Qu’est-ce que la singularité d’un trou noir ?

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Qu’est-ce que la singularité d’un trou noir ?
Qu’est-ce que la singularité d’un trou noir ?

Africa-Press – CentrAfricaine. Objets cosmiques qui fascinent les physiciens autant que les auteurs de science-fiction, les trous noirs sont bien énigmatiques. Ces régions de l’espace ont un champ gravitationnel qui empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s’en échapper. L’espace-temps y est tellement déformé qu’il se comporte comme un gouffre pour tout ce qui s’en approche de trop près, y compris la lumière. En leur centre se trouve ce que l’on nomme une singularité. De quoi s’agit-il? Éric Gourgoulhon, du laboratoire d’étude de l’Univers et des phénomènes extrêmes à Meudon (CNRS, Observatoire de Paris), apporte la réponse.

Quand la théorie atteint ses limites

L’existence de la singularité dans les trous noirs découle de la théorie de la relativité générale. En 1915, Albert Einstein formule les équations qui décrivent comment se comporte l’espace-temps en présence de matière et d’énergie. La même année, l’astrophysicien allemand Karl Schwarzschild est le premier à proposer une solution aux équations, qui a plus tard été reconnue comme décrivant un trou noir. Ses calculs indiquent la présence d’une singularité en leur centre. “D’un point de vue mathématique, la singularité est l’endroit où la courbure de l’espace-temps diverge et devient infinie”, explique Éric Gourgoulhon à Sciences et Avenir.

Or dans la théorie de la relativité générale, la gravitation correspond à la déformation de l’espace-temps. Comme la courbure y devient infinie, il en est de même pour l’influence gravitationnelle. “D’un point de vue physique, les forces de marée deviennent de plus en plus grandes en s’approchant de la singularité, jusqu’à devenir infinies, complète Éric Gourgoulhon. Cela traduit une limite de la théorie, en l’occurrence la relativité générale.” En effet, au niveau de la singularité, toute la matière est condensée en un espace extrêmement petit. À cette échelle de taille, des effets quantiques apparaissent. Sauf que la relativité générale ne dit rien du comportement des particules et leurs interactions. À l’inverse, la gravité n’est pas décrite par la physique quantique. L’apparition de quantités infinies marque ainsi la frontière de nos connaissances sur les trous noirs.


Une singularité sans trou noir…

Par définition, un trou noir est constitué de deux régions: une interne, cachée, et une externe, observable. La singularité se situe toujours à l’intérieur, derrière ce qu’on appelle l’horizon des événements. Il s’agit de la limite au-delà de laquelle plus rien ne peut échapper à l’attraction du trou noir. Mais est-il envisageable d’avoir une singularité sans trou noir? Une telle singularité, non dissimulée par un horizon, est appelée singularité nue. “À ce jour, nous n’avons pas d’évidence observationnelle de singularités nues, ni de mécanisme de leur formation, ajoute Éric Gourgoulhon. De plus, les physiciens sont gênés car comme elles correspondent aux limites de la théorie, ils n’ont aucun pouvoir prédictif sur leur comportement.”

Certes, des contre-exemples existent mais ils sont théoriques et requièrent des conditions très spécifiques. “En l’absence de pression et à partir d’une étoile initialement étirée en forme de cigare, précise le physicien, les simulations indiquent que l’on pourrait obtenir une singularité nue.” Toutefois, de telles configurations semblent très peu probables dans l’Univers actuel. C’est d’ailleurs l’idée centrale de la conjecture de censure cosmique, proposée par le physicien et mathématicien britannique Roger Penrose: toute singularité serait nécessairement cachée derrière un horizon. Néanmoins, dans les instants qui ont suivi la formation de l’Univers, les conditions auraient pu être telles que des singularités nues aient pu exister. Les recherches se poursuivent donc pour modéliser l’Univers primordial… mais aussi pour imaginer des trous noirs sans singularité.

… et des trous noirs sans singularité

Car si l’on peut conceptualiser des singularités nues, peut-on imaginer un trou noir sans sa singularité? Pour cela, il faut se rappeler que la singularité gravitationnelle émerge des calculs, car les trous noirs proviennent des solutions des équations d’Einstein. Plus exactement, en considérant un Univers vide, sans matière ni énergie. “Ce sont de bonnes solutions pour rendre compte des trous noirs, développe Éric Gourgoulhon, car il n’y a pas de matière entre la singularité et l’horizon des événements.” Mais les physiciens peuvent s’amuser à jouer avec les équations et faire varier les paramètres de matière et d’énergie. Ils obtiennent ainsi des trous noirs réguliers, c’est-à-dire sans singularité. Cependant, contrairement aux trous noirs standards, ces solutions exotiques n’ont été confirmées par aucune preuve observationnelle.

L’autre solution pour faire disparaître la singularité d’un trou noir serait de le décrire à l’aide d’une théorie quantique de la gravitation. Voilà 60 ans que les physiciens sont à la recherche d’une telle théorie. Deux concurrentes sérieuses sont en compétition: d’une part la théorie des cordes et d’autre part la gravité quantique à boucles. “Aucune des deux n’est aboutie et n’est parvenue à faire des prédictions précises, chacune est intéressante tout en ayant ses défauts”, conclut Éric Gourgoulhon. La question demeure donc ouverte.

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