Africa-Press – CentrAfricaine. La migration chez les oiseaux n’est pas l’affaire d’une seule espèce isolée. Divers taxons peuvent voyager en même temps et aux mêmes endroits. Alors lorsqu’ils migrent, ces animaux se rapprochent les uns des autres, notamment sur les sites de repos en journée. Mais que se passe-t-il la nuit, lorsque les indices visuels disparaissent ? Les oiseaux migrateurs s’isolent-ils alors suivant leur espèce ?
Pour répondre à cette question, une étude, dont les résultats ont été publiés le 15 janvier 2025 dans la revue Current Biology, s’est basée sur 18.300 heures d’enregistrements sonores nocturnes provenant de 26 sites américains liés à la migration, et ce, durant trois ans. « Ces enregistrements acoustiques nocturnes sont vraiment la seule fenêtre sur ce flux invisible mais absolument massif d’oiseaux – des centaines de millions en altitude au-dessus des États-Unis chaque nuit pendant la migration, explique dans un communiqué Benjamin Van Doren, auteur principal de cette nouvelle étude. C’est quelque chose dont les gens ne sont généralement pas conscients, car cela se produit lorsque nous dormons. »
Des espèces qui s’associent selon la longueur des ailes
Grâce à l’intelligence artificielle et plus précisément au deep learning, les chercheurs ont analysé les enregistrements, permettant de détecter plus de 175.000 vocalisations émises durant le vol de 27 espèces différentes. Ils ont ensuite pu prouver que certaines vocalisations étaient émises de manière rapprochée, soulignant des associations entre espèces.
« Nous avons constaté que les oiseaux qui migrent s’engageaient dans des associations distinctes avec une moyenne de 2,7 autres espèces », souligne l’étude. Pour les chercheurs, cela signifie que des espèces différentes d’oiseaux se lient bien durant le vol, même la nuit, et ces signaux vocaux permettraient de maintenir ce compagnonnage. L’un des facteurs les plus importants dans cette association est la longueur des ailes, un phénomène qui peut paraître étonnant mais qui trouve une explication logique.
« Les espèces ayant des ailes de taille similaire sont plus susceptibles de s’associer, et la longueur des ailes est directement liée à la vitesse de vol. Si vous imaginez deux espèces volant à la même vitesse parce qu’elles ont des ailes similaires, il leur est alors beaucoup plus facile de rester ensemble », remarque Benjamin Van Doren.
La ressemblance des vocalisations entre les espèces constituait aussi un facteur de rapprochement. « En ce qui concerne les vocalisations, il est possible que les cris des espèces aient convergé au fil du temps en raison de ce lien social ou que les espèces qui émettent des cris similaires soient simplement plus susceptibles de graviter l’une vers l’autre », explique le chercheur.
Redéfinir la migration
Pour les auteurs de cette étude, il s’agit ici d’une nouvelle preuve que la migration aviaire est loin d’être une activité intraspécifique seulement guidée par l’instinct. C’est aussi un phénomène social et hétérogène. Cependant, les données manquent encore pour comprendre toutes les dimensions de ce voyage collectif. « Nos recherches montrent que des oiseaux de différentes espèces s’associent en vol, mais nous ne savons pas encore s’ils communiquent directement », tempère ainsi auprès de Sciences et Avenir Benjamin Van Doren.
S’il existe des preuves que les oiseaux chanteurs migrateurs prêtent attention aux vocalisations et au comportement des autres espèces, par exemple en se regroupant au sol et en se nourrissant en même temps, « il est difficile de dire s’ils se ‘comprennent' », remarque le chercheur. « Nous ne savons pas encore exactement quelles informations ils pourraient communiquer aux membres de leur propre espèce ou à des espèces différentes en utilisant ces vocalisations », poursuit-il. Néanmoins, cette étude appuie l’idée qu’il faut repenser la migration de tous ces oiseaux avec une véritable dimension sociale.
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