Le plancton est vital pour la planète et nous, alerte un manifeste présenté en septembre à l’ONU

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Le plancton est vital pour la planète et nous, alerte un manifeste présenté en septembre à l’ONU
Le plancton est vital pour la planète et nous, alerte un manifeste présenté en septembre à l’ONU

Africa-Press – CentrAfricaine. Un manifeste du plancton, qui sera présenté à l’ONU à New York le 23 septembre, rappelle le rôle majeur de milliards d’organismes encore très méconnus qui constituent 90% de la biomasse océanique, à la base de toute vie. Et insiste sur la nécessité de mieux financer des recherches et d’élaborer une éducation au plancton, qui peut fournir des solutions aux trois crises majeures, climat, biodiversité, pollution.

Il est à la base de tout le vivant et on ne le connaît pas. Ou si peu. Il est invisible ou presque. Même si son nom n’est pas indifférent à beaucoup, il leur serait bien difficile de préciser exactement ce qu’il recèle. « Le plancton, cet inconnu à la dérive », glousserait un humoriste connaisseur du grec ancien. Planktos signifie errant. Sauf qu’il n’y aurait plus de quoi rire si les trillions d’organismes qui le composent s’avisaient de se modifier par trop sous l’influence du changement climatique, de la hausse de température des eaux de l’océan, de leur acidification etc. Basculerait-on vers un nouveau monde si ces 90% de la biomasse des océans, en retour, se modifiaient dangereusement alors qu’ils sont vitaux ?

Pêche, aquaculture, tourisme affectés… Il est plus que temps d’apprendre à connaître “cet absent des discussions”, comme le qualifie Vincent Doumeizel, conseiller Océan au Pacte des Nations-Unies, par ailleurs grand défenseur des algues. D’où la décision de lancer un « Manifeste du plancton » (lire encadré) qui sera présenté le 23 septembre à New York, lors du sommet de l’ONU.

Il est déjà formellement endossé par Peter Thomson, envoyé spécial du secrétaire géneral des Nations Unies pour l’océan, qui rappelait en 2021, au début de la Décennie des océans qu’environ « 10 % seulement de la composition des océans est comprise par la science. Et que notre santé future dépend de celle de l’océan ».

Un test ? On pourra voir si la COP16, consacrée à la biodiversité, qui se tiendra en octobre-novembre à Cali en Colombie, s’empare du sujet. Les discussions internationales ayant jusqu’à présent été majoritairement consacrées à la biodiversité sur les continents.

A quelques jours du Festival « Grand Océan », co-organisé par Sciences et Avenir, avec Challenges et L’Histoire, en partenariat avec le pôle événementiel LesEchos-LeParisien, les 13 et 14 septembre, à la Cité de Mer, à Cherbourg, notre magazine a voulu annoncer ce Manifeste qui souligne l’importance vitale du plancton, pour la planète et nous. Interview.

Sciences et Avenir: Pourquoi le plancton est-il si important ?

Vincent Doumeizel: Depuis 4 milliards d’années, le plancton est la source et la matrice de la vie sur terre. Il a créé la moitié de l’oxygène de la planète et en sédimentant, il a fait s’élever falaises et montagnes et permis que l’on construise les pyramides d’Egypte et les cathédrales. Sans oublier de former le pétrole que nous brûlons aujourd’hui au rythme de 1 million d’années de plancton sédimenté par an (!).

« Le plus long connu est un siphonophore géant de 45 mètres de long »
Or, on ne le connaît toujours pas bien…

On parle des baleines, des dauphins, du corail, des méduses, des algues… mais tout ces organismes visibles pèsent moins de 10% de la biomasse dans l’océan. Le plancton, lui, est invisible, alors qu’il en représente les 90%. On devrait en parler comme on parle des éléphants ! Mais c’est vrai qu’il s’agit d’un écosystème complexe aux organismes incroyablement divers, avec des animaux et des végétaux – qu’on appelle depuis le XIXe siècle zooplancton et phytoplancton, et aussi tous ceux qui sont les deux à la fois, capables de faire de la photosynthèse et de manger d’autres animaux, le mixoplancton.

De tailles très variées ?

Des différences énormes. Si on élevait la taille plus petit virus planctonique à celle d’une aiguille, le plus grand des organismes du plancton dépasserait la superficie du Royaume-Uni. Le plus long connu est un siphonophore géant de 45 mètres de long.

« Les cultivateurs d’algues m’ont sensibilisé à la question du plancton »
Quel est le message principal que vous voulez faire passer avec ce Manifeste ?

C’est un appel à faire un effort d’éducation, il faut absolument apprendre à connaître notre planète, dont on ne connaît pas toutes les règles du jeu. On ne sait pas ce qui peut se passer avec une évolution inconnue du plancton. Il y a beaucoup de travail de recherche à mener.

Vous qui défendez les algues, comment êtes-vous « passé au plancton » ?

Ce sont les cultivateurs d’algues qui m’ont sensibilisé. Un ami de Saint-Malo a vu ses algues dévastées à 80% en un seul jour ! Sur terre, on connaît les criquets, mais dans l’eau, c’est comme si on cultivait ces algues dans une boîte noire, dans un système qu’on ne comprend pas. Mais on a les moyens de comprendre si l’on soutient la recherche.

Avec les satellites, on peut désormais voir les « blooms » du plancton, sa floraison sur des milliers de kilomètres carrés, des images qui peuvent être interprétées grâce à des modèles mathématiques et donner des indications sur sa composition et son abondance. Il faut redoubler d’efforts pour recueillir un maximum de données en s’aidant de la génomique, de la robotique, de l’intelligence artificielle… Car des solutions basées sur le plancton pourraient répondre aux trois crises actuelles, celle du climat, de la biodiversité et de la pollution.

MIEUX FINANCER LES RECHERCHES SUR LE PLANCTON

Améliorer les connaissances pour effectuer une meilleure surveillance du plancton ; rendre les gens conscients de son importance ; intégrer le plancton dans les discussions politiques mondiales, voici les 3 grandes catégories regroupant les 10 recommandations du « Manifeste du plancton », émises par les 38 auteurs experts issus de multiples institutions du monde entier (1).

On y trouve ainsi un appel à mieux financer les recherches, à développer les relations entre science, industrie, politiques publiques, à se doter d’outils permettant de mesurer les bouleversements infligés au plancton par les infrastructures côtières, les transports maritimes, le tourisme, l’aquaculture, la pollution… Pousser l’éducation et introduire le plancton dans toutes les discussions politiques sur la biodiversité en particulier semblent désormais des objectifs majeurs.

Pour bien faire comprendre l’enjeu, dans ses premières pages, le Manifeste commence par des explications pédagogiques, avec force graphiques pour un écosystème complexe. Et même si la connaissance du plancton ne fait que commencer, un exposé de 10 points majeurs déjà établis à son sujet est réalisé et explicité en un court paragraphe: son apport d’oxygène et de nourriture ; il a « terraformé » la planète ; son rôle majeur dans le cycle du carbone ; son rôle majeur dans l’évolution ; il s’agit d’une « majorité invisible » de biomasse ; il a une diversité remarquable ; il est visible depuis l’espace ; son grand impact sur nos vies ; notre compréhension limitée. « Si le XVIe siècle a vu les premières explorations scientifiques du monde visible, ce n’est qu’au XXIe siècle que l’exploration en profondeur du monde du plancton, en grande partie invisible, a débuté », constatent les auteurs.

1) CNRS, EHESS, universités de Tokyo, Kyoto, Harvard, Xiamen, Sorbonne… laboratoire marin de Plymouth, instituts Wegener, Weizmann Commission européenne, fondation Tara…) de 14 pays (Etats-Unis, Chine, Japon, Inde, Australie, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Israel, Afrique du Sud, Sénégal, Arabie Saoudite, Chili).

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