Cette arme secrète et inattendue des coccinelles contre leurs prédateurs

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Cette arme secrète et inattendue des coccinelles contre leurs prédateurs
Cette arme secrète et inattendue des coccinelles contre leurs prédateurs

Africa-Press – CentrAfricaine. Dans les arides contrées de Valence (Espagne), Angel Plata, entomologiste à l’Institut de recherche agricole, assiste à un spectacle peu banal. Sur une raquette de figuier de Barbarie, un cactus réputé pour ses fruits, se prélassent une larve blanche et duveteuse.

L’arme secrète des coccinelles provient de leurs proies

Ce type de larves, appartenant à la famille des coccinelles Cryptolaemus montrouzieri, est fréquemment observé sur ces cactus, car ils abritent des cochenilles, les Dactylopius opuntiae, dont elles raffolent.

Mais la larve n’est pas seule: un groupe de fourmis prédatrices se préparent à l’attaquer ! Alors que ces dernières lancent l’assaut, la coccinelle juvénile, loin d’être sans défense, contracte ses muscles et expulse une goutte de liquide rouge vif. Ce liquide, appelé hémolymphe, renferme de l’acide carminique, une toxine qui rappelle le sang, dissuadant ainsi les assaillantes de poursuivre leur offensive.

Et cet acide carminique, la coccinelle, en particulier la larve, l'”emprunterait” directement… aux cochenilles ! C’est la découverte réalisée par Angel Plata et qui a fait l’objet d’une publication le 13 mars 2024 dans la revue Proceedings of the Royal Society.


Des animaux confrontés à des armes inconnues à cause de l’humain

Pourtant, rien ne semblait prédestiner ces deux espèces à se rencontrer. L’introduction du figuier de barbarie, originaire du Mexique, en Europe au 16e siècle, et son expansion à travers le monde ont favorisé l’intégration de nuisibles tels que les cochenilles. Ainsi, à mesure que les humains se dispersent dans différentes régions grâce à la mondialisation, ils introduisent simultanément de nouvelles espèces.

De nombreux animaux se retrouvent alors confrontés à des défenses biochimiques qu’ils n’ont jamais rencontrées auparavant, comme c’est le cas ici avec la coccinelle Cryptolaemus montrouzieri, originaire d’Australie, et la cochenille Dactylopius opuntiae exotique.

Alors que l’originalité des défenses chimiques peut conférer un avantage aux proies invasives contre les prédateurs non adaptés, les prédateurs résidents dotés d’adaptations évolutives appropriées pourraient tirer parti de ces nouvelles défenses, selon l’étude menée par Angel Plata.

Par exemple, les serpents de l’espèce Rhabdophis tigrinus “volent” des stéroïdes défensifs provenant de crapauds, tandis que ceux de l’espèce Rhabdophis nuchalis obtiennent ces substances à partir de lucioles. Habituellement, de telles adaptations sont le signe que deux espèces ont évolué côte à côte pendant une période prolongée. Mais l’étude montre que même dans de nouveaux environnements, les animaux peuvent s’adapter aux toxines disponibles et les utiliser pour se défendre contre des ennemis, bien que les deux espèces n’aient aucune coévolution.

Les “saignements réflexes”, devenus toxiques

L’équipe d’Angel Plata a localisé des colonies de figuiers de Barbarie infestées de cochenilles dans les vergers et les forêts de l’est de l’Espagne. Elle a observé qu’une espèce de fourmi locale (Lasius grandis) semblait éviter les cochenilles, tandis que les coccinelles Cryptolaemus montrouzieri en raffolaient, sans subir d’effets néfastes de leur régime alimentaire riche en acide carminique.

En réalité, les chercheurs ont constaté que plus les coccinelles consommaient de cochenilles, plus leur “réservoir” d’acide carminique se remplissait. En revanche, lorsque leur alimentation en acide était interrompue, elles libéraient un liquide jaune dépourvu d’acide.

De plus, les scientifiques ont remarqué que la libération de liquide de défense était principalement associée aux larves. Lorsqu’un contact subtil se produisait, tel qu’un effleurement, les jeunes coccinelles libéraient leur hémolymphe, un comportement connu sous le nom de “saignement réflexe”. La consommation d’acide carminique transforme ainsi le liquide ordinairement jaune en liquide rouge pourvu d’acide carminique. Ce saignement réflexe, libéré à des concentrations dissuasives, se révélait efficace contre les fourmis habituées à éviter les cochenilles.

Selon l’étude, au moins deux autres espèces de prédateurs originaires de la région d’origine des cochenilles “empruntent” de l’acide carminique à leurs proies, notamment la chenille Laetilia coccidivora et la mouche Leucopis bellula.

Les conséquences des invasions d’espèces sur l’écosystème

Cette découverte permet de mieux comprendre les interactions entre les coccinelles Cryptolaemus montrouzieri et les cochenilles Dactylopius opuntiae, ce qui est très utile dans la lutte contre ces cochenilles qui menacent la prospérité des figuiers de Barbarie.

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