Africa-Press – Congo Brazzaville. C’est une difficulté dont les professionnels de santé aimeraient bien se passer. Les vaccins tendent à moins bien fonctionner chez les personnes âgées et pourtant, ce sont elles qui ont le plus besoin d’une protection face aux maladies. Les médecins avaient beau avoir remarqué ce phénomène depuis longtemps, on ne comprenait toutefois pas pourquoi les seniors montrent une réponse moins efficace aux vaccins. Pour la première fois, une importante étude révèle ce qui se passe dans l’organisme des aînés. Une découverte cruciale qui devrait permettre le développement de vaccins plus efficaces, spécialement destinés aux seniors.
Avec l’âge, tout un tas de changements surviennent dans le corps. Et le système immunitaire n’est pas épargné. En particulier, les lymphocytes T, un type de globules blancs chargés de nous protéger des agressions extérieures. Les lymphocytes T ont pour mission « d’entraîner » d’autres cellules, les lymphocytes B, à produire des anticorps. Mais avec l’âge, ces « coachs » de notre système immunitaire finissent par fatiguer. Certains changements épigénétiques – liés à l’expression des gènes – modifient la façon dont ils répondent à une menace.
Les vaccins ont beau être efficaces et avoir été mis au point convenablement, le corps n’est plus capable de répondre aussi bien qu’avant. « Ajouté à cela, les lymphocytes T diminuent numériquement avec l’âge. Cette perte des lymphocytes T est emblématique du vieillissement immunitaire », complète auprès de Sciences et Avenir la Dr Claire Gustafson, immunologue au Allen Institute, qui signe ces travaux dans Nature.
Une « feuille de route » immunitaire
Pour comprendre ce qui se passe dans notre système immunitaire au fil du temps, une équipe du Allen Institute a suivi 96 adultes en bonne santé, âgés de 25 à 96 ans, pendant plus de deux ans. Un « profil » du système immunitaire a pu être établi pour chacun d’entre eux.
Combinés tous ensemble ces 96 profils ont permis de mettre au point un atlas de la santé immunitaire humaine. Une carte qui regroupe 71 types de cellules immunitaires différentes et qui illustre leurs changements au fil du temps. Cette carte, une sorte de « feuille de route » immunitaire, a ensuite été appliquée à plus de 16 millions de cellules immunitaires d’adultes en bonne santé, âgés de 25 à 90 ans. Une façon de mieux comprendre comment les cellules immunitaires changent avec le temps chez chacun d’entre nous.
Les résultats montrent que les lymphocytes T dits « naïfs », qui n’ont encore jamais rencontré d’antigène, modifient leur réponse avec l’âge. Au début de la vie, ils favorisent une réponse appelée Th1, dirigée contre les pathogènes cachés dans les cellules, comme les virus, les bactéries ou les parasites. Mais avec l’âge, ils basculent vers une réponse Th2. Celle-ci est plutôt dirigée vers les parasites, les toxines ou les allergènes. Cette découverte laisse entrevoir comment mieux élaborer un vaccin spécifiquement destiné aux seniors.
Bientôt des vaccins destinés aux seniors?
Au lieu d’utiliser le même vaccin pour tous, les chercheurs pourraient les reformuler afin de compenser de façon spécifique les changements cellulaires liés à l’âge. « Il faudrait concevoir un vaccin capable d’intensifier ou de provoquer une réponse Th1 chez les lymphocytes. Cela permettrait d’améliorer la réponse de tous les vaccins que nous recevons de façon régulière au cours de notre vie, à l’instar des vaccins contre la grippe », explique la chercheuse.
Les lymphocytes T pourraient aussi être « reprogrammés » sur le plan génétique – avec des outils comme Crispr-Cas9 – afin de réinitialiser les cellules immunitaires âgées. Elles répondraient alors aux vaccins comme le feraient des cellules plus jeunes. C’est déjà ce que fait la thérapie CAR-T, qui reprogramme les cellules immunitaires pour combattre le cancer.
Au-delà des vaccins, ces nouveaux éléments en disent long sur notre système immunitaire. Ils pourraient s’avérer utiles pour lutter contre les maladies liées à l’âge, comme le cancer ou les maladies auto-immunes telles que la polyarthrite rhumatoïde. Ou encore aider à concevoir des traitements en lien avec l’immunité: les immunosuppresseurs, les immunomodulateurs, les immunothérapies dans le cancer et ainsi de suite.
L’équipe du Allen Institute a déjà lancé ses prochains travaux. « Nous avons remarqué que chez les individus en bonne santé, le système immunitaire trouve des points d’équilibre auxquels il aime bien rester. Nous aimerions savoir combien de temps il peut rester stable comme ça. Deux ans, cinq ans, dix ans? Et voir si cette stabilité est la même à tous les âges », confie Claire Gustafson. En attendant, la meilleure façon de se protéger contre les maladies qui circulent reste de se vacciner. Et ce, même lorsqu’on est un senior.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Congo Brazzaville, suivez Africa-Press





