Africa-Press – Comores. Hier dimanche 3 septembre, ont eu lieu à Iconi, les obsèques de l’enseignant et écrivain Aboubacar Said Salim. Homme de lettres reconnu dans le monde des lettres tant aux Comores que dans l’espace francophone, Aboubacar Said Salim est né Moroni. Il a passé une partie de sa scolarité primaire à Mbéni (Hamahamet) où son oncle Said Omar Abderémane a été affecté comme instituteur. Il revient à Iconi pour poursuivre ses études primaires en classe de CE2. Après avoir été reçu brillamment au concours d’entrée en 7ème, il entre au Collège de Moroni qui deviendra le Lycée de Moroni. Il découvre la littérature dans ses années de lycée en lisant tout ce qui lui tombait dans ses mains et en participant aux activités de la coopérative.
Aboubacar Said Salim est parmi les élèves grévistes de janvier 1968 et fait partie du groupe ayant été arrêtés et mis en rétention au lycée lors de la dure répression menée par l’administration coloniale. En 1969, le jeune Aboubacar est reçu au baccalauréat. Il part en France s’inscrire en lettres et sciences humaines à l’Université de Bordeaux III. Il adhère à l’Association des Stagiaires et Etudiants des Comores (ASEC), une association très engagée dans le combat de l’indépendance nationale.
Il dirige d’abord la section de Bordeaux et occupe ensuite le poste de Secrétaire Général de l’ASEC sous la présidence de Houssein Cheikh. Son dynamisme et son activisme le conduit à la Direction Centrale de l’ASEC basée à Paris. Ses fonctions à la tête de l’ASEC l’amènent à côtoyer les militants associatifs et révolutionnaires du tiers monde et notamment les dirigeants de la Fédération des Etudiants de l’Afrique Noire en France, l’Association des Etudiants d’Origine Malgache, l’Union Nationale des Etudiants du Kamerun, mais aussi les militants du Mouvement étudiant Martiniquais et Guadeloupéen, et les futures élites africaines.
Suite aux mots d’ordre de retour au pays lancé par la direction révolutionnaire de l’ASEC, Aboubacar Said Salim regagne les Comores, au début des années 80 avec bon nombre de ses camarades. Il entame alors une carrière d’enseignant au Lycée Said Mohamed Cheikh tout en continuant son combat pour la liberté et l’émancipation du peuple comorien. Il s’engage au Front Démocratique (FD) ou il se retrouve avec ses camarades comme Moustoifa Said Cheikh, Idriss Mohamed, Mohamed Abdou Soimadou, Youssouf Moussa, Abdéramane Ahmed Koudra, Abdou Soefo. Il s’engage ainsi dans la lutte contre l’occupation du pays par les mercenaires français diriges par Bob Denard. Suite à la répression féroce des mercenaires, il est arrêté et gardé en prison au camp militaire de Voidjou. Ses compagnons de cellule sont entre autres Idriss Mohamed et Mohamed Abdou Soimadou, Abdéréane Ahmed Koudra, Said Ahmed Jaffar Guigui.
Après plusieurs mois de privation de liberté et de tortures, il retrouve la liberté et reprend ses activités d’enseignant. Il se consacre pleinement à ses activités littéraires en fondant le club Kalam puis Pohori. Il publie des ouvrages qui sont devenus des best-sellers aux Comores et dans la sphère francophone. Certains de ses ouvrages comme le « bal des mercenaires », « la graine » ou « la révolte des voyelles » sont enseignés dans les lycées et collèges des Comores. Ces derniers temps il s’est beaucoup intéressé à la recherche sur l’histoire précoloniale des Comores en créant avec le professeur Kaambi Roubani l’association « Djunduwo ». Il a aussi en premier ligne pour la promotion du shikomori et de son introduction à l’école.
Aboubacar Said Salim n’a jamais cessé de dénoncer les travers de la France-Afrique. Par des articles très incisifs il montrait la duplicité et l’irrationalité de l’occupation de l’ile comorienne de Mayotte. Il prenait également le parti des demandeurs des visas pour la France en dénonçant les mauvaises conditions d’accueil au service des visas notamment l’exposition au soleil et aux intempéries. Il a eu à écrire de nombreuses lettres ouvertes aux différents ambassadeurs de France en Union des Comores.
Aboubacar Said Salim a marqué de façon indélébile le monde intellectuel et littéraire comorien. Son savoir immense et son sens de l’amitié ont fait de lui, un imposant monument aussi bien dans l’enseignement, la littérature et dans l’administration publique. Il a été au centre de nombreux évènements littéraires dans le pays dont l’organisation du « Kalam d’argent », « les veillées poétiques », l’émission « le Café Littéraire » de l’ORTC, le premier « salon du Livre des Comores » ou le Festival des Arts Contemporains ».
Parallèlement à cette longue carrière dans le monde des arts et de la culture, Aboubacar Said Salim a eu à occuper des postes de responsabilités au niveau étatique. Il a été successivement chargé de communication à la présidence de la république au début des années 2000, puis Secrétaire Général à l’Assemblée de l’Union et Secrétaire Général de l’Assemblée de l’île de Ngazidja. Aboubacar a été un homme très pieux, un mouride de la confrérie shadhuli. Sa disparition est une perte incommensurable pour beaucoup de Comoriens et d’amoureux de la littérature. Que dieu lui ouvre les portes du Paradis.
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