Africa-Press – Congo Brazzaville. Comment repérer au plus tôt l’échappement d’une tumeur (ici des cancers du sein hormono-dépendants métastasés) en détectant l’apparition de nouvelles mutations? En dosant régulièrement l’ADN tumoral circulant (ADNtc) avec une simple prise de sang. Tel est le concept né à l’Institut Curie il y a plusieurs années et qui voit son aboutissement tout juste présenté en séance plénière (une très importante distinction parmi plus de 5.000 communications) lors de la 61e édition 2025 du congrès international du cancer (ASCO), qui réunit du 30 mai au 4 juin à Chicago (États-Unis) près de 40.000 spécialistes internationaux.
Ce travail, l’essai Serena- 6, marque incontestablement une étape importante dans la prise en charge des tumeurs du sein. Il s’agit là du premier essai mondial de phase 3 à utiliser une approche guidée par l’ADNtc pour détecter l’émergence d’une résistance de la tumeur au traitement. Dans ce type de cancers du sein les plus fréquents (65%), dits hormono-dépendants métastatiques , »moins de 5% des femmes présentent une mutation du récepteur aux œstrogènes (ESR1) avant le début du traitement », précise le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie (Paris) et copilote de ce travail mondial. « Par contre, quand la maladie évolue, on sait que cette mutation est alors retrouvée chez 40% des femmes ».
Eclairer plus tôt la décision de changer de traitement
D’où l’idée d’identifier au plus tôt le moment de leur apparition. Car cette mutation s’avère détectable dans le sang par une simple prise de sang, détectant ici l’ADN relargué par les cellules tumorales. Mais attention, à ce stade des recherches, cette technique n’est pas encore utilisable sur un plan diagnostique mais employée strictement pour surveiller l’échappement aux traitements.
François-Clément Bidard, qui travaille de longue date sur le sujet en collaboration avec le réseau Unicancer, avait déjà rapporté cette approche en 2022 dans un essai académique dit PADA -1. Il avait alors démontré que des prises de sang réalisées tous les deux mois permettaient de détecter la mutation avant que celle-ci ne se traduise radiologiquement par une augmentation de la taille de la tumeur, qui, justement en raison de cette mutation, devient alors insensible au traitement, un peu comme avec le phénomène d’antibiorésistance développée par les bactéries.
C’est là que la surveillance rapprochée biologique dépasse celle assurée par l’imagerie, en permettant d’éclairer plus tôt la décision de changer de traitement, avant que la progression de la maladie ne soit visible sur les scanners, effectués environ tous les 3 à 4 mois.
Une solution plus simple et aussi moins coûteuse. Or, depuis la présentation de ce concept, le laboratoire AstraZeneca a proposé de l’appliquer à sa nouvelle hormonothérapie contre le cancer du sein, le camizestrant, une molécule d’une nouvelle classe d’hormonothérapie appelée les SERD.
Et dans l’essai présenté cette année à l’Asco, deux groupes d’environ 150 femmes portant la mutation ESR1 et recevant le traitement standard, une anti-aromatase combinée à un inhibiteur de la prolifération cellulaire CDK4/6, ont été suivis avec une prise de sang tous les 2 à 3 mois. Si le groupe standard a continué le même traitement sans modification, le groupe expérimental a lui vu son hormonothérapie modifiée et a reçu le nouveau SERD.
La biologie dépasse ici la radiologie
Au-delà de la bonne tolérance au traitement, l’essai démontre que pour les femmes du groupe expérimental le risque d’évolution tumorale a diminué de 56%, leur taux de survie sans progression de la tumeur à 12 mois atteignant 60,7 % contre 33,4 % pour le groupe standard. “De plus, on retarde ici l’évolution de la tumeur tout en préservant la qualité de vie des femmes”, insiste le spécialiste. En effet, l’analyse des questionnaires des patientes a montré que cette qualité de vie déclinait environ vingt trois mois après la modification de traitement contre six mois pour celles restées sous traitement standard malgré la présence de la mutation.
Bonne nouvelle: « Ces techniques de PCR qui n’ont rien d’élitiste sont simples et surtout déjà accessibles en pratique, les plateformes de biologie moléculaire existant soit en interne dans les centres anticancer les plus importants, soit en externe pour les autres, précise l’oncologue. Restera toutefois à régler la question de leur remboursement, d’autant que le volume des tests pratiqués est amené à rapidement augmenter ».
Changement donc de paradigme à venir dans la surveillance de l’évolution des cancers du sein, la biologie dépassant ici la radiologie. « Une surveillance par prise de sang environ tous les 4 mois devrait à terme convenir, estime l’oncologue, pour environ plusieurs milliers de nouvelles patientes par an en France.
Nul doute que, très rapidement, cette surveillance biologique bénéficie à d’autres cancers que ceux du sein. Gagner du temps contre le cancer, quelle que soit sa localisation, est un combat permanent.
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