonté de réussir dans le football. »
Les buts qu’Islam Slimani inscrit à Chéraga entre 2006 et 2009 suscitent l’intérêt de formations plus huppées, dont le Chabab Riadhi de Bélouizdad (CRB), à Alger, qui verse une indemnité de transfert équivalente à 8 000 euros pour le recruter. Mais ses performances initiales au CRB sont erratiques et les premières critiques fusent.
« J’aurais pu gagner plus d’argent en allant dans le Golfe »
« Il a su faire face, il s’est
accroché », se souvient Chafik Boukabes, journaliste au service des sports du quotidien francophone El Watan : « Jouer en D3 algérienne, sur des terrains en mauvais état, dans des stades hostiles, ça l’avait endurci. Je disais souvent à mes confrères que c’était un joueur très intéressant, avec un gros potentiel, beaucoup de caractère et du charisme et que ce garçon pouvait encore progresser. »
En Ligue 1 algérienne, où il gagne bien plus que les 230 euros que Chéraga lui versait, Islam Slimani encaisse les commentaires acerbes sans broncher et finit par convaincre les supporteurs du CRB. « Je voulais réussir en Algérie, en L1, pour montrer que je pouvais aller en Europe, raconte-t-il. C’était l’objectif : il n’était pas question d’aller dans le golfe Persique, où j’aurais pu gagner plus d’argent, mais en Europe, où on pratique le meilleur football du monde. »
En mai 2012, il est appelé en sélection nationale par Vahid Halilhodzic, le coach bosnien des Fennecs, lors d’un match amical face au Niger, et ouvre son compteur international une semaine plus tard contre le Rwanda en qualifications pour la Coupe du monde 2014. Le premier d’une longue liste. « Jouer en Ligue 1 dans mon pays, porter le maillot de la sélection, c’était fait. Il fallait que je confirme pour aller en Europe. » Ce sera au Portugal et plus précisément au Sporting Lisbonne, de 2013 à 2016, où ses 57 buts finissent par convaincre Leicester de payer 35 millions d’euros pour l’attirer en Angleterre.
Le séjour chez les Foxes sera plus chaotique et entrecoupé de prêts plus ou moins convaincants à Newcastle United, au Fenerbahce Istanbul et à Monaco, cinq ans durant, jusqu’à son arrivée à l’Olympique lyonnais (OL) lors du mercato estival 2021. Sa vie en club ne l’a cependant jamais éloigné des réalités du football algérien, et pas seulement lors de ses séjours à Alger et Blida pour les matchs d’une sélection nationale dont il est un des piliers.
« Cameroun, Sénégal, Maroc… Des favoris, il y en a beaucoup »
Le champion d’Afrique 2019, qui bénéficie d’un immense crédit auprès du sélectionneur Djamel Belmadi, jette un regard objectif mais sans complaisance sur la situation des footballeurs de son pays. « J’ai réussi à aller en Europe parce que j’ai beaucoup bossé, j’ai tout misé sur le football en prenant des risques, analyse-t-il. De très bons footballeurs, il y en a beaucoup dans mon pays. Seulement, on ne leur donne pas tous les moyens de réussir. Car le football n’est pas assez professionnel, hormis dans quelques clubs. »
Au moment de disputer la CAN, Islam Slimani veut rester réaliste sur les chances de l’Algérie : « Notre sélection est forte, elle est dans une dynamique de victoire et Djamel Belmadi travaille beaucoup, il fait attention aux détails, parle aux joueurs, sait les écouter. Mais plusieurs nations peuvent la gagner, comme le Cameroun, le Sénégal, le Maroc… Des favoris, il y en a beaucoup. »
L’attaquant de l’OL, avec sa franchise habituelle, n’a pu masquer longtemps son agacement à propos des tentatives, finalement infructueuses, de plusieurs clubs européens d’empêcher certains internationaux africains de participer à la CAN – et même de la faire annuler. « Cette compétition n’est pas assez respectée, déplore-t-il. Tout le monde sait depuis longtemps que la CAN aura lieu en janvier et février, il ne devrait pas y avoir de débat. Il faut respecter l’Afrique, qui a beaucoup donné et donne encore beaucoup au football ! »
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