Un lien entre la survenue du diabète de type 2 et certains additifs alimentaires est suggéré par une étude

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Un lien entre la survenue du diabète de type 2 et certains additifs alimentaires est suggéré par une étude
Un lien entre la survenue du diabète de type 2 et certains additifs alimentaires est suggéré par une étude

Africa-Press – Congo Brazzaville. L’étude épidémiologique parue dans Lancet Diabetes & Endocrinology a montré que des personnes qui ont des apports plus élevés en additifs E331, E340, E407, E412, E414, E415, E472e (appartenant à la famille des émulsifiants), à travers une consommation plus importante d’aliments qui en contiennent, auraient un risque plus élevé de diabète de type 2.

Les émulsifiants sont très présents dans les produits alimentaires vendus en France

Les additifs incriminés se retrouvent dans certaines marques de produits alimentaires aussi divers que les glaces, les biscuits, les viennoiseries et les gâteaux emballés, les barres chocolatées, les pains industriels et les biscottes, les margarines et les plats préparés et toute une gamme de produits affichés comme sains, les laits végétaux ou certains yaourts allégés ou protéinés (voir tableau en fin de texte). En fait, les émulsifiants sont très présents dans les produits alimentaires vendus en France, 53,8% en contiendraient au moins un dans la liste de leurs ingrédients, selon l’association Open Food Facts.

En effet, ils sont très utiles pour l’industrie agroalimentaire car ils permettent de mélanger deux liquides non miscibles, tels que l’huile et l’eau. Ils empêchent ainsi, par exemple, l’huile de remonter à la surface d’une pâte à tartiner. Ils maintiennent la texture des crèmes glacées et de nombreux produits laitiers, ou encore ils prolongent la conservation des gâteaux et biscuits vendus sous emballage. En Europe, pas moins de 261 émulsifiants sont autorisés.

Certains ont déjà été pointé du doigt lors de précédents travaux: les E407a, E407, E471 pour des risques associés à certains cancers ; les E407, E414, E433, E466 pour des risques de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ; les E460, E466, ainsi que ceux de la famille des E471 et E472 en particulier le E472b et le E472c, pour des risques plus élevés de maladies cardiovasculaires, et le E339 associé à un risque accru de maladies coronariennes.

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Cette nouvelle étude réalisée par des scientifiques français du laboratoire EREN-CRESS se fonde sur l’analyse répétée des aliments et boissons consommés par des volontaires de la cohorte NutriNet-Santé. Une cohorte est constituée d’un groupe de personnes suivies et étudiées sur le long terme, individuellement, afin d’étudier les facteurs qui déclenchent une ou plusieurs maladies.

Ainsi 104.139 adultes, ayant un âge moyen de 43 ans, dont la majorité sont des femmes (79%), ont enregistré en ligne tous les aliments et boissons consommés pendant au moins deux jours, avec la nécessité de réactualiser leurs données tous les six mois sur 14 ans. Si les participants mangeaient des produits industriels, ils signalaient aussi la marque de l’aliment. “Ces enregistrements ont été mis en relation avec des bases de données afin d’identifier la présence et la dose des additifs alimentaires (dont les émulsifiants) dans les produits consommés. Des dosages en laboratoire ont également été effectués pour fournir des données quantitatives” explique dans leur communiqué à la presse les autrices et auteurs de la publication.

Pourquoi les scientifiques sont-ils obligés de faire des dosages d’additifs ?

Tout un chacun peut le constater: les étiquettes nutritionnelles présentes sur les emballages de nos produits alimentaires préférés indiquent la présence ou non d’un additif, mais jamais sa quantité. De même, il n’est pas obligatoire pour les industriels de divulguer publiquement ces informations.

Ainsi, dans le cadre de l’étude présentée, les scientifiques ont dû réaliser plus de 2000 dosages d’émulsifiants sur des produits consommés par les volontaires.

Cependant, étant donné que tous les aliments ne peuvent pas être analysés, une autre approche consiste à utiliser la dose maximale autorisée par des organismes de régulation, comme l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA). En se basant sur ces valeurs maximales autorisées, les scientifiques peuvent estimer l’exposition potentielle maximale, même si cette méthode peut surévaluer l’exposition réelle des consommateurs.

Cette approche mixte, combinant des analyses directes et des estimations basées sur les normes réglementaires, permet aux chercheurs d’obtenir une vue plus complète de l’exposition aux additifs alimentaires dans la population. Elle souligne également le besoin de plus de transparence de la part de l’industrie agroalimentaire.

Au cours de ce long suivi, 1056 personnes ont développé un diabète de type 2. “Nous avons pu établir une relation entre la survenue de la maladie chez ces volontaires et l’exposition à ces additifs. Par rapport à nos travaux précédents , notre méthodologie a été un peu différente, cette fois-ci nous nous sommes attachés à suivre l’exposition chronique à ces émulsifiants, grâce aux 14 ans de relevés alimentaires dont nous disposions” explique Bernard Srour co-auteur de la publication à Sciences et Avenir.

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“Nous avons également pu établir un pourcentage de risque en fonction de l’exposition » complète le scientifique. Ces calculs ont notamment révélé que pour les émulsifiants de la famille des carraghénanes, la dose journalière admissible (DJA) de 75 mg/kg autorisée par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments ne suffirait peut-être pas à protéger le consommateur, puisque des associations avec le risque de diabète ont été identifiées même en dessous de ce seuil.

Pour les 6 autres émulsifiants nommés dans l’étude, l’EFSA n’a pas émis de contraintes. Ces travaux apporteront donc des éléments utiles s’il était nécessaire d’établir des doses maximales plus restrictives.

Dans quels produits trouve-t-on les additifs mentionnés par l’étude française ?
E415/ Gomme xanthane: 14 649 produits répertoriés par Open Food Facts: salades ( type carottes râpées, choux blancs, céleri…), boissons végétales, pains, biscuits et gâteaux sous emballage, glaces, sauces et condiments, poissons en conserve, crèmes dessert… Pour un liste plus complète rendez-vous sur le site Open Foods Facts

E412/ Gomme du Guar: 11 795 produits répertoriés par Open Food Facts: crèmes glacées, yaourts ( de type protéiné ou allégé), desserts lactés, laits végétaux (amande, avoine, soja, coco), sodas, sauces et condiments, conserves de poissons, viennoiseries et pains en sachet, plats cuisinés… Pour un liste plus complète rendez-vous sur le site Open Foods Facts

E407 / Ensemble des carraghénanes : 10 646 produits répertoriés par Open Food Facts: desserts à base de soja, des yaourts type skyr, des steaks végétaux… Pour un liste plus complète rendez-vous sur le site Open Foods Facts

E331 / Citrates de sodium: 8 175 produits répertoriés par Open Food Facts: yaourts (végétaux, protéinés, aux fruits… ) , biscuits ( madeleines), gâteaux sous sachet , boissons (sucrés, sodas, énergisantes, à base de thé, de café) , bonbons, spécialités fromagères, plats cuisinés, nouilles instantanées, céréales pour petit-déjeuner…Pour un liste plus complète rendez-vous sur le site Open Foods

E414 / Gomme d’acacia : 4 301 produits répertoriés par Open Food Facts: Biscuits ( allégés en sucre ou non), Bière, boissons sucrées, bonbons, chocolat, nouilles instantanées… Pour un liste plus complète rendez-vous sur le site Open Foods Facts

E340/ Phosphate de potassium: 893 produits répertoriés par Open Food Facts: Laits végétaux , soupes en sachet, céréales petit-déjeuner, nouilles instantanées , desserts lactés, café et chicorée soluble, préparation à boire à base de café ou chocolat, gâteaux emballé, boissons sucrées et énergisantes… Pour un liste plus complète rendez-vous sur le site Open Foods Facts

E472 e/ Esters d’acides gras alimentaires : 140 produits répertoriés par Open Food Facts: Pains, viennoiseries, gâteaux, beignets en sachet , barres de céréales , sandwichs emballés, sauces, céréales pour petit-déjeuner, bonbons…Pour un liste plus complète rendez-vous sur le site Open Foods

Comme le rappellent eux-mêmes les scientifiques dans leur communiqué de presse, ces travaux épidémiologiques se basent sur des études observationnelles pour identifier des associations. Elles doivent être complétées par des études expérimentales (par exemple sur des souris soumises à un régime riche en additifs), pour plus d’arguments en faveur de la causalité. “Il faut une accumulation de preuves épidémiologiques, expérimentales, interventionnelles pour que le constat de cette étude puisse ensuite être traduit dans la réglementation, ou dans des politiques de prévention”, précise Bernard Srour.

Attention aux “facteurs de confusion”

En fait, si les épidémiologistes ont pris en compte ce qu’ils appellent “les facteurs de confusion”, des facteurs qui pourraient biaiser leurs résultats, il se peut qu’un facteur extérieur non identifié leur ait échappé. Cependant, Bernard Srour rappelle que “dans le cas de ce travail, de nombreux facteurs de confusion ont été pris en compte, tels que les facteurs de risque bien connus notamment l’âge, le sexe, le poids, le niveau d’éducation, les antécédents familiaux, le tabagisme, la consommation d’alcool, les niveaux d’activité physique, ainsi que la qualité nutritionnelle globale de l’alimentation (par exemple, les apports en sucre, en sel, en énergie) et le statut ménopausique.”

Autre limite de cette étude: les volontaires ne sont pas un échantillon représentatif de la population française. L’inscription à NutriNet-Santé se fait sur la base du volontariat et les participants sont plutôt des participantes, avec un niveau d’éducation plus élevé et des comportements alimentaires globalement plus sains que la plupart de nos concitoyens.

Il se pourrait donc qu’à l’échelle de la population française, le risque soit plus élevé. En effet, la consommation des produits industriels, et notamment des produits ultra-transformés, est en augmentation en France: on estime qu’entre 30 et 35 % des calories ingérées par les adultes proviennent de ces aliments.

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Des efforts sur les préparations pour nourrissons

Interrogé sur les autres limites de l’étude Bernard Srour constate: “Il nous manque des biomarqueurs, qui nous permettraient de déceler dans l’organisme, la présence de ces émulsifiants d’une manière objective. De fait, l’état actuel de la science ne permet pas d’identifier des biomarqueurs sanguins ou urinaires de l’exposition à ces additifs. Mais nos enquêtes alimentaires déclaratives, répétées et détaillées nous ont permis de limiter ce biais.”

Des travaux expérimentaux et cliniques sont en cours pour confirmer les hypothèses de cette étude. Déjà, pour les carraghénanes, les preuves s’accumulent. Ainsi, le JECFA (Comité d’experts FAO/OMS sur les additifs alimentaires) a décidé de diminuer les doses autorisées de cet émulsifiant dans les préparations pour nourrissons. Cet ajustement reflète une prise de conscience timide des potentiels risques associés à certaines doses d’additifs alimentaires utilisées couramment.

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“En attendant de nouveaux résultats scientifiques et une réévaluation de la réglementation européenne pour certains émulsifiants, s’il y a un message à faire passer au grand public, c’est de privilégier la consommation quotidienne d’aliments non transformés”, conclut pour Sciences et Avenir Pauline Raoul, autrice d’une synthèse sur les émulsifiants pour la revue Foods.

Additif alimentaire

Diabète de type 2

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