Le sport, son business, ses infrastructures, un catalyseur pour les économies d’Afrique

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Le sport, son business, ses infrastructures, un catalyseur pour les économies d’Afrique
Le sport, son business, ses infrastructures, un catalyseur pour les économies d’Afrique

Africa-Press – Congo Brazzaville. Selon Tidjane Thiam, Rémy Rioux, et Makhtar Diop, le développement économique de l’Afrique devrait être grandement stimulé par des investissements massifs dans l’industrie du sport, écosystème porteur de nombreuses opportunités, sur un continent qui ne veut plus se contenter de la charité internationale.

Du judo, de l’athlétisme, du football, et des arts aussi. Du 28 juillet au 6 août dernier, les Kinois ont vibré au rythme de la 9e édition des Jeux de la Francophonie. L’évènement, qui a lieu tous les quatre ans, a permis à la RDC de reléguer au second plan, un temps du moins, le conflit qui ronge l’Est du pays et l‘inflation qui frappe le porte-monnaie des consommateurs.

Et, selon le gouvernement, ces Jeux ont également été l’occasion de « dynamiser l’économie locale », et entraîné la création de plusieurs milliers d’emplois directs et indirects dans la construction, l’hôtellerie, la restauration et le tourisme. Ce rendez-vous ne constitue que l’un des nombreux évènements organisés cette année sur le continent : championnat des sports de plage et Coupe du monde des clubs de la FIFA au Maroc, Rugby Championship en Afrique du Sud, mondial de handball en Égypte…

« En cinq ans, l’Afrique a accueilli plus d’évènements sportifs que durant le siècle précédent », se réjouit Mohsen Abdel Fattah, directeur général de l’African Sports & Creative Institute et auteur de Économie du sport en Afrique. Préfacier de ce livre, Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement (AFD), estime que cela démontre la capacité du continent à créer son actualité sportive et à prendre sa part dans l’écosystème mondial, jusqu’alors exclusivement articulé autour des rythmes européen ou nord-américain.

Car, si le sport a toujours été présent au sein de la culture africaine, son potentiel économique n’a pas encore été révélé. À l’échelle internationale, le sport représente 2 % du PIB, avec une industrie qui pèse entre 1 000 et 2 000 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, en progression de 4 % chaque année, d’après une étude de ASCI-Mazars datant de 2020. En Afrique, le secteur représente à peine 0,5 % du PIB et ne connaît pas de réelle croissance. « Il faut s’empresser de changer la donne », tranche Mohsen Abdel Fattah.

Environnement propice

Fort de son 1,3 milliard d’habitants dont 800 millions de jeunes de moins de 25 ans, l’Afrique est le continent le plus jeune du monde. « En 2050, un jeune sur trois – donc un sportif sur trois – sera africain », souligne Rémy Rioux.

Selon la Banque africaine de développement (BAD), après une décennie de hausse du niveau de vie, un tiers des Africains appartiennent désormais à la classe moyenne. Or, pour Mohsen Abdel Fattah, cette frange de la population, qui cherche à améliorer son bien-être, consomme davantage de produits liés au sport.

« Les mesures qui permettent le développement de l’entreprise en général, donc du sport en particulier, sont un peu les mêmes. Il faut créer un environnement dans lequel les entrepreneurs peuvent facilement prendre des risques et trouver des financements », insiste le financier Tidjane Thiam dans le même recueil.

Enthousiasme collectif

« De plus en plus de décideurs du continent africain reconnaissent l’effet catalyseur du sport sur le plan économique et social », rappelle Makhtar Diop, directeur général de la Société Financière Internationale (IFC) dans la préface du livre précité.

Le Rwanda, par exemple, a utilisé le sport pour faire évoluer son image à l’international et, surtout, pour stimuler le tourisme (lire encadré ci-dessous). « Les évènements sportifs attirent des supporters, qui se déplacent spécialement, ce qui stimule le tourisme local, boostant ainsi l’économie du pays. Nous voulons professionnaliser le secteur du sport pour accroître et développer son potentiel d’investissement pour, à terme, permettre la diversification », confie Aurore Mimosa Munyangaju, la ministre rwandaise des Sports .

Nouveau paradigme

Pourtant, le sport en Afrique fait encore face au défi de sa professionnalisation. « Le niveau de formation est très faible. Il faudrait une meilleure gouvernance, plus de transparence et un cadre législatif et financier plus attractif », souligne Mohsen Abdel Fattah.

L’AFRIQUE ASPIRE À PLUS D’INVESTISSEMENTS ET MOINS DE CHARITÉ

Au Bénin, le gouvernement semble avoir saisi cet enjeu. Ainsi, Cotonou a mis en place des règlementations pour attirer les investisseurs privés dans le sport, avec notamment des abattements fiscaux. « Malgré ces élans prometteurs, les initiatives se comptent encore sur les doigts d’une main. Il faut que l’effort soit visible jusque dans les budgets nationaux », déplore Mohsen Abdel Fattah.

« Pour prendre son essor, le développement du secteur sportif ne saurait toutefois reposer sur les seuls investissements publics. Un double changement de paradigme est ici nécessaire, d’abord par la multiplication et la diversification des acteurs, et ensuite par le passage à une logique d’investissement, dans la durée », nuance Rémy Rioux, qui ajoute : « je crois qu’il faut changer radicalement de perspective ».

Aujourd’hui, les structures associatives dominent le paysage sportif. Souvent, ce sont des sportifs d’origine africaine qui en sont les mécènes. Par exemple, l’association « Inspired by KM », de Kylian Mbappé, prévoit la construction prochaine d’un grand complexe sportif au Cameroun. « C’est très bien, mais ce n’est pas générateur de business », explique Mohsen Abdel Fattah. L’objectif est donc clair : « plus d’investissements, moins de charité. C’est ce à quoi l’Afrique aspire », comme le résume le basketteur nigérian Masai Ujiri.

Potentiel commercial

« Il y a beaucoup de capital disponible. Le problème réside ailleurs. Il s’agit de trouver des promoteurs prêts à structurer des fonds localisés sur le secteur du sport en Afrique. Je suis certain que c’est possible », assure Tidjane Thiam.

Le cas de la plateforme « Sport en Commun » lancée par l’AFD avec de nombreux sportifs et partenaires pour connecter les acteurs du sport et ceux du financement du développement est un début. La première coalition de banques publiques de développement pour le sport, née lors du Sommet « Finance en Commun (FiCS) » en novembre 2020, poursuit le même objectif avec un accent particulier sur la mobilisation de fonds autour de programmes d’infrastructures sportives durables.

Le Rwanda, pays précurseur ?

En 2019, le petit pays a marqué les esprits des fans de ballon rond, en signant un partenariat avec le club anglais d’Arsenal. Kigali a déboursé 40 millions de dollars contre l’inscription de la mention « Visit Rwanda » sur les maillots de l’équipe londonienne.

Si le contrat avait fait polémique à l’époque, notamment parce que le pays est récipiendaire d’aides au développement, le Rwanda avait récidivé un an plus tard avec le club français du Paris Saint-Germain. L’objectif était, et demeure, que les touristes du monde entier puissent situer le pays sur une carte et viennent découvrir les derniers gorilles des montagnes de la planète.

En 2022, le pays a également inauguré la Kigali Arena, une enceinte aux standards internationaux, qui a accueilli cette année l’Afrobasket féminin. Enfin, en 2025, le Rwanda sera le premier pays d’Afrique à accueillir les championnats du monde de cyclisme.

Source: JeuneAfrique

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