Africa-Press – CentrAfricaine. Un minuscule fragment d’humérus, découvert en Indonésie, et vieux de 700.000 ans vient éclairer des questions qui turlupinent les paléoanthropologues depuis plus d’une décennie.
Depuis les découvertes d’Homo floresiensis en 2003, surnommé le hobbit en raison de sa petite taille, puis celle d’Homo luzonensis, à peine plus grand en 2019, deux questions divisent les scientifiques. Les ancêtres de ces humains étaient-ils de petits Homo, tels H. Habilis, venus d’Afrique? Ou bien étaient-ils de grands Homo archaïques, du type d’Homo erectus, établi depuis près de 1,3 million d’années en Asie du sud est ? Les petits hommes se sont-ils miniaturisés au cours du temps et si oui, quand et pourquoi ?
Le plus petit humérus fossile d’hominidé adulte jamais découvert
Des fossiles d’hominidés supplémentaires provenant des gisements de Mata Menge, sur l’île de Florès, viennent appuyer la seconde hypothèse. Le tout dernier découvert est donc un bout d’humérus adulte, daté de 700.000 ans, relate la revue Nature, qui est “environ 9 à 16 % plus court et plus fin que le spécimen type d’Homo floresiensis daté d’il y a environ 60.000 ans. Il est aussi plus petit que tout autre humérus d’hominidé adulte du connu jusqu’à présent”.
Il permet d’estimer la taille de son propriétaire à 1 mètre, soit 6 cm de moins que l’Homo floresiensis.
Entre il y a 700.000 ans et 60.000 ans, les hobbits auraient perdu 6 cm. Y a-t-il vraiment de quoi tirer de telles conclusions ? “6 cm sur une petite taille, c’est beaucoup”, estime Yousuke Kaifu, de l’Université de Tokyo, qui a mesuré l’os sous toutes ses coutures, s’appuyant sur des vues au microscopique et estimé la stature de l’individu auquel il appartenait.
De surcroit, rappellent les auteurs et auteures dans Nature, des dents exceptionnellement petites avaient déjà été découvertes dans ce secteur, et, présentaient des similarités morphologiques plus proches de celles de l’Homo erectus javanais primitif. D’autres fouilles ont aussi exhumé des artefacts de pierres très simples, remontant à 1 million d’années environ.
Conclusion ? “La lignée d’Homo floresiensis a très probablement évolué à partir de grands Homo erectus archaïques javanais et s’est longuement dirigée vers une miniaturisation il y a 700.000 ans”, estime l’équipe internationale à l’origine de la dernière trouvaille.
Un phénomène exceptionnellement documenté de nanisme insulaire
Il y a toutefois un “hic”. Le phénomène de nanisme insulaire, qui peut toucher de nombreuses espèces, est généralement encouragé par l’isolement mais aussi l’absence de prédateurs.
Or l’on a découvert sur l’île de Florès, outre des rats géants, de gros lézards de 3 m de long, du type ancien dragon de Komodo. “Ces grands reptiles ne constituaient pas une menace significative pour l’existence à long terme des populations d’Homo archaïques sur Florès, estiment les scientifiques. Par conséquent, la réduction spectaculaire précoce et la stabilité ultérieure de la taille du corps indiquent qu’avoir une taille corporelle plus petite sur cette île isolée a été bénéfique pour la survie de ces humains archaïques”.
“Lorsque j’ai vu pour la première fois le petit humérus, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un os d’enfant, mais j’ai été curieux et surpris lorsque j’ai recherché son stade de développement. La tâche d’estimer l’âge et la longueur était difficile, mais grâce à la collaboration avec mes co-chercheurs, nous avons pu résoudre les problèmes pour produire ces résultats”, précise Yousuke Kaifu. “Au début, nous n’avons pas reconnu le fragment d’humérus, qui était brisé en plusieurs morceaux, comme appartenant à un hominidé, car nous pensions que le fabricant d’outils de Mata Menge serait un Homo erectus de grande taille”, appuie Gert van den Bergh, de l’Université De Wollongong (Australie).
Cela n’a été possible qu’après après une reconstitution minutieuse par la conservatrice Indra Sutisna, qui a reconnu “le fossile comme un fragment d’humérus distal d’hominidé, et un très petit d’ailleurs”.
Il reste à savoir comment ces voyageurs venus de Java ont traversé la profonde fosse océanique de Wallace, qui sépare l’île de Florès des autres îles indonésiennes.
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