Africa-Press – Comores. À l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance des Comores, l’historien Haddad Salim Djabir, Directeur régional du CNDRS Mohéli a animé une conférence sur les liens entre économie de plantation et mutations politiques de 1946 à 1975. Une relecture éclairante d’une période décisive pour comprendre les fondations, mais aussi les failles, du projet indépendantiste comorien.
C’est dans le cadre des célébrations des 50 ans d’indépendance que le chercheur Haddad Salim Djabir a livré une conférence captivante intitulée « Économie de plantation et mutations politiques aux Comores de 1946 à 1975 ». L’objectif est de mettre en lumière le rôle crucial de l’économie coloniale dans la structuration de la vie politique de l’archipel, jusqu’à la déclaration unilatérale d’indépendance du 6 juillet 1975. L’intervenant a d’abord insisté sur l’intérêt d’étudier la période d’autonomie interne, amorcée après la Seconde Guerre mondiale, à la lumière des mutations institutionnelles et économiques. Il rappelle qu’en 1946, les Comores deviennent territoire d’outre-mer grâce à un arsenal juridique, dont la « loi-cadre Defferre », qui visait à favoriser la participation des autochtones à la gestion interne du pays. Mais ces avancées politiques restaient cantonnées à un cadre colonial.
Sur le plan économique, l’époque est dominée par une économie de plantation axée sur le coprah, la vanille, le girofle et le café. Or, comme le souligne l’historien, ces matières premières n’étaient pas transformées localement, mais exportées brutes vers la France, notamment à Marseille. « Il n’y avait ni usines ni chaînes de valeur », regrette-t-il. Cette dépendance entravait tout développement structurel. Le cyclone de 1950, qui dévasta les plantations, provoqua un exode de Comoriens vers Majunga. En réponse, la France mit en place des projets de relance agricole, comme le « projet cocotier ». Mais le schéma restait identique: aucune industrialisation locale et peu de retombées pour les populations.
Dans ce contexte économique figé, les luttes politiques s’intensifient: création du MOLINACO en Tanzanie, naissance du PASOCO, affrontement entre « Verts » (partisans de l’indépendance) et « Blancs » (fédéralistes). Mohéli, à l’instar des autres îles, était impliquée dans cette dynamique militante. Des figures locales comme Fazul et Salim Djabir ont contribué à mobiliser l’opinion en faveur de la rupture avec la France. Pour Haddad Salim Djabir, les Comoriens ont voté pour l’indépendance parce qu’ils espéraient mieux que l’autonomie. L’absence de progrès en matière d’infrastructures, de santé, d’éducation ou d’électricité a nourri une aspiration légitime à un changement radical. En conclusion, l’historien appelle à tirer les leçons du passé pour construire l’avenir: « Il nous faut développer de vraies chaînes de valeur, penser une économie au service des Comoriens. » Cinquante ans après, la marche vers l’indépendance reste un chantier inachevé.
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