Hasbat Said Bacar : « Je n’étudie pas les religions. J’étudie les faits sociaux et de fait, les pratiques religieuses »

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Hasbat Said Bacar : « Je n’étudie pas les religions. J’étudie les faits sociaux et de fait, les pratiques religieuses »
Hasbat Said Bacar : « Je n’étudie pas les religions. J’étudie les faits sociaux et de fait, les pratiques religieuses »

Africa-Press – Comores. Doctorante en sociologie à l’université de Paris 8, Hasbat Said Bacar mène des recherches traitant des différents courants de l’islam. Cette jeune maman compte travailler après sa thèse dans les organismes internationaux dans les départements de gestion de conflits notamment sur les thématiques religieuses pour prôner la paix et le vivre ensemble. Elle a accepté de répondre aux questions de La Gazette des Comores / HZK-Presse.
Question : Qui est Hasbat Said Bacar ?
H.S.B: Je me définis en tant que chercheure en sciences sociales avec une expérience naissante dans la recherche, la gestion du secteur public, la formation spécialisée et le renforcement des capacités. Mon principal intérêt de recherche est d’analyser les relations entre la religion et le développement social.

Question: Qu’est-ce qui vous a conduit à la recherche?
Hasbat Said Bacar : J’ai envie de dire que la vie est imprévisible. Il suffit parfois de prendre du recul, d’observer et de tirer les meilleures conclusions. Quand j’ai entamé ma licence de sociologie, mon rêve était de décrocher un master professionnel et d’intégrer les organismes internationaux pour travailler dans les thématiques du genre. Et puis j’ai ma grande sœur, qui est très brillante, qui a une thèse en physique quantique. Pendant la période où elle faisait sa thèse, j’avais tendance à minimiser le travail de recherche. D’ailleurs, je me souviens qu’un jour, lors de nos discussions, je lui ai dit que moi aussi j’allais faire une thèse sur le ton de la plaisanterie. J’ai envie de dire que moi-même, je n’y croyais pas. Et au final, je me suis retrouvée dans ma première année de master à étudier un sujet de recherche des plus prenants, et me voilà aujourd’hui toujours engagé et investi au niveau des dialogues inter-religieux, intra-religieux voire les relations qu’entretiennent les différents courants de l’islam.

Question: Justement, vous travaillez sur quel type de recherche?
H.S.B: Mon sujet de thèse s’intitule: « les relations entre les courants de l’islam : étude comparée entre un pays musulman du Sud (les Comores) et un pays laïque développé (la France). Je tiens à préciser que je fais de la sociologie pour ne pas que l’on confonde avec la théologie. Je n’étudie pas les religions. J’étudie les faits sociaux et de fait, les pratiques religieuses. Je me situe dans ce qu’on appelle la sociologie des faits religieux. J’analyse les interactions subsistant entre les différents courants de l’islam présents aux Comores ou du moins que j’ai eu à interagir durant mon séjour d’enquête ici aux Comores en prenant pour point de départ les soufis. Il y a eu pas mal de sociologues et anthropologues qui considèrent que le soufisme serait la base d’un meilleur vivre-ensemble. Connaissant les Comores comme étant un pays musulman de rite chafeïte qui pratique le soufisme depuis le XIXème siècle, il fut intéressant pour moi de partir de cette base et d’analyser les relations que les soufis entretiennent avec les autres « courants » de l’islam qui existent ici aux Comores.

Question : Comment les gens vous ont-ils accueilli ?
H.S.B : J’ai envie de dire que cela surprend parfois le genre masculin qu’une femme s’intéresse à des questions religieuses. Au niveau de mes enquêtés en général, j’ai envie de dire que les soufis ont su faire preuve d’une grande ouverture d’esprit et m’ont énormément soutenu dans ma démarche. Je ne les remercierai jamais suffisamment car ils m’ont permis d’avoir une meilleure lecture du paysage religieux comorien tout en discernant le culte religieux, les rites et ce qui relève de la culture comorienne.

Question : Combien d’années durent une thèse?
H.S.B : Quand j’ai eu mon entretien avec mon directeur de thèse, je me souviens qu’il m’a dit mademoiselle Said Bacar, vous avez trois ans pour rédiger votre thèse. Et moi, assez confiante, je lui ai dit trois ans me suffiront. C’était sans compter les aléas de la vie. J’ai envie de dire que tout est relatif. Entre temps j’ai perdu mon père puis aujourd’hui, je suis maman d’une merveilleuse petite fille de 2 ans et 11 mois. Je pense qu’on ne peut pas précisément dire que la thèse prend 3 ans ou 8 ans. Tout dépend du parcours de tout un chacun, mais ce qui est sûr, il est important de ne jamais abandonner un projet qui nous tient à cœur peu importe les années et aussi faut que cela soit en accord avec le directeur de thèse. Ce qui est d’ailleurs très compliqué, car c’est une confiance établie dans la réciprocité et qui est souvent mise à rude épreuve.

Question : Comment arrivez-vous à concilier votre vie de jeune mère et vos recherches ?
H.S.B : Cela n’est pas toujours facile de concilier une vie de famille avec un travail de recherche. Je pense que les « théoriciens » diront que je me trompe, mais il faut vraiment être dans la pratique. En tant que jeune maman… C’est ainsi que j’aime me qualifier avec beaucoup d’humour, même si j’ai atteint la trentaine, j’ai eu à rencontrer pas mal d’obstacles mais je me suis relevée. C’était important pour moi ne serait-ce que pour ma fille. J’ai envie d’être un modèle d’inspiration pour elle, et je pense que le rêve de la plupart des parents, c’est de voir leurs enfants les surpasser.

Question : Quelles sont vos perspectives ?
H.S.B : Avant que je m’engage dans la thèse, je savais exactement ce que je voulais faire dans la vie… Travailler dans les organismes internationaux, dans les départements de gestion de conflits notamment sur les thématiques religieuses. Aujourd’hui, je m’interroge. J’ai eu à travailler en parallèle avec mes études, et de fait à travailler dans plusieurs secteurs d’activités. Je sais que je voudrais un travail qui me donne du temps pour écrire, pour réfléchir et pour m’adonner dans la rédaction d’articles. L’enseignement n’est pas un secteur qui m’intéresse tout particulièrement; puis je dirai que j’ai sans doute envie de retourner travailler à la Banque Africaine de Développement. Je suis un peu aventurière et mon CV avait été retenu pour une courte mission au siège de la Banque Africaine, en Côte d’Ivoire en 2018.

Un dernier mot ?
H.S.B : Si je devais rajouter un dernier mot, ce serait plutôt pour lancer un message, un message général, je n’ai pas juste envie de m’adresser aux femmes… Je voudrais que tout le monde puisse s’identifier à ce message et dire qu’il ne faut jamais cesser de croire en ses rêves et de ne pas hésiter à partir en quête de son trésor. Je pense que les obstacles que nous affrontons souvent, ce sont des épreuves qui nous mènent à notre destin si on arrive à les dépasser.

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