Africa-Press – Congo Brazzaville. Homme de lettres, magistrat de formation, ex-animateur radio… Nommé mi-mai à la tête du gouvernement, Anatole Collinet Makosso est, depuis quinze ans, réputé proche du couple présidentiel.
Depuis le 12 mai, Anatole Collinet Makosso est Premier ministre de la République du Congo. Et même si la rumeur circulait quelques jours plus tôt – parmi tant d’autres à Brazzaville –, c’est comme la grande majorité de ses compatriotes qu’il a appris sa nomination : en famille, à l’heure du dîner, devant Télé Congo, la chaîne nationale.
En entendant Florent Ntsiba, le directeur de cabinet du président Denis Sassou Nguesso (DSN), prononcer son nom, celui qui est alors encore ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Alphabétisation avoue avoir ressenti « une très forte émotion ». À la hauteur de ses nouvelles fonctions et peut-être plus encore des relations très étroites qui le lient au couple présidentiel depuis bientôt une quinzaine d’années.
Il bachotait il y a encore quelques semaines pour un concours d’agrégation en droit privé Car c’est à un fidèle que le chef de l’État, réélu confortablement début avril, a confié les rênes du premier gouvernement de son cinquième mandat. Celui qui doit permettre au Congo « de reprendre sa marche vers le développement, lancée en 2016 », déclare Anatole Collinet Makosso, comme pour résumer la feuille de route que vient de lui donner le président.
Un vent de fraîcheur
Bien conscient de ses nouvelles responsabilités, ACM, comme l’appellent ses collaborateurs, poursuit une ascension sans tâche et semble apporter, à 56 ans, un vent de fraîcheur sur une scène politique congolaise dont il occupe désormais l’un des tout premiers rangs sans l’avoir vraiment voulu. Magistrat de formation, il bachotait il y a encore quelques semaines pour le concours d’agrégation en droit privé qu’il doit passer en novembre. Avant d’être appelé par le chef au chevet du pays.
Denis Sassou Nguesso (DSN) sait parfaitement à qui il vient de remettre les clefs du gouvernement. Avant d’entrer dans la lumière des projecteurs en devenant ministre de la Jeunesse et de l’Éducation civique en 2011, Anatole Collinet Makosso restait dans l’ombre des cabinets. D’abord, au début des années 1990, en tant que conseiller, puis directeur de celui du préfet de la région du Kouilou, dont ce Vili est originaire. Avant de prendre la tête, le 31 janvier 1998, du cabinet de la première dame, Antoinette Sassou Nguesso, tout en devenant conseiller à la présidence.
D’Antoinette Sassou Nguesso…
Il y a des occasions à ne pas manquer, et ACM a su saisir la sienne, en 1992, lorsqu’il a dû remplacer au pied levé le préfet lors d’une audience avec l’épouse du chef de l’État, alors en visite à Pointe-Noire. S’ensuivit une longue discussion suffisamment remarquée pour provoquer l’ire de son supérieur de l’époque.
Surtout qu’Anatole Collinet Makosso n’appartient pas vraiment au sérail puisqu’il n’est alors même pas membre du Parti congolais du travail (PCT). D’abord instituteur puis professeur de lycée, c’est aux côtés de Jean-Pierre Thystère-Tchicaya et de son Rassemblement pour la démocratie et le progrès social (RDPS) qu’il s’engage officiellement en politique, en mars 1991, « dans la ferveur de la conférence nationale », se souvient-il aujourd’hui. Il met d’ailleurs sur le compte de cette appartenance sa bonne relation avec Antoinette Sassou Nguesso, alors volontiers rassembleuse, quand lui-même montrait déjà des signes d’ouverture.
Je m’improvise journaliste, le temps de calmer l’opinion publique et d’expliquer les enjeux liés au retour du président La deuxième rencontre, en 1995, entre ces deux personnes qui ont également en commun leur jeunesse ponténégrine, ne fait qu’entériner davantage la première impression née quelques années plus tôt. Parti du RDPS, libre de tout mouvement et de tout engagement, ACM est en phase avec celle qui commence alors à préparer activement le retour de son mari pour la campagne présidentielle de 1997.
C’est à cette occasion qu’il rencontre ce dernier pour la première fois, au lendemain de son retour d’exil. Antoinette Sassou Nguesso le fait chercher et, après trois heures d’entretien dans sa résidence de Pointe-Noire, Denis Sassou Nguesso veut s’attacher ses services.
Ce sera chose faite quelques mois plus tard, en octobre, une fois la guerre civile terminée et la situation politique du pays à nouveau stabilisée. Anatole Collinet Makosso rouvre les micros de la radio nationale à Pointe-Noire. C’est Tchicaya qui m’a conçu et Sassou qui m’a développé
« Je m’improvise journaliste pendant une semaine, raconte-t-il, le temps de calmer l’opinion publique et d’expliquer les enjeux liés au retour du président. » Et aussi de se rappeler, à titre personnel, l’époque où il animait sur la même antenne, chaque matin à 6 heures, le « Télex pour la jeunesse », lorsque cette dernière était encadrée de près par le PCT.
Passé l’interlude radiophonique, il se rend à Brazzaville assister à l’investiture du président, avant donc de prendre son poste quelques mois plus tard auprès de la première dame. Il le conserve pendant treize ans, jusqu’à ce qu’on lui attribue en 2011 son premier maroquin, celui de la Jeunesse, puis, en 2016, celui de l’Éducation.
L’occasion de rapprocher, dès 2000, ses deux mentors politiques : « C’est Tchicaya qui m’a conçu et Sassou qui m’a développé. » Le temps surtout de tisser une relation de confiance et de loyauté quasi filiale avec le couple présidentiel et sa famille. Celui qui dispose de « l’oreille de madame » a également participé à un recueil de poésie, en hommage à Edith Lucie Bongo, disparue en 2009, « pour ne pas me faire voler mon chagrin par d’autres », explique-t-il.
Avec Denis Christel Sassou Nguesso, ils incarnent l’atout jeunesse du boss On le dit également proche de son ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso. Qu’importe si la nomination du fils du président a un peu éclipsé la sienne dans les médias internationaux, « ils incarnent tous les deux l’atout jeunesse du boss », constate un observateur local.
Assuré du soutien du chef de l’État, ACM va pouvoir mobiliser « la formidable force de travail » mise en avant par ses proches, « au service du pays », ainsi qu’il dit concevoir la politique. Avec, tout en haut de son agenda, la reprise des négociations avec le FMI destinées à sortir le Congo de son impasse économique actuelle. « Nous devrons montrer notre bonne volonté », assure ce fervent protestant qui sait que sur un tel dossier, les prières ne suffiront pas.
Amoureux des livres dont il tapisse les murs de sa maison, auteur de nombreux essais par le passé, comme cette monographie sur le PCT auquel il est encarté depuis 2011, c’est donc à lui d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de son pays. Et de répondre aux espoirs suscités par son arrivée à la primature auprès de la jeunesse congolaise.