Quand les Etats-Unis font la « COUR » à la MAURITANIE pour obtenir plus de faveurs en Afrique

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Quand les Etats-Unis font la « COUR » à la MAURITANIE pour obtenir plus de faveurs en Afrique
Quand les Etats-Unis font la « COUR » à la MAURITANIE pour obtenir plus de faveurs en Afrique

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Congo Brazzaville. Contrairement aux pays européens, les Etats-Unis d’Amérique ont le privilège particulier de ne pas avoir une histoire ou un passé colonial commun avec le Continent africain, un passé susceptible d’avoir laissé de mauvais souvenirs dans son histoire.

C’est pourquoi les Etats-Unis peuvent jouer les atouts communs avec l’Afrique, mais à l’heure actuelle leur intérêt est plutôt lié à leur vision stratégique globale, et aux besoins de leur économie nationale, ainsi qu’à l’achèvement de leur contrôle militaire sur « le Monde ».

Par conséquent, l’analyse que nous présentons aujourd’hui dans cet article tentera de répondre à un ensemble de questions importantes, au premier rang desquelles nous pouvons trouver :

1* Comment l’intérêt américain pour le continent africain s’est-il développé ?

2* Quelles sont les raisons qui ont poussé les Etats-Unis à penser à l’Afrique après des années de négligence ?

3* Quels sont les objectifs fixés pour le commandement militaire américain sur ce continent ?

L’intérêt américain pour l’Afrique s’inscrit également dans le contexte d’assiéger l’influence des « grandes puissances », qui en sont venues à voir le continent africain comme un terrain fertile pour les investissements en plus d’être un marché important pour les ressources primaires.

Parce qu’ils ont montré au monde que leur intérêt pour le Continent africain n’est que le résultat des menaces sécuritaires dont ce dernier a conscience, dont la plus importante est le terrorisme, surtout dans l’ère post-11 septembre 2001, les Etats-Unis ont adopté dans la concrétisation de leur intérêt envers le continent africain un mécanisme sécuritaire concernant toute l’Afrique, un mécanisme qui a pris un caractère militaire, et celà est en rapport avec « le Commandement militaire spécial pour l’Afrique », plus connu sous son sigle « AFRICOM ».

Qu’attendent donc les Etats-Unis de la Mauritanie ?

Il y a moins de deux semaines, plus exactement le lundi 17 octobre 2022, Mme Victoria Nuland, une diplomate américaine, secrétaire d’État assistante pour l’Europe et l’Eurasie de 2013 à 2017 et sous-secrétaire d’État pour les Affaires politiques depuis 2021, s’est rendue en Mauritanie dans le cadre de la première visite d’un responsable américain depuis l’élection du président Joe Biden, considérée comme première étape de sa visite dans la région du Sahel, où elle a rencontré le président mauritanien Mohammed Ould Ghazouani, et salué le rôle de Nouakchott et de son leadership dans la guerre contre le terrorisme dans la région sahélienne.

Cette visite s’inscrit entre-autres dans le cadre de l’intérêt de l’administration américaine pour le continent africain en général et la région du Sahel en particulier, qui s’est traduit par les multiples visites de ses responsables dans certains de ses pays, notamment la deuxième visite du secrétaire d’État américain Anthony Blinken sur le continent depuis sa prise de fonction, durant la période du 7 au 11 août, et son annonce de la stratégie américaine envers le continent.

Objectifs multiples

Les objectifs des États-Unis vont du renforcement des relations avec la Mauritanie au réengagement dans la région du Sahel africain après une période de relations tendues entre les États-Unis et l’Afrique sous l’administration de l’ancien président américain Donald Trump, dont les plus importants sont les suivants :

• Soutenir les efforts de lutte contre le terrorisme

La chasse aux terroristes

Victoria Nuland a tenu à soutenir la politique de lutte contre le terrorisme de la Mauritanie, sachant qu’après sa rencontre avec le président mauritanien, elle a déclaré que « la Mauritanie est une oasis de stabilité dans la région du Sahel africain », louant le rôle de Nouakchott dans la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent.

Elle a déclaré, après son entretien avec le Chef de l’Etat mauritanien : « Les Etats-Unis sont déterminés à aider la jeunesse mauritanienne, surtout que dans ce pays les personnes de moins de 35 ans représentent 70 % de la population, et nos projets USAID, Tamkeen et Nafoore, qui bénéficient d’un financement de 24 millions de dollars, leur apporteront un soutien essentiel en matière de formation ».

Nuland a souligné que : « Ces projets offrent une formation professionnelle pour bénéficier des opportunités d’emploi durables, pour atténuer les conflits et pour créer des réseaux de soutien aux jeunes ».

A propos des relations économiques croissantes entre les deux pays, la diplomate a indiqué que : « La Mauritanie a accueilli favorablement des investissements américains dans le secteur de l’énergie et nous attendons et encouragerons les investisseurs américains et les entreprises américaines à s’associer aux entreprises mauritaniennes dans les secteurs importants que sont l’agriculture, la pêche et les énergies renouvelables ».

Pour conclure, elle a déclaré également : « Ma visite ici en Mauritanie reflète l’engagement du Président Biden à renforcer les liens des Etats-Unis avec nos principaux partenaires africains. L’Ambassadeur Kierscht et moi-même sommes reconnaissants au Président Ghazouani pour le temps qu’il nous a consacré et pour son amitié ».

L’escalade des attaques terroristes et l’échec rencontré par les Américains

Un rapport publié par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, le 29 septembre de cette année, a indiqué que la région ouest du Sahel a connu une escalade des attaques par des groupes armés depuis 2019, qui a quadruplé. L’ampleur de ces attaques s’est tellement étendue que de nombreuses tendances y ont vu la preuve des échecs militaires américains à travers le continent, en particulier au Sahel.

Par conséquent, de nombreuses critiques ont été formulées à l’égard des échecs de la politique américaine de lutte contre le terrorisme en Afrique en général, et dans la région du Sahel en particulier, ce qui semble avoir poussé l’administration américaine à axer sa stratégie à l’égard du continent sur la recherche d’une meilleure capacité des partenaires africains de Washington, et ce, dans le but de renforcer la stabilité et la sécurité régionales.

A noter que l’armée américaine a mené des exercices militaires en Tunisie, au Maroc, à Djibouti, au Ghana, au Sénégal, en Somalie, au Botswana, en Zambie, en Tanzanie, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Kenya dans le but de renforcer la sécurité et la stabilité et le transfert de la mission antiterroriste aux pays du continent, en plus de réduire les menaces des organisations terroristes contre les États-Unis, ses citoyens et ses installations diplomatiques et militaires, ainsi que le redéploiement militaire sur le continent.

• Consolider le rôle américain en Afrique

Rencontre à l’ambassade américaine à Nouakchott

Il importe de rappeler que, lors de la deuxième visite d’Anthony Blinken en Afrique, l’administration américaine a annoncé sa nouvelle stratégie envers l’Afrique subsaharienne, à travers laquelle les États-Unis cherchent à atteindre plusieurs objectifs principaux sur le continent, dont le plus important est d’équilibrer le déploiement militaire américain sur le continent avec un travail diplomatique et de développement, surtout après les appels lancés par de nombreux législateurs américains à l’administration du président Joe Biden, pour un changement dans la politique de l’administration envers le continent d’une orientation militaire, qui a dominé la politique américaine au cours des deux dernières décennies, alors que les États-Unis et leurs partenaires ont dépensé des milliards de dollars pour :

-/-soutenir les efforts de stabilité en soutenant les opérations militaires contre les organisations terroristes,

-/-renforcer la capacité militaire du continent à faire face aux menaces terroristes,

-/-accorder la priorité au travail diplomatique et de développement.

• Faire face à l’influence croissante de la Chine

Xi Jinping Président de la Chine populaire

Les mouvements américains sur le continent se sont concentrés sur la confrontation des efforts de la Chine pour renforcer sa présence militaire et économique, en particulier après que Pékin a établi une base militaire à Djibouti en 2017, en plus de ses relations commerciales et d’investissement avec les pays du continent, où Pékin est devenu le plus grand partenaire commercial de nombreux pays.

Les pays africains ont construit d’énormes projets d’infrastructure grâce à l’initiative « la Ceinture et la Route ».

Ces dernières années, Pékin a renforcé sa coopération militaire et policière avec les pays africains pour protéger ses intérêts économiques et ses citoyens. Il semble que Washington suive de près l’évolution des relations entre la Chine et la Mauritanie notamment, surtout après que Pékin, le 25 janvier, a pris la décision de réduire les dettes dues par Nouakchott, d’une manière qui pourrait pousser cette dernière à élargir le champ de coopération économique avec elle.

• Imposer un isolement international à la Russie

Sergueï Lavrov Ministre russe des Affaires étrangères

Les démarches américaines en Afrique visent, en partie, à contrer l’influence russe sur le continent, car Moscou est le plus grand fournisseur d’armes de ses pays, et ses entreprises ont beaucoup investi dans les industries extractives sur le continent, tout en essayant de briser l’isolement international qu’il impose. Les pays occidentaux devraient renforcer leur présence sur le continent, où les intérêts russes augmentent, en plus de mettre fin à la neutralité de nombreux pays africains vis-à-vis de la guerre russo-ukrainienne qui dure depuis le 24 février dernier, ou de voter en faveur de Moscou dans les institutions internationales, notamment l’ONU et son Conseil de sécurité, contre les résolutions menées par les États-Unis et leurs alliés contre les opérations militaires russes.

Lors de la visite de Nuland à Nouakchott, le président mauritanien Mohammed Ould Ghazouani a affirmé sa condamnation de la guerre « injustifiée » de la Russie contre l’Ukraine et de ses répercussions, ainsi que des actions de la Russie qui exacerbent les problèmes de sécurité alimentaire en provoquant une pénurie de produits de base et une hausse de leurs prix, ce qui expose des millions d’Africains à de grands risques, selon ses déclarations.

A noter que les États-Unis font souvent pression sur les pays africains pour qu’ils ne recourent pas au groupe russe « Wagner » pour répondre à leurs besoins de sécurité, après son rôle croissant dans de nombreux pays africains, notamment la Libye, le Burkina Faso, la République centrafricaine et le Mali.

• Continuer à fournir une aide humanitaire

Alors que de nombreux pays africains sont touchés par la guerre russo-ukrainienne et ses effets sur la sécurité alimentaire, et souffrent économiquement et sainement de la pandémie de Covid-19, l’administration américaine a fourni de nombreuses aides humanitaires et de développement à de nombreux pays du continent. Nuland a indiqué lors de sa visite en Mauritanie que les États-Unis, en plus d’être le plus grand contributeur au Programme alimentaire mondial, fourniront à la Mauritanie, par le biais du Programme international d’alimentation et d’éducation McGovern-Dole, 28,5 millions de dollars sur cinq ans pour nourrir près de 100.000 étudiants chaque année, sur un total de 320 écoles primaires dans un certain nombre de provinces mauritaniennes.

En ce qui concerne la pandémie de COVID-19, elle a indiqué que les États-Unis ont fourni à la Mauritanie 1,64 million de doses de vaccin, et a également révélé que des projets de l’USAID fourniront des investissements de 24 millions de dollars pour faire progresser la jeunesse mauritanienne.

Joe Biden aura-t-il beaucoup d’énergie à mobiliser en direction du continent africain ?

Pour les observateurs pointilleux, contrairement à l’unilatéraliste Donald Trump, Joe Biden tient quant à lui à s’adresser à l’Afrique, notamment aux interlocuteurs qui ont un point commun avec lui.

Qu’elle soit symbolique ou non, la diversité accrue de l’équipe de Biden est assez critiquée en Afrique, sachant que

– Le secrétaire adjoint au Trésor Wally Adeyemo et la conseillère dans l’équipe de riposte à la Covid-19 Osaremen Okolo, sont nés de parents nigérians.

– La nouvelle ambassadrice à l’ONU Linas Thomas Greenfield fut sous-secrétaire d’État pour l’Afrique et ambassadrice à Monrovia.

– La responsable de l’agence chargée de l’aide au développement (Usaid) Samantha Power a de son côté une solide expérience onusienne en matière humanitaire.

– Quant au secrétaire d’État Anthony Blinken, il a la réputation d’être ‘un fin connaisseur’ du Continent africain.

Sauf que les Africains savent se méfier de tels haut-responsables, dont les actes ne suivent pas toujours les intentions comme on le prétend en diplomatie.

Défis majeurs

Malgré le retour de l’intérêt américain pour le Continent africain, la stratégie de sécurité nationale émise par l’administration du président Joe Biden, le 12 octobre 2022, n’a pas évoqué les menaces qui pèsent sur le continent, ni les politiques américaines pour y faire face. En outre, le retour d’intérêt se heurte à de nombreux défis qui entravent les objectifs américains de renforcement de leur présence militaire, économique et politique sur le continent, et de confrontation à l’influence chinoise et russe en forte croissance en Afrique.

Le plus important de ces défis est que de nombreuses ambassades américaines ouvertes dans de nombreux pays africains souffrent d’un manque chronique de personnel, ce qui sape les objectifs de la politique étrangère américaine sur le continent, un défi qui donne la priorité à la coopération militaire et sécuritaire au cours des prochaines décennies, tout en réduisant l’espace pour les outils diplomatiques et de développement, en plus de l’accent mis par l’administration américaine sur les défis de sécurité nationale qui menacent l’Amérique de l’intérieur et ses alliés en Europe après la guerre russo-ukrainienne, et la concurrence avec la Chine dans la région indopacifique.

Dans ce contexte, il importe d’expliquer que la stratégie s’est concentrée sur l’importance de cette région, notamment l’Afrique subsaharienne, pour faire avancer les priorités globales de Washington, avec ses avantages et les taux de croissance démographique les plus rapides au monde, les plus grandes zones de libre-échange et les écosystèmes les plus diversifiés, plutôt que d’être l’une des plus grands groupes de vote régionaux dans les nations unies. Et il est impossible (pour les États-Unis) de relever les défis actuels sans les contributions et le leadership africains.

La stratégie recadre l’importance de la région pour les intérêts de sécurité nationale des États-Unis et formule une « nouvelle vision » sur la manière de s’engager en Afrique et dans ses périphéries, et établit d’autres domaines d’intérêt.

La stratégie a identifié quatre objectifs pour approfondir les priorités américaines avec des partenaires en Afrique subsaharienne au cours des cinq prochaines années (2022-2026) :

• promouvoir l’ouverture et les sociétés ouvertes,

• assurer des retours démocratiques et sécuritaires,

• faire des progrès dans la reprise pandémique et les opportunités économiques,

• soutenir ensuite la préservation de l’environnement, l’adaptation au climat et la transition juste des sources d’énergie.

Par ailleurs, on constate que l’administration Biden estime que la stratégie représente une « nouvelle approche » basée sur le renforcement d’importants partenariats, confrontant les États-Unis à des crises et menaces immédiates, et cherchant à lier les efforts à court terme avec leurs homologues à long terme pour renforcer les capacités de l’Afrique à résoudre les problèmes mondiaux.

En fait, la force de la stratégie réside dans sa « détermination à s’éloigner des politiques qui traitent par inadvertance l’Afrique subsaharienne comme un monde à part », et la poursuite sans relâche de suivre le rythme des profondes transformations du continent et du monde, sachant qu’également « la stratégie appelle au changement parce que la continuité n’est pas suffisante pour accomplir la tâche à venir ».

La stratégie a révélé entre-autres qu’elle adoptait une approche pour recentrer, renouveler et renforcer les programmes américains existants, développer de nouvelles initiatives et suivre d’autres étapes spécifiques.

D’ailleurs, le 24 juillet de cette année, l’envoyé́ spécial américain pour la Corne de l’Afrique, Mike Hammer, avait entamé une tournée qui l’a mené́ en Égypte, aux Emirats arabes unis et en Ethiopie. Il s’agit d’une visite qui s’est poursuivie jusqu’au 1er août, à un moment où les crises s’intensifiaient dans la Corne de l’Afrique et ses environs régionaux, similaires à :

• la crise en cours entre le gouvernement éthiopien et le Front de libération du peuple du Tigré,

• les négociations hésitantes du barrage de la Renaissance,

• l’augmentation de l’activité́ des organisations terroristes dans la région,

• et l’aggravation de la crise de la sécurité́ alimentaire dans de nombreux pays africains en raison de la guerre russo-ukrainienne.

C’est ainsi qu’en raison de la guerre russo-ukrainienne, alors que les pays de la Corne de l’Afrique sont touchés par les prix élevés des denrées alimentaires et les pénuries alimentaires, les Etats-Unis se sont engagés à fournir prés de 1,3 milliard de dollars d’aide humanitaire au développement dont ont besoin plus de 18 millions de personnes dans la région, et pour aider à atténuer la faim dans les zones les plus touchées par les crises alimentaires mondiales.

Certes, toutes les administrations américaines traversent des périodes au cours desquelles leurs politiques reculent, après quoi elles passent de la mise en œuvre des politiques de l’administration qui les a précédées à la mise en œuvre de leurs propres politiques, mieux adaptées et plus adéquates.

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