Ne dites plus que les roses ont des épines

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Ne dites plus que les roses ont des épines
Ne dites plus que les roses ont des épines

Africa-Press – CentrAfricaine. Les plantes piquent car elles ne veulent pas être mangées. Elles ont très tôt au cours de l’histoire évolutive recouru à des défenses pour blesser les langues des herbivores et tenter de les empêcher de les dévorer (certains animaux comme les chameaux ou les chèvres ont répliqué avec des langues râpeuses).

“Les aiguillons sont des excroissances de l’épiderme qui peuvent être enlevées facilement”

Au cours de ces 400 millions d’années, à au moins 28 reprises, de très nombreuses familles de plantes pourtant très éloignées les unes des autres ont développé indépendamment cette aptitude, notamment la moitié des espèces de solanacées (aubergines, pommes de terre, tomates) et le genre Rosa qui regroupe tous les rosiers.

Un consortium international mené par le Cold Spring Harbor Laboratory, un laboratoire américain privé à but non lucratif de recherche génétique, vient de déterminer le gène à l’origine de ces excroissances hirsutes de l’épiderme des plantes. Ce résultat a été publié dans Science le 1er août.

Les chercheurs parlent ici d’aiguillons. Pas d’épines. “Il existe en effet deux systèmes physiques de défense de l’épiderme, rappelle Mohammed Bendahmane, directeur de recherche Inrae à l’unité mixte de recherche Reproduction et développement des plantes à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon, coauteur de cette étude. Les aiguillons sont des excroissances de l’épiderme qui peuvent donc être enlevées facilement, tandis que les épines sont des feuilles ou des tiges modifiées pour prendre cette apparence”. Ainsi, outre les aubergines et tomates, les rosiers sont dotés d’aiguillons, et non pas d’épines.

De très nombreuses générations de poètes ont donc eu tort le broder sur les épines des roses. Les épines sont l’apanage des citronniers, de l’aubépine, des cactus (dont les piquants sont des feuilles modifiées), de l’acacia ou encore des ajoncs (la liste est non exhaustive).

La domestication des plantes cultivées a cherché à se débarrasser des aiguillons

L’équipe internationale a cherché à localiser plus précisément l’emplacement du gène responsable de la formation des aiguillons dans le génome de l’aubergine et du rosier. Ils ont pour cela comparé les génomes d’aubergines hybrides domestiquées et sélectionnées pour ne plus posséder d’aiguillons avec le génome d’aubergines sauvages qui ont gardé leurs défenses.

Par recombinaison des biomarqueurs, les chercheurs ont pu ainsi restreindre la zone du génome où se trouve le responsable de la formation de la défense, un gène baptisé LOG pour « Lonely Guy » dont on connaissait l’existence mais pas le rôle dans le développement des aiguillons.

Les études génétiques menées sur les rosiers ont permis de confirmer ces travaux de localisation. “Ainsi, on sait que chez la rose, le gène LOG se trouve sur le chromosome 3, mais avant les travaux du consortium, la zone identifiée comprenait également des gènes aux fonctions complètement différentes dont celles assurant la formation de fleurs doubles ou bien encore la remontée de floraison”, explique Mohammed Bendahmane, impliqué dans les travaux du fait de ses nombreuses années d’étude du génome des rosiers.

On sait désormais où se trouve LOG, mais on connaît aussi mieux ses fonctions. Ce gène est impliqué dans la production de la cytokinine, une hormone végétale impliquée dans la prolifération des cellules et dans leur diversification pour créer les différents organes des plantes.

Le risque de mettre en péril des espèces d’intérêt agronomique

LOG a donc une grande importance pour les végétaux à aiguillons. “Maintenant que nous savons où il se trouve, nous allons pouvoir déterminer les gènes qui commandent son activation ainsi que ceux qui lui obéissent”, poursuit Mohammed Bendahmane.

Ces recherches pourraient déboucher sur des découvertes intéressant l’agriculture. L’une des caractéristiques de la domestication des plantes, c’est justement la perte de leurs défenses. L’humain n’a que faire de ces parties piquantes qui peuvent le blesser et, par sélection, il les a systématiquement éliminées. “Mais on ne connaît rien des conséquences de la perte de LOG et il est possible que l’on mette en péril des espèces d’intérêt agronomique, déplore le chercheur lyonnais. Outre leur rôle de dissuasion des herbivores, les aiguillons aident à soutenir la croissance des plantes grimpantes, à entrer en compétition avec d’autres plantes, mais elles sont également un moyen pour que les plantes des régions désertiques résistent à la chaleur et à la sécheresse, ce qui peut être une caractéristique intéressante pour l’agriculture dans des pays semi-arides.”

En voulant se débarrasser d’un système de défense important pour ces végétaux, l’humain jouerait un rôle d’apprenti sorcier, inconscient des résultats de ses manipulations du vivant. Mohammed Bendahmane se souvient ainsi d’un vieux dicton qu’on lui a transmis dans sa jeunesse marocaine: “Si l’on veut du miel, il faut supporter les piqûres d’abeilles ; si l’on veut des jolies boucles d’oreilles, il faut supporter la douleur du piercing ; si l’on veut une rose, il faut supporter ses épines.”

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