Africa-Press – Congo Kinshasa. Condamné, disparu, mais réapparu comme par magie aux côtés d’un autre miraculé de la politique congolaise. Coïncidence? Ne soyons pas cyniques… soyons réalistes. Ils avaient disparu. Evaporés. Comme aspirés par un trou noir judiciaire et médiatique après leur condamnation pour des détournements de fonds qui, à l’échelle de la RD Congo, relèvent presque de la menuiserie.
Augustin Matata Ponyo, l’ancien Premier ministre, l’économiste respecté par les institutions financières internationales, était devenu un fantôme. Plus un bruit, plus une image. On se demandait presque, avec une feinte inquiétude, s’il n’avait pas été victime d’un sortilège. Mais rassurez-vous, chers amis observateurs de la farce tragique qu’est la politique congolaise. Le fantôme a choisi de se matérialiser.
Et devinez où? Non pas dans un tribunal pour faire appel de sa condamnation. Non pas dans une conférence de presse pour clamer son innocence. Non, rien de si trivial. Il est réapparu à Nairobi. Au Kenya. Et à ses côtés, autre symbole d’une époque révolue mais qui refuse de passer la main: Joseph Kabila. Le hasard fait décidément bien les choses. Ou plutôt, le calcul politique fait encore mieux.
La photographie qui circule est un chef-d’œuvre de sous-texte. On y voit Matata Ponyo, le sourire un peu crispé de celui qui tente de paraître détendu en exil, aux côtés de Joseph Kabila, dont le visage de marbre en dit long sur les stratégies d’arrière-garde. Deux hommes, deux poids lourds, deux condamnés par l’opinion ou par la justice (ou les deux), qui trouvent dans un salon nairobien le terrain fertile pour une résurrection politique.
Que s’est-il dit lors de ces retrouvailles? A-t-on évoqué les bons vieux temps où les finances publiques étaient un jeu de Monopoly à ciel ouvert? A-t-on planifié la suite, un front commun pour “sauver le Congo” de ceux qui, aujourd’hui, le dirigent avec une maladresse, selon certains critiques et observateurs, qui fait presque regretter l’ère précédente? La comédie est si transparente qu’elle en devient insultante.
La leçon est savoureusement amère: dans la haute politique congolaise, la condamnation n’est qu’une péripétie, une formalité encombrante qui nécessite une courte période de mise en retrait. Le vrai travail, celui des alliances, des combats d’influence et de la préparation des retours en grâce, se fait ailleurs, loin du regard des citoyens lambda qui, eux, doivent supporter les conséquences de ces gigantesques magouilles.
Matata Ponyo, l’homme qui devait incarner une certaine rigueur technocratique, choisit donc de se ranger sous la bannière de l’ancien pouvoir, celui-là même dont il était issu. Son retour sur scène n’a rien d’une quête de rédemption judiciaire. C’est un coup d’échecs. Un mouvement calculé pour signifier qu’il reste un acteur, qu’il a des amis, et que la justice de Kinshasa peut bien le condamner par défaut, les vrais deals se font sur d’autres terres.
Quant à Joseph Kabila, il trouve en Matata Ponyo un allié de poids, une caution intellectuelle et une preuve que son camp n’est pas seulement peuplé de nostalgiques, mais aussi d’esprits éclairés prêts à revenir au premier plan. Alors, que doit penser le Congolais ordinaire, qui peine à trouver de quoi nourrir sa famille dans un pays ravagé par des décennies de prédation? Il doit sans doute admirer le cynisme de ces élites.
Hier, ils vidaient les caisses de l’État. Aujourd’hui, condamnés, ils se pavanent en exil, tissant de nouvelles alliances pour, peut-être demain, revenir en sauveurs. La boucle est bouclée. La farce continue. Et le peuple, une fois de plus, joue le rôle du public qui a payé sa place pour un spectacle dont il ne verra jamais la fin… parce qu’il n’y a pas de fin, juste un éternel recommencement.
Augustin Matata Ponyo n’a pas disparu. Il était simplement en coulisses, en train de répéter son prochain acte. Et à voir le sourire sur la photo de Nairobi, il doit être plutôt confiant.
TEDDY MFITU, Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Congo Kinshasa, suivez Africa-Press