Africa-Press – Congo Brazzaville. Frédérique Leclerc est enseignante-chercheuse à l’université Côte d’Azur. Rattachée au laboratoire Géoazur, elle étudie l’activité sismique dans la zone de Santorin et d’Amangos. Depuis le 27 janvier 2025, cette région connait une succession de séismes de magnitude faible à moyenne, poussant des milliers de personnes à fuir l’île touristique. Si les autorités se veulent rassurantes et affirment qu’il est très peu probable qu’un séisme de plus forte magnitude se produise, les scientifiques tentent toujours de comprendre ce phénomène inhabituel pour les données sismologiques grecques. Frédérique Leclerc revient avec Sciences et Avenir sur l’incertitude actuelle.
Sciences et Avenir: Depuis le 27 janvier 2025, plus de 200 secousses ont été enregistrées au large de Santorin et de l’archipel des Cyclades, est-ce habituel dans cette région ?
Frédérique Leclerc: C’est une région très active. Dans toute la zone, la croûte de la mer Égée est en extension. Donc, il y a des grandes failles normales qui découpent le plancher océanique. En 1956, au large d’Amorgos et de Santorin, il y a eu un séisme très important de magnitude comprise entre 7.2 et 7.8. C’est un des séismes les plus forts de Méditerranée ces deux derniers siècles. Et puis, on est à côté de Santorin, une île volcanique. C’est une zone avec des volcans sous-marins, notamment un volcan qui s’appelle Kolumbo. En 1650, il a généré une grande éruption aérienne. On est dans une zone qui est le siège de deux phénomènes, à la fois de l’extension tectonique, et du volcanisme.
Les habitants ont été invités à évacuer les bords de mer, y a-t-il un risque pour la population ?
Des mouvements de sol importants peuvent potentiellement endommager les structures. Si un séisme plus important venait à se produire, il pourrait y avoir des bâtiments endommagés, forcément, pour les populations à l’intérieur de ces bâtiments, cela représente un risque.
La crise peut très bien s’arrêter demain, ou elle peut continuer, avec une intensité qui peut se stabiliser, ou augmenter. C’est l’avenir qui nous le dira. Il y a aussi un risque potentiel lié à la génération d’un tsunami, car un séisme sous-marin fort, ou une éruption volcanique sous-marine, peuvent tous les deux modifier la morphologie du fond de la mer très rapidement, en quelques secondes, et entraîner au-dessus la colonne d’eau. Aujourd’hui, la crise actuelle n’est pas aussi forte que le séisme de 1956 ou l’éruption de 1650, qui ont engendré des tsunamis. Mais s’il y a eu des tsunamis dans le passé le long de certaines côtes, on sait que cela peut se reproduire. C’est pourquoi les autorités grecques ont demandé aux personnes de s’éloigner du bord de mer et de dormir dans les hauteurs.
« Il y a probablement des fluides (gaz, magma) qui sont impliqués »
Cette crise est-elle d’origine tectonique ou volcanique ?
Pour le moment, on ne peut pas trancher, et il est probable que ce soit les deux en même temps. En général, quand on a une crise sismique d’origine tectonique, il y a un premier séisme, dont la magnitude est la plus forte, et ensuite toutes les répliques sont, en termes de magnitude, moins fortes que le choc principal. La crise actuelle nous montre un schéma différent. On a commencé par une sismicité faible, avec des séismes de magnitudes inférieures à 4, et là, depuis ce week-end, on enregistre des séismes de magnitudes de plus en plus fortes.
Hier, il y a eu un séisme de magnitude 5. Pour le moment, cela ne ressemble pas à une crise sismique d’origine tectonique comme ce qui s’est passé en Turquie en 2023. Là, on a une distribution de la sismicité qui n’est pas typique de séisme d’origine tectonique uniquement.
Cette évolution nous fait penser qu’il y a probablement des fluides (gaz, magma) qui sont impliqués et qui sont peut-être en train de s’introduire dans la croûte. Cela veut dire qu’il doit y avoir un réservoir magmatique en profondeur, et le magma peut casser la roche et passer en rouvrant des fractures déjà présentes. Dans ce cas, c’est la pression exercée par ce magma qui va générer de la sismicité. Mais ce sont des hypothèses et il nous faut plus de données pour pouvoir caractériser cette crise.
« Là, on est aveugles, puisque la crise a lieu sous l’eau »
Qu’est-ce qui rend difficile le suivi de la crise ?
En 2011-2012, il y a eu une activité sismique sur Santorin qui a duré 14 mois. Mais cette sismicité était localisée juste en dessous de l’île. Il y avait plus d’instruments, plus de sismomètres, et à terre on a aussi accès à des mesures issues de satellites.
Là, on est aveugles, puisque la crise a lieu sous l’eau, sous une toute petite île inhabitée qui s’appelle Anydros. Les chercheurs et ingénieurs grecs sont en train de déployer plus de stations sismologiques. On est vraiment dans le temps du déploiement d’instruments pour essayer d’enregistrer avec précision la sismicité. Ensuite viendra le temps de l’analyse précise des données.
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