Créer une hydre à deux têtes : quand la science dépasse le mythe

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Créer une hydre à deux têtes : quand la science dépasse le mythe
Créer une hydre à deux têtes : quand la science dépasse le mythe

Africa-Press – CentrAfricaine. Si dans la mythologie grecque l’hydre, ce monstre battu par Héraclès, terrifiait par sa capacité à régénérer sans fin ses têtes coupées, son homonyme aquatique, bien réel, fascine aujourd’hui les scientifiques par un pouvoir similaire: bien qu’elle ne possède pas neuf têtes, elle peut en développer deux.

Une équipe dirigée par le professeur Aurélien Roux, du département de biochimie à l’Université de Genève (UNIGE), a réussi à induire la formation d’hydres à deux têtes viables, un phénomène qui n’avait jamais été observé avant.

Quand la pression fait pousser des têtes

L’hydre (hydra vulgaris), ou polype d’eau douce, est une petite espèce aquatique mesurant quelques millimètres possédant un pied et une tête équipés de fines tentacules. « L’hydre est un animal très simple, constitué de deux couches de cellules avec un estomac directement en contact avec la peau. Elle possède tous les gènes fondamentaux connus qui contrôlent l’organisation spatiale, y compris chez les êtres humains », explique Aurélien Roux, auteur principal de l’étude.

Déjà connue pour sa capacité à régénérer sa tête ou son pied après amputation, l’hydre intrigue depuis longtemps. Son corps est structuré par des fibres musculaires qui relient la tête aux pieds, formant ce que les chercheurs appellent « une structure topologique ordonnée ». Mais lorsqu’un désordre local apparaît dans cette organisation, on parle de « défaut topologique ». « Ces défauts se traduisent par une désorganisation des fibres musculaires”, explique Aurélien Roux.

L’idée pour les scientifiques était de créer une déformation contrôlée de l’hydre « semblable à la formation d’une sphère avec deux pôles, où les fibres musculaires convergent », souligne le chercheur. Par conséquent, en induisant un second défaut dans les fibres musculaires, cela permet aux tissus de se régénérer de manière inhabituelle.

Pour tester cette hypothèse, les chercheurs mis en place une méthodologie très subtile et qui a toute son importance. « On a utilisé un hydrogel, un polymère réticulé (similaire à ceux utilisés dans les shampooings ou la gélatine, ndlr), pour comprimer délicatement l’hydre. Ce gel est solide mais très mou, ce qui permet une compression douce par simple gravité », souligne Aurélien Roux.

Ce procédé a donc permis de créer une déformation contrôlée. Résultat: un second défaut topologique est apparu, entraînant la formation d’une deuxième tête ! L’étude a aussi révélé que ces défauts topologiques sont indispensables à la régénération, car lorsque les scientifiques ont tenté de supprimer ces perturbations, l’hydre n’a pas pu former de tête supplémentaire et a fini par mourir de faim.


« Un phénomène qui n’avait jamais été observé auparavant »

Les résultats ont montré que l’hydre peut non seulement régénérer sa forme, mais également reformer une tête fonctionnelle (cellules, neurones). Une découverte majeure selon Aurélien roux: « la déformation musculaire pourrait suffire à induire la formation d’une tête supplémentaire, soulevant des questions fondamentales sur le rôle des muscles dans l’organisation et la régénération de l’organisme ».

Les scientifiques ont déterminé que la régénération de l’hydre nécessite des petites perturbations dans son organisation interne. Jusqu’ici, la manière dont les cellules et les tissus coordonnent les forces qui façonnent les organismes n’était pas bien comprise. Cette étude montre que les facteurs génétiques et la mécanique des tissus sont couplés et agissent donc au même niveau pour former une tête correcte chez l’hydre.

A l’instar de cette découverte, cela nous amène à deux perspectives de recherche selon Aurélien Roux. D’une part, l’exploration des structures musculaires dans différents organismes: « Est-ce que les structures musculaires influencent de manière similaire le développement embryonnaire chez d’autres organismes ? Cela pourrait nous aider à déterminer si ce concept s’applique à des espèces aussi variées que les insectes, les poissons zèbres ou même les humains”.

D’autre part, cette étude soulève le lien entre mécanique et programme génétique: « L’objectif est de comprendre si la mécanique des tissus contrôle le programme génétique dans tous les organismes ». Cette idée pourrait fournir un cadre général pour expliquer comment la morphogénèse – la formation des formes et des structures – est orchestrée. « Cela inclut à la fois l’agencement des cellules aux bons endroits et la façon dont elles collaborent pour former des structures complexes », conclut Aurélien Roux.

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