L’Afrique Absente du Discours D’Investiture de Donald Trump Élu 47E Président des Etats-Unis

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L’Afrique Absente du Discours D’Investiture de Donald Trump Élu 47E Président des Etats-Unis
L’Afrique Absente du Discours D’Investiture de Donald Trump Élu 47E Président des Etats-Unis

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Congo Brazzaville. Le 20 janvier dernier, le président élu des États-Unis, Donald Trump, 47e président américain, a prononcé un discours lors de son investiture, au cours duquel il a abordé de nombreuses questions importantes, telles que:

-/- le Moyen-Orient,

-/- la reprise du canal de Panama,

-/- la remise en cause de l’aide étrangère,

-/- le retrait de l’accord de Paris sur le climat,

-/- l’expulsion de millions d’immigrés clandestins,

-/- la déclaration de l’état d’urgence dans le secteur énergétique,

-/- et l’imposition de droits de douane aux pays étrangers.

En outre, les discussions sur le Continent africain, qui n’avait reçu qu’une attention relative de la part de Trump depuis son premier mandat (2017-2021), se sont de facto estompées, ce qui a soulevé des questions sur la politique étrangère du président américain élu, notamment envers l’Afrique au cours de son second mandat qui vient d’être entamé, d’autant plus que la politique de Trump est basée sur le principe de « l’Amérique d’abord ».

Cependant, la nouvelle stratégie de Trump envers l’Afrique pourrait connaître de nombreux changements liés à plusieurs motivations, notamment:

« La lutte contre l’influence croissante de la Chine et de la Russie sur le continent ».

Sur la base de ce qui précède, ce dossier tentera d’aborder l’interprétation de certaines des multiples implications de Trump pour le Continent africain et répondra à une question importante: « Trump va-t-il changer sa stratégie à l’égard de l’Afrique ? »

• Significations et conséquences multiples

Malgré l’importance stratégique de l’Afrique, le continent n’a pas retenu l’attention de Trump lors de son discours d’investiture pour un second mandat, et plusieurs indices expliquent cet effacement:

A- La négligence de Trump envers l’Afrique pendant sa campagne électorale

Le continent africain n’a pas reçu l’attention de Trump pendant sa campagne électorale, par rapport à d’autres régions, car les priorités étrangères de Trump se sont largement concentrées sur des questions telles que le commerce avec la Chine, les questions du Moyen-Orient, en particulier la guerre dans la bande de Gaza et les relations avec les pays européens, ainsi que les questions intérieures liées à l’économie américaine et à l’immigration illégale.

Quant à la réduction du soutien de l’ONU, elle pourrait avoir des répercussions sur la représentation de l’Afrique au sein des organisations internationales. La position des pays africains pour obtenir deux sièges au Conseil de sécurité pourrait être difficile, car le soutien et l’aide jouent un rôle dans la capacité des pays africains à renforcer leur voix et partager l’expérience de ses enjeux sur la scène mondiale.

Ceci pourrait obliger les pays africains, lors de la réunion « Ezulwini », à unir leurs forces pour attribuer les deux sièges à l’Afrique.

A noter que le consensus d’Ezulwini est une position sur les relations internationales et la réforme des Nations Unies, adoptée par l’Union africaine. Il appelle à un Conseil de sécurité plus représentatif et plus démocratique, au sein duquel l’Afrique, comme toutes les autres régions du monde, serait représentée.

B- L’imposition de restrictions à l’immigration illégale

L’annonce de Trump de renvoyer « des millions d’immigrés illégaux » dans leurs pays, soulignant la nécessité de stopper toute immigration illégale en fermant la frontière sud du pays, pourrait exposer des milliers d’Africains aux États-Unis au risque d’expulsion, alors que le nombre d’immigrés illégaux à Washington aurait atteint les 375.000 individus en 2022, ce qui pourrait entraver les transferts financiers de Washington vers l’Afrique, et pourrait affecter également de nombreux Africains qui dépendent de l’aide américaine.

Bien que la politique de Trump à l’égard de l’Afrique reçoive une attention relative, certains facteurs déterminants pourraient modifier la stratégie de Trump à l’égard du continent africain en fonction des intérêts américains au cours de son second mandat.

• Facteurs de motivation

Les facteurs les plus importants susceptibles d’influencer la politique de Trump en Afrique peuvent être expliqués comme suit:

C- Faire face à l’influence russe et chinoise en Afrique

Compte tenu de l’influence croissante de la Chine et de la Russie en Afrique à travers des investissements et des projets de développement, qui ont fait de la Russie le plus grand fournisseur d’armes du continent, tandis que la Chine reste le plus grand partenaire commercial en Afrique, les États-Unis pourraient renforcer leur présence sur le continent africain.

Pour maintenir leur influence géopolitique dans la région, ils devraient adopter des stratégies plus efficaces pour renforcer leurs relations avec les pays africains conformément aux intérêts américains, afin de tenter de faire face à l’influence croissante de la Russie et de la Chine, en plus du retour de l’influence américaine déclinante en Afrique de l’Ouest, notamment après le départ de ses forces du Niger en août 2024, et par conséquent les coups d’État militaires successifs au Mali, au Niger et au Burkina Faso, en plus de ses efforts pour renforcer ses relations sécuritaires avec l’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique dans des pays comme la Somalie, le Somaliland et le Kenya, qui pourraient figurer sur la liste des priorités de la nouvelle administration américaine, car ils sont les principaux alliés de Washington depuis juin 2024.

En outre, Washington pourrait faire face à l’influence croissante de la Chine à travers le corridor stratégique de Lobito en Angola, qui revêt une grande importance stratégique pour les États-Unis dans l’exportation de minéraux souterrains tels que le cobalt, le cuivre et le lithium.

D- Lutte contre le terrorisme et maintien de la sécurité dans le Sahel

L’escalade des activités des organisations terroristes dans la région du Sahel et le long de la mer Rouge peut nuire aux intérêts américains, ce qui peut constituer une forte motivation pour changer la stratégie américaine, qui peut se concentrer sur le renforcement de la coopération en matière de sécurité avec les pays africains comme le Kenya et le Nigéria, pour lutter contre le terrorisme et maintenir la sécurité de la région.

D’autant plus que l’Afrique souffre depuis de nombreuses années du phénomène du terrorisme dans les pays du Sahel africain, notamment le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Somalie, le Mozambique, les pays du lac Tchad et l’Est de la République démocratique du Congo, par des groupes tels que le mouvement somalien Al-Shabaab, Daech et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans affiliés à Al-Qaïda. Toutefois, les déclarations de Trump sur la réduction de l’aide étrangère pourraient entraîner une réduction du soutien militaire et du soutien matériel aux zones où les organisations terroristes sont actives, ce qui pourrait affecter les intérêts américains en mer Rouge.

E- Ressources naturelles

Il va sans rappeler que l’Afrique est l’un des pays riches en ressources naturelles telles que les minéraux et le pétrole, et ceci pourrait amener Trump à reconsidérer sa stratégie envers le continent africain, d’autant plus que les minéraux de terres rares en Afrique sont une arme importante pour Washington en cas de d’une guerre avec la Chine, et Trump pourrait vouloir contrôler les richesses minérales de l’Afrique pour éliminer l’influence chinoise et russe en quête d’un monde multipolaire.

F- Conflits croissants dans certains pays africains

Il importe également de noter que l’instabilité dans des pays comme le Soudan, la Libye, la Somalie et le Somaliland pourrait amener les États-Unis à prendre des mesures proactives pour renforcer leurs relations avec d’autres pays africains ou inciter Trump à tenter de résoudre ces conflits conformément aux intérêts américains. Au Soudan, le président américain pourrait jouer un rôle central dans le retour de l’armée soudanaise et des Forces de soutien rapide aux négociations du « Forum de Djeddah », en particulier après l’imposition de sanctions américaines aux deux parties au conflit, en raison de l’importance stratégique du Soudan et son emplacement sur la mer Rouge pour Washington.

Quant à la région du Somaliland, les déclarations en faveur de la reconnaissance américaine de cette région se sont multipliées selon le document « Projet 2025 ». L’objectif de cette reconnaissance pourrait être d’utiliser la région pour limiter l’influence croissante de la Chine à Djibouti, d’une part, et de bénéficier de la situation stratégique du Somaliland en raison de sa proximité avec le détroit de « Bab al-Mandab », d’autre part.

G- Le choix par Trump d’une équipe inadaptée pour l’Afrique

Trump ne se soucie peut-être pas beaucoup de choisir une équipe dynamique et appropriée pour l’Afrique, d’autant plus que la complétude de l’équipe de Trump sur le continent africain a été annoncée, selon certains médias, qui ont fait référence à un certain nombre de candidats, dont l’ancien représentant spécial américain pour le Sahel durant le premier mandat de Trump, « John Peter Pham », qui est le candidat au poste de secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines, tandis que les médias ont indiqué qu’il existe d’autres personnes très compétentes qui ont déjà occupé des postes en Afrique, comme « Cameron Hudson », qui occupait le poste de directeur de la sécurité nationale américaine en Afrique, à l’époque de « George Bush ». Pire encore, Trump pourrait s’appuyer sur ses proches dans certaines de ses politiques sur le continent africain, comme « Massad Boulos », qui pourrait ne pas être qualifié pour occuper ce poste.

Massad Boulos est un homme d’affaires et homme politique américano-libanais. Connu pour sa proximité avec Donald Trump, il est le beau-père de Tiffany Trump, épouse de Michael Boulos, dirigeant d’entreprise.

• Ce qu’en pensent les experts des affaires africaines

L’administration Trump ne représente pas une véritable rupture avec la politique traditionnelle des Etats-Unis à l’égard du continent africain, que la Maison Blanche soit occupée par un démocrate ou par un républicain.

L’Afrique a toujours reçu une attention marginale dans l’agenda de la politique étrangère américaine. Sur la base de cet argument, et dans la perspective de la concurrence féroce avec la Chine, la politique potentielle de Trump à l’égard du continent africain pourrait être façonnée comme suit:

1. L’engagement divergent de Washington envers les partenariats existants

Certaines estimations font craindre que l’administration Trump abandonne certains partenariats commerciaux bilatéraux et multilatéraux en Afrique, notamment le projet de corridor de Lobito, qui s’étend de la côte atlantique de l’Angola à travers la République démocratique du Congo et la Zambie jusqu’à l’océan Indien à l’est, où l’administration de l’ancien président américain, Joe Biden, avait annoncé ce projet de développement du corridor de Lobito et du chemin de fer Zambie-Lobito, et le considérait à l’époque comme l’infrastructure de transport la plus importante développée par Washington depuis des années, d’autant plus qu’elle pourrait faire partie d’une vision plus large cherchant à relier les océans Indien et Atlantique. Certains ont vu dans ce projet une tentative de concurrencer l’initiative chinoise « La Ceinture et la Route », qui a contribué à la construction de ports, de routes et de chemins de fer à travers l’Afrique.

En revanche, d’autres estimations remettent en question la possibilité que l’administration Trump se retire de ses partenariats commerciaux bilatéraux et multilatéraux sur le continent africain. Au contraire, cette administration pourrait s’orienter vers l’élargissement de ces partenariats commerciaux avec les pays du continent africain, compte tenu de la centralité de la dimension économique et commerciale pour Trump.

2. Accords potentiels avec le continent africain

Le second mandat de Trump, en Afrique, pourrait impliquer des accords qui pourraient être conclus avec des pays africains, ce qui est cohérent avec les déclarations de l’ancien envoyé de l’administration Trump dans la région des Grands Lacs et du Sahel, « J. Peter Pham », qui a indiqué que la nouvelle administration Trump pourrait rechercher une situation « gagnant-gagnant », ce qui pourrait inclure le renouvellement de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui donne à certains pays africains éligibles un accès en franchise de droits aux marchés américains.

Bien que cela puisse entrer en conflit avec les politiques tarifaires potentielles de Trump, ce dernier pourrait exclure le continent africain des tarifs douaniers attendus, dans une tentative de renforcer les relations de Washington avec ses pays.

3. Des coupes budgétaires dans de nombreuses régions d’Afrique

L’administration du président élu américain Donald Trump s’apprête à réduire les financements étrangers, notamment de nombreux programmes financés par les États-Unis en Afrique, et cette décision pourrait être corroborée par les déclarations de l’ancien administrateur adjoint de l’Agence américaine pour le développement international, « Max Primorac », qui a critiqué le projet 2025 dans certains programmes de l’Agence, qui comprend un plan directeur de près de 900 pages proposé par la « Heritage Foundation », de tendance conservatrice, visant à restructurer le gouvernement fédéral, ce document correspond tout à fait à la vision de Trump.

Il convient de noter que la première administration Trump a délibérément réduit le financement des affaires étrangères jusqu’à 30 % à certains moments. Alors que l’administration de l’ancien président américain Joe Biden avait annoncé en décembre 2023 avoir investi environ 22 milliards de dollars sur le continent africain, s’engageant à y investir davantage, les doutes grandissent quant à l’ampleur de l’engagement de l’actuelle administration Trump dans les grands projets américains en Afrique liés aux domaines de la santé, de la sécurité et du développement.

4. Un rôle américain fort dans la lutte contre le terrorisme

Poursuivant le rôle important, que la première administration Trump a maintenu dans les efforts de lutte contre le terrorisme en Afrique, sa deuxième administration devrait étendre le ciblage des groupes terroristes au Sahel et dans la Corne de l’Afrique, et accroître le soutien militaire à la lutte contre le terrorisme sur le continent africain, avec une préférence attendue pour les pays alliés d’Afrique de l’Ouest, comme le Ghana, le Nigéria et la Côte d’Ivoire, et certains pays de la région de la Corne de l’Afrique, en particulier le Kenya, mais cet engagement militaire ne devrait pas être accompagné de l’envoi de davantage de forces américaines sur le terrain.

En conclusion, il semble que la nouvelle administration de Donald Trump devra faire face à des frictions entre ses tendances isolationnistes, basées principalement sur le slogan « America First » (l’Amérique d’abord), et sa forte volonté de faire face à l’influence croissante de la Chine dans diverses parties du monde, y compris sur la scène africaine qui revêt une importance stratégique et devrait devenir une arène majeure à la concurrence féroce entre Washington et Pékin.

Tout laisse donc à croire que la politique étrangère de Trump à l’égard du continent africain dépendra principalement des priorités et des intérêts américains directs. Bien que la stratégie de Trump à l’égard de l’Afrique soit caractérisée par la négligence, plusieurs facteurs peuvent pousser Trump à changer de stratégie et à améliorer ses relations avec les pays africains qui pourraient servir les intérêts de la sécurité nationale et de l’économie américaine, qui sont la première priorité de Trump.

Dans ce contexte, Trump pourrait utiliser l’aide comme un outil de pression pour atteindre les objectifs politiques et économiques de Washington.

On s’attend également à ce que Trump restructure la distribution d’une aide étrangère sans excès pour préserver les intérêts américains dans la région. D’un autre côté, certains pays africains pourraient chercher à renforcer de manière proactive leurs relations économiques et politiques avec Trump, pour éviter tout changement ou choc dans les politiques américaines envers l’Afrique.

• Les attentes de l’Afrique vis-à-vis de Washington

Les Africains ne semblent pas faire confiance aux États-Unis d’Amérique, d’autant plus que l’Amérique n’a pas tenu ses promesses envers le continent africain, malgré les promesses faites par l’administration du 46e président, Joe Biden, de faire entendre la voix collective des Africains dans les prises de décision et les institutions mondiales.

Les Africains ne siègent toujours pas au Conseil de sécurité de l’ONU deux ans après que Biden les a approuvés pour la première fois, et la réponse menée par les États-Unis au changement climatique, au financement du développement et à la concurrence entre les grandes puissances semblent favoriser le Nord et pas le Sud.

Ces promesses excessives et ces résultats insuffisants ont renforcé la réputation de longue date de Washington en tant que partenaire peu fiable, et ni Donald Trump ni Kamala Harris, qui ont ignoré l’Afrique tout au long de leur campagne, n’ont rien fait pour donner aux Africains l’impression que leurs administrations seront sensiblement différentes du passé.

Sur ce, et en réponse aux promesses américaines non tenues, les Africains ont activement diversifié leurs partenariats politiques, économiques et sécuritaires en dehors de Washington au cours de la dernière décennie, parfois en contradiction avec les intérêts américains.

La Chine est désormais le premier partenaire commercial et d’investissement de l’Afrique, ce qui constitue une protection contre le manque de fiabilité des États-Unis.

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