Intelligence artificielle : comment les DRH africains s’y préparent

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Intelligence artificielle : comment les DRH africains s’y préparent
Intelligence artificielle : comment les DRH africains s’y préparent

Africa-Press – Congo Brazzaville. Recrutement, gestion des collaborateurs… Entre l’avènement de nouveaux métiers et de nouvelles pratiques, l’intelligence artificielle commence peu à peu à transformer les façons de procéder sur le continent.

Autant le dire d’emblée et sans ambages : non, l’intelligence artificielle (IA) ne va pas remplacer l’humain et détruire des centaines de milliers d’emplois, a fortiori au sein des services de ressources humaines. Ces craintes étaient déjà présente dans l’opinion publique lors de l’émergence d’Altavista, premier moteur de recherche sur internet, au milieu des années 1990, avant même l’intronisation de Google. Fort de sa fougue innovatrice, Altavista était censé tout balayer sur son passage et rendre la valeur ajoutée humaine obsolète et inopérante. Près de vingt-cinq années plus tard, le précurseur des moteurs de recherche a sombré dans les limbes de l’histoire, et la ressource humaine a conservé ses prérogatives de force de proposition et de créativité. Qu’en sera-t-il des solutions permises par l’IA ?

Si confrontation il doit y avoir, elle n’opposera pas l’homme à la machine, mais davantage ceux qui maîtrisent ces outils à ceux qui les dédaignent. « La distinction se fera entre ceux qui arrivent à intégrer dans leur pratique les outils de l’intelligence artificielle et les autres. La véritable valeur ajoutée d’un collaborateur résidera dans la maîtrise de ces outils », confirme Mourad Zéraï, docteur en mathématiques appliquées et directeur du parcours d’enseignement en IA au sein du groupe d’enseignement supérieur Esprit, basé en Tunisie.

S’il comprend cette appréhension envers l’intelligence artificielle, ce dernier se veut néanmoins le chantre d’une cohabitation pacifique. « L’IA n’est pas une tendance, mais une réalité qui poursuit son implantation jour après jour. Et dans un monde qui devient rapidement obsolète, il est impératif de poser les jalons d’une collaboration entre l’homme et la machine. »

Dans la sphère RH, l’intelligence artificielle pourrait donc valoriser de nouvelles compétences et contribuer à créer de nouveaux métiers comme ceux d’analyste de données RH, de marketing manager RH, de manager en recrutement et mobilités, d’expert en expérience humaine ou encore de directeur de la culture d’entreprise. « Ces titres reflètent la diversification des responsabilités des RH, qui s’étendent bien au-delà de la gestion traditionnelle des ressources humaines pour englober des domaines tels que la culture d’entreprise, l’expérience des employés et la diversité », explicite une récente étude pilotée e par le groupe Humanskills qui accompagne les entreprises dans leur transformation et dans l’ensemble de leurs besoins en ressources.

Qu’en pensent les principaux intéressés, à savoir les responsables des ressources humaines ? Cultivent-ils cette méfiance et cette défiance à l’endroit de l’intelligence artificielle ? Ilham Mouhriz, fraîchement nommée responsable des ressources humaines au sein de Capgemini pour le Maroc et ses 6 500 collaborateurs, comprend les craintes de ses homologues même si celles-ci ont de plus en plus tendance à s’estomper. « L’IA est un outil, un accompagnateur, un facilitateur qui ne se substituera en rien à la perception humaine. Rien ne peut remplacer le contact humain. Dans nos métier, l’IA nous aide à optimiser nos process de recrutement mais ne prend pas et ne prendra jamais la décision finale », estime-t-elle.

Parmi les procédures évoquées, figure par exemple la tâche pénible et chronophage de l’étude et la sélection des CV. La start-up sénégalaise Socium compte rendre ce travail plus facile. Créée par Samba Lo, la jeune pousse se positionne comme un fournisseur complet de systèmes d’information pour la gestion des ressources humaines (SIRH). Elle opère dans l’ensemble de l’Afrique francophone (« de la Mauritanie au Gabon ») et recourt à l’intelligence artificielle pour analyser les CV en fonction des critères requis par les entreprises, simplifiant ainsi le travail des ressources humaines.

« Les entreprises avec lesquelles nous travaillons [Orange, Mazars, EY, entre autres] reçoivent énormément de candidatures très homogènes. Certaines pertinentes, mais (beaucoup) d’autres pas du tout en adéquation avec le profil recherché », explique le fondateur de Socium.

« Un client qui reçoit 500 CV pour une offre d’emploi peut consacrer une dizaine d’heures au simple tri manuel de ces CV en supposant qu’il passe une minute sur chacun d’entre eux. Cette étape chronophage peut être confiée à notre outil, qui, en une heure, va procéder à un processus de sélection permettant aux recruteurs de se concentrer sur les 50 CV les plus pertinents », complète Jordan Tchato, spécialiste IA à la tête du bureau Afrique centrale de Socium.

Catastrophe chez Amazon

Mais l’IA n’est pas infaillible. Ainsi, entre 2014 et 2017, l’utilisation d’une IA par le géant de l’e-commerce Amazon pour simplifier son processus de recrutement a viré à la catastrophe. En effet, en se fondant sur les données qu’elle avait récoltées entre 2004 et 2014, l’IA de l’entreprise a systématiquement écarté les femmes des postes de développement web et autres emplois techniques, car, durant cette période, la plupart de ces métiers étaient occupés par des hommes. L’IA a donc jugé que les candidatures masculines devaient être privilégiées. « Il s’agit de l’une des plus grandes problématiques de l’usage et du déploiement de l’intelligence artificielle. Si une IA prend une décision, elle doit être en mesure de l’expliquer. Or, les technologies les plus performantes en la matière, comme les réseaux neuronaux, ne sont pas encore en mesure de fournir lesdites explications quant à leur prise de décision », souligne Mourad Zéraï.

Malgré ces limites, l’IA comporte des vertus prédictives qui peuvent se révéler particulièrement décisive dans le domaine des ressources humaines, surtout dans un contexte de guerre des talents. « L’intelligence artificielle peut nous aider à anticiper les comportements des collaborateurs. Nos équipes RH sont ainsi dotées de solutions de prédiction de turnover qui permet ainsi de réduire et de prévenir les risques de départ », relate Ilham Mouhriz, de Capgemini. Ainsi, le département des ressources humaines bénéficie, grâce à ces outils, d’indicateurs sur le niveau d’engagement – ou de désengagement – des collaborateurs. « Ces alertes nous permettent ainsi de mettre en place des actions pour tenter de remédier à cette situation », complète la responsable.

Explique, démystifier, acculturer

Pour continuer d’embrasser cette révolution, de nombreuses initiatives fleurissent sur le continent, à l’instar des maisons de l’IA, des lieux physiques dont la feuille de route se résume au triptyque : expliquer, démystifier, acculturer. La première d’entre elles a ouvert ses portes à Oujda, dans l’est du Maroc. La ville héberge l’université Mohamed-Ier, entité reconnue pour la qualité de son enseignement en mathématiques, discipline indissociable de l’IA.

« La maison de l’IA est un endroit où l’on revient sur toute l’histoire de l’intelligence artificielle. Nous proposons également un parcours pédagogique en la matière dès l’âge de 3 ans », explique son fondateur, Jérôme Ribeiro, pour qui la formation postbac au codage est un « non-sens absolu ». « En Chine, les enfants savent coder dès l’âge de 9 ans. Pourquoi attendons-nous le début des études supérieures pour initier les nôtres ? »

Car l’enjeu est fondamental et l’Afrique, forte de sa jeunesse et de ses forces vives face à une Europe vieillissante, se doit d’être au rendez-vous de la révolution IA. « Il s’agit d’une opportunité extraordinaire pour l’Afrique qui a été exclue des révolutions industrielles par manque de moyens. Cette fois-ci, il n’y a plus aucune excuse. Un ordinateur et une connexion internet suffisent », martèle le chercheur Mourad Zéraï. Rendez-vous est pris.

Source: JeuneAfrique

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