Africa-Press – Congo Kinshasa. Outre le volume et la surface, la géométrie de notre cerveau et les formes complexes que prennent ses régions sont liées à son fonctionnement – et, probablement, son dysfonctionnement -, conclut une étude publiée dans la revue Science Advance. Les chercheurs y identifient 80 séquences génétiques fortement liées à la structure de notre cerveau.
« La moitié des gènes humains sont probablement impliqués dans le développement et le fonctionnement du cerveau », révèle Kaustubh Patil, spécialiste en apprentissage automatique et informatique appliqué aux neurosciences à l’Université Heinrich Heine de Düsseldorf (Allemagne), et qui a dirigé ces travaux.
Cette étude a ainsi révélé 80 séquences génétiques qui modulent la forme de 22 structures cérébrales (toutes, sauf le cortex) en se basant sur près de 20.000 génomes de la base de données britannique UK Biobank. « Cela suggère un impact génétique complexe sur la morphologie », ajoute le chercheur.
Parmi ces séquences, 37 sont spécifiquement liées au tronc cérébral, qui assure notamment les fonctions motrices et respiratoires essentielles de l’organisme. « Nous ne savons pas exactement pourquoi autant de séquences sont liées au tronc cérébral. Il est possible que cela soit lié à sa forme plutôt complexe. »
« La génétique et l’environnement déterminent tous deux la structure du cerveau, comme l’ont montré certains travaux antérieurs. Mais la base génétique exacte des formes macroscopiques des régions cérébrales mesurées par IRM n’avait pas été explorée auparavant, et c’est ce que nous avons fait dans cette étude », explique Kaustubh Patil.
Jusqu’à présent, seuls le volume et la surface du cerveau avaient été étudiés. Or, les structures du cerveau humain présentent une grande variété de formes, de l’amygdale (impliquée dans les émotions) la plus sphérique, à l’hippocampe (impliqué dans la mémoire), le plus allongé. « Les mesures de base telles que le volume et la surface ne permettent pas de saisir correctement les détails nuancés de ces formes et ne fournissent donc pas une description suffisante de leur morphologie », diagnostiquent les chercheurs.
Une méthode semblable à la capture des vibrations d’un tambour
Mais comment modéliser des formes organiques et irrégulières? La méthode choisie est complexe, nouvelle et fait appel à un modèle informatique appelé spectre de l’opérateur de Laplace-Beltrami (LBO). « Il permet de quantifier la forme dans une séquence de nombres qui peuvent ensuite être soumis à des études d’association à l’échelle du génome », explique Kaustubh Patil. Les chercheurs obtiennent ainsi un ensemble de valeurs permettant de décrire et caractériser des détails morphologiques que le volume ou la surface ne sont pas en mesure de décrire.
Pour illustrer cette technique, Kaustubh Patil utilise l’image des vibrations d’un tambour. « Les vibrations ou les fréquences produites par un tambour dépendent de la forme de sa membrane. Ainsi, un tambour rond et un tambour carré produisent des sons différents lorsqu’ils sont frappés. Dans notre cas, nous ne produisons pas de sons, mais nous utilisons des ‘vibrations’ mathématiques (appelées ‘fonctions propres’) et enregistrons leurs fréquences (appelées ‘valeurs propres’) pour saisir la forme des régions cérébrales. »
De potentiels marqueurs de diagnostic précoce utilisables à l’imagerie
Au-delà de l’intérêt scientifique de ces découvertes, elles ont également une portée clinique. « Nos études ont identifié des associations entre les formes et les dispositions génétiques pour certaines maladies », telles que la maladie d’Alzheimer, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des maladies psychiatriques telles que la schizophrénie, cite Kaustubh Patil. « Par exemple, nous avons identifié le gène MAPT comme étant associé à la forme du tronc cérébral. Ce gène a déjà été associé à des maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. »
Pour l’instant, ces associations ne peuvent pas déterminer de causalité entre gènes et la susceptibilité à ces pathologies. « Notre cohorte comprenait des personnes présentant des dispositions génétiques élevées, mais aucune n’a fait l’objet d’un diagnostic établi. Les anomalies de forme pourraient donc potentiellement être des caractéristiques précoces des maladies, mais d’autres études sont nécessaires pour l’établir », conclut Kaustubh Patil.
Des biomarqueurs liés à la forme cérébrale qui pourraient être scrutés en imagerie cérébrale afin d’être potentiellement utilisés pour le diagnostic précoce de maladies neurodégénératives ou psychiatriques.
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