INTELLIGENCES PARTENARIALES AFRIQUE – FRANCE : Refonder la politique, la dignité et la souveraineté africaines sans les autocrates

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INTELLIGENCES PARTENARIALES AFRIQUE – FRANCE : Refonder la politique, la dignité et la souveraineté africaines sans les autocrates
INTELLIGENCES PARTENARIALES AFRIQUE – FRANCE : Refonder la politique, la dignité et la souveraineté africaines sans les autocrates

Africa-Press – Congo Brazzaville. Refonder les relations entre la France et l’Afrique ne se décrète pas. Des visites officielles du représentant de la France dans des pays comme le Cameroun[2], le Bénin[3], la Guinée Bissau[4] et l’Algérie[5], n’a apporté aucune lisibilité nouvelle dans la politique africaine de la France. Au contraire, il semble pour la première fois que la France se présente en Afrique en « solliciteur », voire en « quémandeur ». Il s’agit comme d’habitude de « défendre les intérêts de la France » et en profiter pour tenter de retarder le rapprochement des pays africains avec CHANGE ? la Russie et l’augmentation du commerce et des échanges avec la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres pays émergents.

La France perd ses marchés et voit ses pré-carrés diminuer en Afrique… Aussi, il fallait y mettre les formes et noyer les absences de signatures de grands contrats, les conseils prodigués par les dirigeants africains, et le message de certaines parties de la population africaine hostiles au représentant de la France dans une communication officielle de « missions accomplies ». La vérité est tout autre ! Macron ne séduisait déjà plus en 2020 à l’international, il n’y arrive pas non plus en 2022 en Afrique[6].

Malheureusement, en refusant de « demander pardon » au nom de la France pour les « crimes contre l’humanité commis en Afrique », le Président français, Emmanuel Macron, enclavé dans sa mentalité « eurocentrée », ne sait pas à quel point il insulte, consciemment ou inconsciemment, la mémoire des Africains, et celle des Maliens et des Algériens en particulier. L’approche dite « graduelle » choisie permet d’afficher la posture du « succès diplomatique » dès lors que l’on ne met pas sur la table, au moins officiellement, les sujets qui fâchent.

Cette approche graduelle permet à Emmanuel Macron de ne pas s’engager sur le fond. La réalité est que les vrais sujets sont des sujets où la France est devenue dépendante dans plusieurs secteurs, dont l’énergie, les matières premières et notamment les métaux rares. La conséquence est que la refondation d’Emmanuel Macron, pour réussir, devra passer des « injonctions et sommations françaises d’usage » aux négociations pacifiques entre partenaires égaux, dignes et libres.

On ne peut croire que la solution d’une refondation Afrique-France pourra se limiter à la création d’une commission mixte d’historiens, « de préférence paritaire » -, pour tenter de solder à peu de frais :

Considérant prioritaire le pragmatisme politique et la défense des intérêts français avant ceux des Peuples africains, la refondation des relations Afrique-France risque de s’éterniser sans un résultat tangible pour les Peuples africains. Rappelons qu’il s’agit d’une relation entre des chefs d’Etat et non entre les peuples français et le peuple africain.

Le Peuple algérien a manifesté au travers de l’Hirak[7], une série de manifestations hebdomadaires entre 2019 et 2022 en Algérie, pour une représentation renouvelée au sommet de l’Etat. L’élection de l’ancien Premier ministre Abdelmadjid Tebboune comme Président a été contestée par les manifestants.

Le problème de fond est que le Président Emmanuel Macron risque de promouvoir une refondation de surface car il n’a souvent pas devant lui les « réels décideurs » légitimés par le Peuple africain. Dans le cas algérien, les vrais interlocuteurs sont insaisissables et constitue une nébuleuse militaire algérienne constituée de différentes strates de « clans de généraux[8] » … Si le Président algérien est une pâle représentation des militaires, alors avec qui faut-il organiser une refondation des relations franco-algériennes ? Il sera difficile de croire à des avancées tangibles en Algérie sans une participation démocratique de la société civile dans la conduite de l’Etat.

Les arrangements entre chefs d’Etat sont connus en Afrique. Il est rare que cela se fasse au profit des Peuples africains. Le changement en profondeur des relations franco-africaines risque :

La refondation passera nécessairement par une phase de déconstruction avant celle de la reconstruction des relations Afrique-France. A défaut, les quiproquo et intrigues du passé rejailliront. Le choix des véritables acteurs sera déterminant de part et d’autre. La société civile et la Diaspora africaines devront être privilégiées, et surtout ne pas être oubliées. De toutes les façons, les agressions commises contre le peuple africain passeront nécessairement par le pardon de la France, quel que soit le report.

Aujourd’hui obligé de composé avec certains pays africains pour s’approvisionner en énergie et trouver des nouveaux marchés perdus en Russie, Emmanuel Macron est en position de faiblesse pour négocier. Si en plus, la douleur du Peuple africain est passée par « pertes et profits » car n’étant pas né lors des crimes commis par la France en Afrique, l’image promu par le Président français relève au mieux de l’ambiguïté, au pire d’une suffisante condescendance courtoise, ce en fonction du pays.

Le message n’est pas le même en Algérie, au Tchad, au Bénin, au Cameroun[9] et à fortiori au Mali ou au Rwanda. Toute forme de « rétropédalage médiatique » force à refaire le bilan des réalisations tangibles françaises au bénéfice effectif des populations africaines, et moins au bénéfice des dirigeants africains. Comme l’a fort écrit Jean-François Paul de Gondi, plus connu sous le nom de Cardinal de Retz[10] dans les années 1828, « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ». Ce bilan est indispensable pour une refondation sincère entre la France et les pays africains concernés et ne peut être l’apanage exclusif des médias ou experts français. Les experts africains indépendants y compris de la Diaspora africaine devront être en charge.

Dans le dossier de la refondation des relations entre la France et l’Afrique, la réalité est que l’on sort de l’ambiguïté que par la transparence en travaillant avec les véritables acteurs de la refondation de l’Afrique, et les véritables refondateurs de la refondation de la France. La question est de savoir si les autorités politiques françaises, les autorités africaines choisies et même une certaine société civile africaine choisie par la France sont les véritables acteurs de la refondation des relations entre le Peuple français et les Peuples africains, ce tout particulièrement dans un monde devenu multipolaire.

Il n’est pas possible penser à changer un système politique dont la lisibilité pour le Peuple africain, mais aussi pour le Peuple français s’apparente à une trajectoire commune où « nuits et brouillards[11] » jouent à cache-cache aux dépens du bien-être de la citoyenne et du citoyen africains, y compris dans la Diaspora. Alors proposer des changements pour réinitialiser la coopération entre la France et les pays africains demeurent une gageure. Le risque de formaliser un passé douloureux pour une grande majorité des Africaines et Africains, les tranches de vie perdues et gaspillées en Occident pour une grande majorité de la Diaspora africaine qui n’aspire qu’à rentrer pour soutenir leur pays respectif et le continent africain ne peuvent passer par pertes et profits car la France d’Emmanuel Macron propose des changements dans sa relation Afrique-France sur des bases qu’il dicte. Aucune personne dotée de sens et d’intelligence en Afrique ne peut accepter.

Alors, utiliser des courroies de transmission intellectuelles, politiques, économiques, financières, culturelles et offrir une aide au développement française qui peine à atteindre les 0,55 %[12] de la richesse française (revenu national brut) en 2022, -en deçà des 0,7 % du PIB exigée‑, semble apparaître comme une stratégie alternative.

Mais, c’est que les dirigeants de la France de 2022 ont peut-être oublié que le monde est devenu multipolaire. A ce titre, toute proposition française se fait à l’aune de celle déjà reçue d’autres partenaires de l’Afrique, moins enclin à faire les « questions et les réponses » pour des relations refondées. La vérité est que cette refondation ne peut se faire avec ceux qui servent déjà de courroies de transmission de la France en Afrique. C’est peut-être ce que les conseillers des grands dirigeants occidentaux ont oublié. De nombreux dirigeants occidentaux, dont la France, « ont raté le coche », donc loupé une bonne occasion de refonder les relations singulières Afrique-France en refusant systématiquement de soutenir les véritables représentations que le Peuple africain se choisit. Si la confrontation était vraisemblablement impossible à éviter, l’après-confrontation ne pouvait qu’être palpitante, fructueuse pour les parties en présence.

Malheureusement, la politique africaine de la France entre 1958 et 2022 ne se s’est pas éloignée de celle que préconisait le Général de Gaulle, après son retour au pouvoir le 1er juin 1958, et qu’il a mis en œuvre. Il s’agit d’un « changement dans la continuité » de la Loi-cadre de 1956 élaborée sous l’autorité de Gaston Defferre[13]. Il était question de définir un régime d’autonomie interne pour l’Afrique dite « noire » avec des territoires élisant des assemblées au suffrage universel et des Conseils de gouvernement incarnant l’exécutif, mais demeurant sous le contrôle de la France. Face à la volte-face des élites africaines ne servant pas de courroies de transmission à la politique française et à l’écoute des populations africaines réclamant le départ de la France avec en contrepartie, la décolonisation et l’indépendance, le Général De Gaulle a cédé face aux menaces de sécessions. Les violences opérées par les colons défendant l’Afrique coloniale française a eu comme écho, les violences de légitime défense pour sauvegarder la dignité, la liberté et la souveraineté. La guerre d’Algérie (1er Novembre 1954 au 19 mars 1962) du point de vue du Peuple algérien doit être revue historiquement du point de vue du Peuple agressé et spolié. Le Général De Gaulle, redoutant l’affaiblissement de la France sans l’Afrique, propose subtilement aux dirigeants africains : « le principe de la libre détermination ». Il s’agit de maintenir le lien politique sans engagement d’aider au développement de l’Afrique. Les populations africaines avaient le choix entre l’indépendance immédiate, sans aucune aide de la France, et l’intégration dans la Communauté française, aujourd’hui franco-africaine, françafricaine diraient certains.

Ahmed Sékou Touré y prononçant un discours très violent devant l’Assemblée territoriale, en présence de De Gaulle.

Le 28 septembre 1958, onze colonies d’Afrique subsaharienne y compris Madagascar ont « approuvé » la nouvelle Constitution unilatérale proposée par la France pour intégrer la « Communauté française[14] ». Seule la Guinée du Président Ahmed Sékou Touré dans un discours devant l’Assemblée territoriale de l’époque et en présence du Président De Gaulle a voté « non » et accède immédiatement à l’indépendance, sans accord de coopération avec Paris. Cette « Communauté politico-juridico-économico-militaire, présidée par le Général de Gaulle a régi.

Le pouvoir exécutif y est détenu par un Conseil composé du Premier ministre et des chefs de gouvernement des États membres. Mais la France a conservé l’essentiel des prérogatives en matière de défense, de politique étrangère et monétaire ou de commerce extérieur… Alors, les formes et les modalités opérationnelles ont évolué. Mais sur le fond, rien n’a véritablement changé. Ce changement dans la continuité n’est plus possible au Rwanda, ni en Algérie, ni au Mali… La France d’Emmanuel Macron en a-t-il conscience ? Est-il mal conseillé ? Le NON de la Guinée risque de faire tache d’huile… Encore faut-il offrir des alternatives pacifiques et démocratiques respectant les Peuples africains !

La fin de la guerre froide entre l’Ouest et l’Est ne peut plus servir à justifier la présence française en Afrique. L’influence et la présence soviétique qui servait de justificatif d’antan a été remplacé par la présence de la Fédération de Russie, ce qui rencontre les faveurs de certains dirigeants africains (Centrafrique, Mali et République du Congo). La refondation de la politique française en Afrique doit passer par un « changement de paradigme[15] », que la France, en toute autonomie et sans hypocrisie, doit offrir.

La politique à géométrie variable de la France envers les pays africains ont conduit à un manque de lisibilité de la politique africaine de la France. Les arguments et justificatifs de la présence française en Afrique, notamment en Afrique francophone, sont difficilement soutenables face à :

De fait sur le court-terme comme au demeurant sur le long-terme, l’ensemble des relations franco-africaine ou Afrique-France relève plus de postures que de réalisations d’envergure concrètes. Le bilan n’est pas mitigé. Il est négatif car le maintien en place de régimes militaires autocratiques et une monnaie coloniale qui structure la dépendance de certaines élites qui place les intérêts étrangers, claniques et personnels avant les valeurs et les intérêts du Peuple africain sont des faits. La recrudescence de tentatives de coups d’Etat pour remplacer des coups d’Etat constitutionnels soutenus par la France sont des signes d’échecs. Aussi, il faut d’abord faire le bilan de la politique à géométrie variable de la France dans chacun des pays africains, et collectivement au plan régional et continental. Ce bilan des relations Afrique-France sur plusieurs périodes doit se faire en trois temps. Il faut d’abord :

Paradoxalement, le seul bilan qui fait l’objet de publicité et de publication ressemble fort à un bilan complaisant entre la France et ses courroies de transmissions africaines, ce dans toutes les disciplines. Il n’est donc pas étonnant que les Africains indépendants s’en éloignent car ne représentant pas les intérêts du Peuple africain, mais cherchant à sauvegarder les intérêts français dans une logique non avouée de « changement dans la continuité[16] ». Cela ne doit pas déresponsabiliser les dirigeants africains de leur responsabilité vis-à-vis de leur peuple respectif.

Que faut-il donc changer à ce qui peut être considéré comme de la manipulation pour que « tout change et que rien de ne change » ? Ce modernisme du statut quo relève de la ruse et du dol. La France utilise la peur que suscite le terrorisme réel ou organisé ou la crise sanitaire réelle ou son image surexploitée pour justifier sa présence en Afrique. Paradoxalement et consciemment, cette attitude facilite l’instauration de lois liberticides en Afrique, muselant toutes formes d’alternatives démocratiques pacifiques.

En retour, ce sont les formes violentes de changement d’un système d’oppression du Peuple africain par des courroies de transmissions africaines que semblent avoir choisi certains pays pour se « libérer » d’une forme de la tutelle télécommandée occidentale, française, et occidentale en particulier. L’argumentation contraignante et de mauvaise foi pour La justification de la présence française en Afrique pose question.

La France est devenue le problème. Lorsque cette France cherche des solutions et demandent à l’Afrique de lui en fournir, alors le problème est mal posé. La solution ne peut être trouvé tant que l’Afrique ne débattra pas sans la France, sans l’ensemble des structures d’influence et de défense des intérêts français, occidentaux et plus largement de tous ceux qui viennent en Afrique pour défendre d’abord leurs intérêts et accroitre leur influence au détriment du bien-être du peuple africain. Il s’agit bien du Peuple africain et moins des chefs d’Etat africains.

Le postulat de la France en Afrique comme un gage de défense des intérêts français, d’influence et de puissance de la France dans le monde ne peut demeurer prioritaire et réussir que si la France opte pour « l’africanisation des solutions ». Mais au profit du Peuple africain ? Cette africanisation des solutions a conduit à réveiller une société civile de plus en plus consciente qu’il va falloir aussi remplacer ceux qui occupent des postes décisionnels en Afrique et décident systématiquement en faveur de la France. Elles et ils sont plus nombreux que l’on pourrait le croire et sont de plus en plus exposés, grâce aux médias sociaux.

A ce titre, il convient de rappeler une phrase du rapport d’Achille Mbembé adressé au Président français, Emmanuel Macron : « … refonder les rapports entre l’Afrique et la France suppose de passer d’une relation subie à une relation consentie et volontaire. Aux liens qui enchaînent, il s’agit de substituer des liens qui libèrent[17] ». La substitution des liens qui libèrent ne sont pas compris de la même manière en Afrique. En effet, avec la recherche d’un équilibre entre les valeurs et les intérêts et la relation incestueuse entre les intérêts et d’influence facilités par un rapport de force asymétrique au profit de la France, l’Afrique des dirigeants, conscients des enjeux mondiaux et africains n’ont d’autres choix que de se lancer dans la diversification des liens qui libèrent. La diversification signifie choisir des partenaires alternatifs à la France dans monde multipolaire, en s’émancipant de l’influence et des pressions françaises.

La présence militaire française en Afrique et le droit autocratique de non-conversion du Franc CFA[18] en devise autre que l’Euro, sont en l’espèce des gages de perpétuation de la France en Afrique. Cela ne peut se faire sans des relais africains, et donc une africanisation des centres de décision et du maillage décisionnel en Afrique. De ce fait, la fin du Franc CFA n’est plus une question[19]. C’est la date de la fin programmée du Franc CFA qui demeure indéterminée pour sortir certains pays de la servitude monétaire[20].

Les élites au pouvoir en Afrique sont pour l’essentiel des héritiers de l’esprit colonial. Ces dirigeants, cultivés ou pas, militaires ou pas, forment un clan qui fonctionne comme une synarchie, c’est-à-dire le gouvernement d’un État par plusieurs personnes à la fois, chacun détenant une parcelle du pouvoir et défendant ses intérêts à l’intérieur d’un groupe fermé. Cette complexité a été facilitée par l’esprit de l’appartenance à la « grande communauté française » chère au Général De Gaulle.

Le système de la Françafrique[21] et des réseaux ésotériques où le secret et l’impunité font office de droit commun, ont amplifié le phénomène de mutation, de diversification vers des pôles non français. De ce point de vue, ces élites, renforcées par des élections frauduleuses où la vérité des urnes et la vérité des comptes publics sont absentes, ont compris qu’il suffisait d’offrir leurs services en matière de besoins sécuritaires, financiers et sanitaires pour voire les élites françaises les exempter de faire le bilan sur l’impunité, les abus de droits et de pouvoir, et la promotion des lois liberticides comme gage de stabilité, comprendre : « changement dans la continuité ». Le mode de fonctionnement repose sur le triptyque suivant pour s’assurer que le système « change » tout en « restant » en place :

Autrement dit, ce ne sont pas les individus qui importent, mais bien le système qui doit perdurer. C’est ainsi que des dirigeants sont remplacés (Côte d’Ivoire, Sénégal, Niger et Tchad), mais le système politique d’antan reste en place. Dans le cas du Burkina-Faso, Guinée, Mali, Centrafrique, les changements ne sont pas allés dans la direction souhaitée par la France, ce qui a permis l’émergence de nouvelles forces qui se sont approprier le pouvoir. Malheureusement, l’absence d’unités au sein des partis d’opposition – alimentaires ou pas- et la faiblesse de la société civile et la Diaspora en termes de rapport de forces et d’unité d’actions ne permettent pas encore de changer la donne.

Plus que de changement, il s’agit bien d’une évolution déviante de l’esprit colonial et néocolonial dans la postcolonie.

Ces héritiers postcoloniaux de la puissance d’Etat sont constitués par des clans ethniques adossés aux militaires et bénéficient, officiellement ou officieusement de l’adoubement des autorités françaises et occidentales au pouvoir. Il est vrai qu’ici et là, des critiques sans lendemain se font jour… Mais rien ne change pour le Peuple africain.

Ces élites africaines au pouvoir se caractérisent par une institutionnalisation de la violence et de la peur pour gouverner, à des fins d’usurpation grâce à des réseaux de prédation, ce qui fonde la base de la corruption, et des inégalités honteuses. Les populations vivent alors dans une forme de terrorisme intérieur, de peur systémique du fait de la militarisation discrète et du maillage du pays grâce à des drones. Cela renforce le renouvellement de la confiscation du pouvoir et des propensions aux alternatives politiques.

Face à ce blocage, la refondation proposée par la France n’a pas de réponses sur le terrain[22]. La réponse demeure « diplomatique », c’est-à-dire « angélique » et « poétique » avec des résultats repoussés dans un futur lointain… Certains ecclésiastiques d’obédience diverses et « respectueux » de l’Etat dans ses dérives liberticides et autoritaires ont le culot de proposer des réponses dans l’au-delà. Les populations, pris dans l’opium de la religion anesthésiante, sont en train de sortir de cette léthargie institutionnalisée. La paix des cimetières est de moins de moins tolérable pour justifier la stabilité qui permet la prospérité des entreprises étrangères qui peinent à payer des salaires décents et s’ajustant à l’inflation. Des réponses non contrôlées risquent d’émerger de la population surtout si une partie de l’armée républicaine prend ses responsabilités pour soutenir un peuple et une diaspora indépendante. Au-delà de l’insurrection, cela pourra signifier une forme de « bannissement de la France » pour permettre une déconstruction et une reconstruction. Est-ce la leçon que le Mali tente de promouvoir comme modèle ?

La qualité du respect des valeurs et de l’éthique dans les décisions et la transparence serviront de repères. Mais la real politik veut que l’accès à des images satellitaires et les sources d’information fiables et alternatives à celle fournies par les « anciens » alliés du Mali font découvrir des richesses dont l’exploitation intelligente peut changer la donne et conduire à une révision de la brouille entre le Mali et la France. En définitive, cette richesse retrouvée avec la fin de l’usurpation, la gestion partagée des ressources nouvelles et des partenaires engagés dans l’éradication du terrorisme devraient offrir des résultats palpables, non enregistrés depuis plus de 60 ans de coopération France-Mali.

En fait, dès lors que les dirigeants africains seront prioritairement au service de leurs peuples, ils auront tracé la voie qui conduit au retour de la dignité. Les dirigeants français et occidentaux, mais aussi asiatiques gagneraient à respecter la dignité des peuples. A défaut, le retournement de l’Afrique grâce à des alliances militaires dans un monde multipolaire va augmenter la marge de manœuvre militaro-économico-financier des autorités africaines. Toute refondation des relations franco-africaines basées encore sur la condescendance, l’hypocrisie et le mépris des Africains pourrait conduire au bannissement, au moins temporaire. Peut-être que la refondation des relations entre l’Union européenne et l’Afrique pourrait servir de cadre de travail, à la lumière du bilan peu élogieux en termes de dépendance et servitude des institutions et dirigeants africains au cours des cinq dernières décennies de relations passées Europe-Afrique ?

Il conviendra de nécessairement d’aborder la problématique de la refondation des relations Afrique-France du point de vue des Peuples africains, puis des dirigeants africains, avant de confronter les solutions à celles proposées par la France, si un changement véritable de la France sur le fond était à l’ordre du jour. En effet, il y a en filigrane un risque de fracture civilisationnelles tant au plan spirituel que dans les valeurs de solidarité et communautaires qui fondent la société africaine.

Pour certains, le non- présence de la France permettra de « réduire la « fracture métabolique », définit comme la « capacité des sociétés africaines à créer des moyens d’existence dans des conditions incertaines qui sera de plus en plus testée[23] ». Autrement dit, la capacité des Africains à organiser leur sécurité militaire et alimentaire.

Personne ne peut faire abstraction de l’urgence de rétablir un équilibre dans le rapport de force asymétrique entre la France et les pays africains pris individuellement, puisque l’Afrique collective, que ce soit au niveau régional ou continental, demeure un éléphant au pied d’argile.

Pour d’autres, le changement souhaité devra réintégrer les forces sociales et les sociétés civiles et la Diaspora dans le jeu politique, celle de la construction de la cité africaine en Afrique.

En effet, ces forces sociales qui constituent le Peuple africain sont des victimes tant des politiques passées de la France que des politiques passées des dirigeants africains.

Les rapports de force, les influences et les intérêts et groupes d’intérêts organisés et non organisés doivent faire l’objet d’une institutionnalisation afin de constituer des contre-pouvoirs permettant une négociation structurée et transparente. Il ne sera plus possible ni pour la France, ni pour les pays occidentaux, ni pour les Nations d’Unies d’adouber ou de soutenir en amont et en aval, des gouvernements non-représentatifs du Peuple africain sur la base du non-respect de la vérité des urnes et des comptes publics.

Le langage diplomatique est devenu obsolète et ne représente qu’un leurre pour les populations. Il faut un langage franc, sans hypocrisie et basée sur des valeurs communes.

C’est à cette condition que la refondation des relations Afrique-France, mais plus largement la refondation entre l’Occident et l’Afrique, devront passer par une phase de transition fondée sur la vérité des urnes. Il s’agit d’une période de transition politique variant entre 24 et 36 mois où les représentants de la transition ne pourront pas émaner des partis politiques, mais principalement de la société civile et de la Diaspora, à condition que ces dernières ne soient pas des courroies de transmission du système politique au pouvoir.

A défaut, nul ne peut écarter la perspective de la désobéissance civile, de l’insurrection populaire, voire d’une lutte armée de type guerre civile pour repartir sur des bases saines d’un fichier électoral sur base de l’état civil et la validation des résultats à partir des bureaux de vote.

On comprend qu’en dehors de ces conditions, l’alternance au pouvoir soit quasiment impossible. Les groupes dominants en postcolonie ont remplacés ceux du temps de la colonisation au point d’en devenir des courroies de transmission en passe de s’affranchir de leur maître, sauf coup d’Etat orchestrée par des forces extérieures…

Au risque de perdre définitivement l’Afrique[24] comme partenaire et comme marché, la France doit innover et sortir de sa posture condescendante. Une période de transition associant les sociétés civiles et la diaspora à la direction de l’Etat en Afrique comme en France, aura au moins le mérite de l’innovation.

Le principe d’avoir une sorte d’unité de l’opposition politique et une candidature unique peut se révéler n’être qu’un piège, comme au demeurant le principe de passer d’un Etat centralisé à un Etat fédéral ou décentralisé. Le niveau de corruption atteint au Nigéria est inversement proportionnel au niveau de respect des droits humains dans ce pays. Le problème est ailleurs, dans le respect d’un processus de prise de décision démocratique et son respect dans le temps.

La politique africaine de la France a besoin d’évoluer en se défaisant de ses pratiques et du langage humiliante d’antan. La France doit clarifier sa position globalement sur sa quête de « stabilité et de légalité » en Afrique et d’éviter au cas par cas d’opter pour des solutions altérant cette stabilité et cette légalité. La gestion de la crise togolaise de 2005, 2010 et 2015, 2020 suite à des élections contestées et fondées sur la contrevérité des urnes semble démontrer que le principe de soutien à des autocraties par la France est à géométrie variable.

Il est difficile de croire l’Etat français qui le 6 février 2005 annonçait par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères français ceci : « au lendemain de la disparition du Président Eyadema, la France estime indispensable le respect de la Constitution togolaise ». Le ministre français de la Défense de l’époque déclarait à la même date sur la radio Europe 1 que « le Président de la République a fait savoir que le temps des coups d’Etat militaires est terminé en Afrique. Il y a une Constitution au Togo et elle doit être respectée[25] ». Pourtant, c’est bien le même ministre de la Défense française qui répondait ceci à la question de savoir si Faure Eyadema était un Président légitimement élu au Togo : « Ce n’est pas à moi de dire ce qu’il en est. […] Ce n’est pas nous qui ferons de l’ingérence dans le fonctionnement du Togo ». Malgré les contestations, le chef de l’Etat français, a présenté dès le 7 mai 2005, ses félicitations et tous ses vœux de réussite à Faure Gnassingbé[26], fils du père Etienne Eyadéma. La France opte pour la contrevérité des urnes pour officiellement éviter une guerre civile… Qui peut croire cela ?

Actuellement, le Président du Togo a conquis le pouvoir dans le sang en 2005, n’a pas respecté la Constitution qu’il a modifié unilatéralement pour se maintenir au pouvoir pendant 4 mandats. Il est donc un Président illégal et anticonstitutionnel. Quel Cour africaine de Justice pourra, en toute liberté et conformément au Droit, se prononcer pour déclarer le Président du Togo, illégal et anticonstitutionnel si la France soutient directement l’impunité et le non-respect de la Constitution au Togo ?

Par ailleurs, face à ces contradictions dans la crise ivoirienne en septembre 2002, la France a choisi de se « défausser » sur la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et accessoirement sur l’Union africaine, voire l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)[27] qui ont eu à subir des influences non négligeables. La sujétion des institutions sous-régionales africaines par des chefs d’Etat courroies de transmission des positions françaises ne sont pas restées imperceptibles. Cette approche s’est institutionnalisée pour le Togo, puis pour le Mali, le Burkina-Faso, la Guinée, etc.

Face à cette fuite en avant, la France dans le cas des deux coups d’Etat au Mali a choisi d’impliquer l’Union européenne. Pourtant, les partenaires européens ont vite compris le subterfuge. L’Union européenne ne peut et ne pourra pas servir de béquille à une politique africaine de la France à géométrie variable et contestée tant en Afrique qu’en France.

Dans un monde concurrentiel et multipolaire, la France est de plus en plus perçue comme une menace persistante pour le bien-être et le développement libre des Africains. Le sentiment antifrançais ou la montée d’un populisme anti-français n’en sont que des symptômes de relations passées entre l’Afrique et la France qui peuvent être qualifiées de non-libres, non-concurrentielles, non-compétitive et non- transparente.

Les manifestations, pacifiques ou violentes d’un certain ras-le-bol de la société civile qui se sent piégée par une démocrature a conduit une jeunesse sans avenir à exiger de plus en plus une « France dégage ! ». La France serait-elle devenue le problème, à force de vouloir trouver des solutions à partir des points de vue français, et donc de la préservation des intérêts et des influences françaises ? La réponse ne peut se trouver auprès de communicants défendant les intérêts français sous couvert de « partenariat », « réconciliation », ou encore « nouveau départ » …

La rupture, même temporaire semble devenir un passage obligé comme en témoigne le Rwanda ou le Mali…

Le vrai problème est de savoir pourquoi faut-il justifier la présence de la France en Afrique, notamment dans les différentes strates du maillage décisionnel effectué par des représentants mal élus d’Etat africains, souvent devenus des courroies de transmission officiel ou officieux de la France ? Un agent de l’Etat français ne peut répondre de manière neutre à cette question. Alors, les experts africains devront proposer une réponse.

La refondation du partenariat entre les pays africains et la France doit passer par un respect des Peuples africains et non des arrangements entre des chef d’Etat français et africains.

Afrocentricity Think Tank propose quelques pistes de solutions fondées sur des principes mutuellement acceptées de respect mutuel de valeurs communes. Il faudra créer au moins une commission mixte paritaire Afrique-France, -voire Afrique-Union européenne- pour :

12.1 élaborer une Charte des droits fondamentaux des Peuples, de la Citoyenne et du Citoyen Interdépendants qui devra comprendre les valeurs communes à la France/l’Union européenne d’une part, et à l’Afrique d’autre part ;

12.2 redéfinir en commun les notions de redevabilité envers les Peuples et moins envers les dirigeants avec en filigrane l’Etat de droit, avec des juridictions indépendantes et neutres, fondé sur la transparence, les sécurités (militaires, alimentaires, sanitaires, environnementales, sociales, culturelles, etc.), la souveraineté, la liberté, l’interdépendance dans un monde multipolaire et les hisser au rang de priorité au même titre que le respect de la dignité des Peuples, des citoyens, de la Diaspora, des migrants et des minorités, , de la vérité des urnes et des comptes publics, de l’égalité, de l’État de droit, de la préservation de l’environnement et de la biodiversité autour d’une économie circulaire privilégiant les circuits courts.

Les premiers gages de bonne volonté passent par :

Ces engagements de la France pourraient, en principe, permettre de mettre fin en Afrique :

Les interventions militaires en Afrique contre le terrorisme et les coups d’Etat militaires sont le miroir des coups d’Etat constitutionnels à répétition soutenus par des puissances occidentales, dont la France. La déstabilisation du Sahel n’est pas sans rapport avec la responsabilité de la France de Nicolas Sarkozy. C’est cela qui a promu au rang d’alternatives le populisme et le nationalisme qui, pour le moment, n’ont pas permis de donner des gages d’exemplarité au sommet des Etats africains. En fonction des intérêts, la puissance tutélaire sur les dirigeants africains peut unilatéralement, opérer un mouvement de « changement de titulaire de poste, voire de partenariat » en choisissant sa « courroie de transmission africaine ». Mais en pratique, c’est le clientélisme et la prédation qui ont été promues, éradiquant et neutralisant de fait la plupart des alternatives constructives de construction de la cité.

L’instrumentalisation des acteurs et l’institutionnalisation du droit vont de pair avec :

Il devient urgent et indispensable d’apurer les contentieux du passé, constater les rapports de force asymétriques et se tourner résolument vers l’avenir avec l’intégration d’acteurs de la société civile et de la Diaspora sur une base d’indépendance d’actions.

En mettant en exergue les points de contentieux et donc de refondation de la relation Afrique-France et sans verser dans l’exhaustivité, il apparaît urgent de verser au dossier en cours, ce avec des acteurs de la société civile et de la Diaspora indépendants des pouvoirs étatiques, les points suivants quoi pourraient générer des consensus solides après des débats devant conduire à des règlements de « solde de tous comptes » :

Au-delà des positions jusqu’au-boutistes des uns et des autres, c’est donc bien un appel vibrant, de part et d’autre des continents européens et africains, que Afrocentricity Think Tank lance à tous celles et ceux qui veulent transformer la refondation des relations Afrique-Europe en faisant des intelligences partenariales avec les peuples respectifs nord-sud. Le cas pilote de la refondation des vérités historiques et des projets innovants du futur entre la France et l’Afrique pourraient servir de points d’étapes pour faciliter le retour de la dignité et de la souveraineté des Peuples africains spoliés.

Néanmoins, la provocation qui débouche sur la refondation ne doit plus servir à « faire bouger les lignes[28] » alors que rien n’a véritablement changé. Si le fait de changer les choses en posant des actions apparaît comme une caractéristique dans le discours du Président français Emmanuel Macron, il peine, à ce jour après dans la 6e année de son mandat présidentiel, à en faire la démonstration pour le Peuple africain. Seule la provocation et la transgression demeurent dans l’imaginaire de l’Africain lambda… Faire bouger les lignes dans une logique du « en-même temps » sans le consentement du Peuple africain relève plus du « bougisme », une forme du « surplace ».

A Emmanuel Macron, et ses relais africains à la tête des Etats africains, de démontrer leur capacité d’innovation en introduisant, en toute indépendance, la société civile et la Diaspora dans le jeu politique afin de refonder la vie de la cité panafricaine sans les autocrates. YEA.

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