Africa-Press – Congo Brazzaville. Yamina Benguigui vient de réaliser un documentaire sur la genèse de ce genre musical afro-cubain et réhabilite ses chanteuses oubliées.
La réalisatrice est partie du constat que la rumba congolaise est un patrimoine musical d’envergure internationale qui ne serait rien sans les femmes qui l’ont façonnée, interprétée et portée haut.
Par sa réalisation, les héroïnes, ces divas souvent oubliées ou dont le rôle essentiel a été trop longtemps minimisé, reçoivent un hommage vibrant.
Rappelons que la rumba congolaise, genre musical né en Afrique centrale, trouve ses racines dans la musique afro-cubaine. Elle a été inscrite, en décembre 2021, au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Une cérémonie à laquelle a assisté Yamina Benguigui. L’ex-ministre déléguée à la Francophonie a alors noté avec étonnement que l’hommage ne mettait en valeur que des hommes, alors même que de nombreuses femmes ont contribué au fil des décennies à l’avènement de ce courant musical. « De très grandes personnalités ont été citées et pas une seule femme, se souvient-elle. Cela m’a donné une idée de documentaire. Je me suis dit qu’il fallait les immortaliser et laisser une trace ».
Commence alors une longue et difficile enquête de plus de deux ans pour Yamina Benguigui, la réalisatrice. Son objectif: revenir aux origines de la rumba congolaise, dont la genèse est intimement liée à l’esclavage et à l’indépendance du Congo Kinshasa et de la République du Congo. Certaines archives de son documentaire diffusé sur Canal+ Docs sont choquantes. « On n’a jamais imaginé ce qui se passait dans le plus grand pays francophone du monde. J’ai été choquée par les massacres liés à l’extraction du caoutchouc », poursuit celle qui fut également adjointe au maire de Paris Bertrand Delanoë.
La musique a eu un rôle salvateur. Après le couvre-feu imposé, hommes et femmes se retrouvaient pour sortir et faire la fête, un acte alors subversif. « L’esclavage a toujours séparé les femmes et les hommes. Pour eux, c’était lutter, vivre, faire ciment et je pense que c’est resté. Cette danse s’appelle, à la base, la danse du nombril car on collait les deux nombrils pour faire corps », relate la réalisatrice qui retrace aussi, à travers les âges, l’importance de la créativité féminine dans la rumba.
Malgré des archives détruites ou perdues au cours des nombreuses guerres qui ont secoué la région et l’absence quasi systématique de photos ou de films avec les stars féminines de l’époque, le documentaire met la lumière sur les plus célèbres d’entre elles, à l’instar de Lucie Eyenga, qui fut la première à intégrer un groupe de musique. Une voix à l’origine d’un changement salvateur. « On ne peut pas parler d’émancipation des femmes congolaises sans parler de la rumba », estime l’historienne Scholastique Dianzinga qui témoigne dans le film. Cette première héroïne a, en effet, ouvert la voie et permis ensuite à de très nombreuses autres interprètes de se lancer.
Mais, quelle que fut l’époque dans laquelle ces femmes ont participé au destin de ce genre musical, toutes ont dû se battre pour exister. Dans leur lutte, elles ont toujours fait preuve de sororité. Mbilia Bel, célèbre artiste, n’arrive pas, encore aujourd’hui, à obtenir ses droits d’auteur. Elle a pour ambition d’ouvrir une école pour aider les jeunes filles à gérer cet aspect de leur carrière. « J’ai rencontré des femmes exceptionnelles et chacune d’entre elles avance. Cela s’appelle la beauté solidaire », analyse Yamina Benguigui, qui compte réaliser d’autres films sur ce thème.
Fer de lance de leur émancipation, la rumba congolaise aide aussi certaines femmes à se reconstruire après avoir subi des violences physiques et sexuelles. Une association leur enjoint de se réapproprier leur corps en dansant. Ce documentaire passionnant et bouleversant permet de (re)découvrir un courant musical qui a inspiré de très nombreux artistes actuels et rendu leurs lettres de noblesse à ses héroïnes oubliées.
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