Nanotyrannus Réhabilité: Un Fossile Relance le Débat

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Nanotyrannus Réhabilité: Un Fossile Relance le Débat
Nanotyrannus Réhabilité: Un Fossile Relance le Débat

Africa-Press – CentrAfricaine. 67 millions d’années après leur dernier combat, les deux fossiles extraits de la formation de Hell Creek, dans le Montana, livrent enfin leur secret. Cette célèbre pièce qui forme le duo des « dinosaures en duel » présente les squelettes d’un tricératops et d’un petit tyrannosaure, d’à peine 1,5 tonne, entrelacés dans une position de combat.

Elle a été étudiée par Lindsay Zanno, paléontologue à la North Carolina State University et cheffe de la paléontologie au Musée des Sciences Naturelles de Caroline du Nord (NCMNS), qui l’abrite. Elle tire de son travail une conclusion explosive: le tyrannosaure qui combat appartient à une espèce naine baptisée Nanotyrannus lancensis, dont l’existence est débattue depuis près de 40 ans. Cette fois, les conclusions semblent solides. Mais peut-être pas assez, cependant, pour convaincre toute la communauté des paléontologues…

Un tyrannosaure miniature, mais adulte

Le nouveau spécimen se distingue par sa complétude exceptionnelle puisque le tyrannosaure a été conservé avec son squelette presque entier, des os du crâne aux vertèbres caudales. L’analyse de ses tissus osseux, des points de fusion vertébrale et des caractères anatomiques montre qu’il s’agit d’un individu pleinement adulte, mort vers l’âge de 20 ans, avec une croissance stoppée depuis plusieurs saisons.

« Notre spécimen est un Nanotyrannus adulte pesant seulement 700 kilos après deux décennies de croissance, explique Lindsay Zanno. Son anatomie – plus de dents, des bras plus longs, une queue plus courte, un agencement unique des nerfs et sinus crâniens – est incompatible avec l’hypothèse d’un T. rex juvénile », assure-t-elle.

Les motifs de croissance observés sont ceux d’un animal ayant atteint sa taille maximale, sans signe d’expansion du cortex osseux ni remodelage actif. Pour James Napoli, co-auteur de l’étude et paléontologue à l’université Stony Brook, « pour que Nanotyrannus soit un jeune T. rex, il faudrait qu’il contredise tout ce que nous savons du développement des vertébrés. Ce n’est pas seulement improbable, c’est impossible ».

Les auteurs vont même encore plus loin ! En comparant ce Nanotyrannus lancensis à d’autres fossiles similaires, ils identifient une seconde espèce, Nanotyrannus lethaeus, correspondant au célèbre spécimen « Jane » du musée Burpee (Etats-Unis). « Jane partage de nombreux traits uniques avec N. lancensis, mais aussi quelques différences, précise Lindsay Zanno. Elle semble avoir atteint une masse corporelle légèrement supérieure et se distingue par des caractères liés à son système respiratoire et à sa dentition ». Ainsi, les chercheurs estiment que cette espèce pouvait peser jusqu’à 1200 kilos à l’âge adulte contre jusqu’à huit tonnes pour un T.rex adulte.

Un débat relancé plutôt que clos

La publication fait déjà réagir la communauté paléontologique. Pour Holly Woodward, spécialiste d’histologie des dinosaures à l’Oklahoma State University, « le tissu osseux du fémur et du tibia de NCSM 40000 (Nanotyrannus lancensis, ndlr) montre que le spécimen approchait sa taille adulte, et je n’ai pas de problème avec cette conclusion du point de vue histologique ». Cette paléontologue, qui a toujours été sceptique quant à l’existence d’un tyran nain, semble cette fois-ci convaincue.

En revanche, elle se montre bien plus prudente concernant la création d’une deuxième espèce: « Attribuer un nouveau Nanotyrannus à ‘Jane’ est problématique. Histologiquement, Jane était encore en croissance et déjà plus grande que N. lancensis. On retombe donc dans les mêmes débats morphologiques qu’auparavant ».

Même prudence du côté de François Therrien, conservateur au Royal Tyrrell Museum à Drumheller, au Canada: « Le débat sur la validité de Nanotyrannus dure depuis des décennies. Bien que la majorité des paléontologues pensent qu’il s’agit d’un jeune T. rex, certains chercheurs persistent à en faire une espèce distincte », insiste-t-il.

Cette nouvelle étude, publiée dans la célèbre revue Nature, très attendue, sera scrutée à la loupe. « Elle est intéressante, mais elle soulève beaucoup de questions: les preuves histologiques peuvent être ambiguës, tout comme plusieurs des traits anatomiques invoqués pour distinguer Nanotyrannus de T. rex, tempère François Therrien. Je crois que cette étude fera couler beaucoup d’encre, mais qu’elle ne convaincra sans doute pas la majorité des spécialistes ».

Ces réserves n’étonnent pas Lindsay Zanno, consciente de la portée symbolique de son travail. « Nous ne voulions pas simplement alimenter la controverse, explique-t-elle. Nous avons vérifié chaque point, croisé les données anatomiques, histologiques et phylogénétiques. De notre point de vue, le débat est clos. Il faut désormais se tourner vers les vraies questions: quelle était la biologie de Nanotyrannus? Comment différait-il du T. rex et comment ces deux espèces coexistaient-elles il y a 67 millions d’années? »

Repenser la biologie du T.rex

La reconnaissance d’un second tyrannosaure adulte bouleverse la vision établie des écosystèmes du Crétacé terminal. Pendant des décennies, les petits squelettes attribués à Nanotyrannus lancensis ont servi de référence pour modéliser la croissance et l’écologie du T. rex. Si ces fossiles appartiennent en réalité à une autre espèce, la courbe de croissance du roi des tyrans repose sur des données erronées.

« Si les conclusions des auteurs sont exactes, cela remet en cause les études sur la croissance juvénile du T. rex, confirme Holly Woodward. Sans ces spécimens, il ne reste presque aucun enregistrement fossile publié sur les jeunes T. rex, malgré plus d’un siècle de fouilles ».

Pour Lindsay Zanno, une révision s’impose: « Pendant des décennies, les paléontologues ont utilisé Nanotyrannus comme modèle pour comprendre la biologie des adolescents de T. rex. Ces études doivent être réexaminées ». La chercheuse y voit aussi une invitation à explorer une biodiversité mal connue: « La coexistence de plusieurs grands prédateurs dans les derniers millions d’années du Crétacé suggère des niches écologiques plus diversifiées qu’on ne le pensait. Peut-être que d’autres petits dinosaures ont, eux aussi, été mal identifiés ».

Une nouvelle ère pour une pièce mythique

Le destin des « dinosaures en duel » prend enfin un tour scientifique. Acquis en 2020 par le North Carolina Museum of Natural Sciences grâce à une levée de fonds publics et après des années de combats juridiques, le spécimen est désormais conservé dans des conditions optimales. « C’est une source inépuisable de données pour les générations futures, souligne François Therrien. Ce fossile, quel que soit le camp qu’on choisit dans le débat, reste un trésor pour la science ».

En attendant d’autres analyses, Nanotyrannus lancensis rebat les cartes de la fin du Crétacé. Si ses os racontent bien l’histoire d’un petit prédateur adulte ayant coexisté avec le T. rex, alors la dernière page du règne des dinosaures se révèle plus riche que ce que la communauté scientifique avait imaginé.

Les prochains travaux viseront à préciser l’évolution de ces tyrannosaures nains, leur aire de répartition, et leurs interactions possibles avec d’autres carnivores. Si la distinction entre Tyrannosaurus et Nanotyrannus se confirme, elle pourrait contraindre les paléontologues à redéfinir l’ensemble de la lignée des tyrannosaures.

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