Africa-Press – Congo Kinshasa. Suspendu par le gouvernement et menacé de dissolution, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila n’a visiblement pas dit son dernier mot. Contre toute attente, son secrétaire permanent, Emmanuel Ramazani Shadary, a tenu mardi 11 novembre 2025, une réunion stratégique avec les communicateurs du parti, sous l’œil attentif de Lucain Kasongo, l’un des cadres de cette formation politique.
La rencontre, organisée au mépris des mesures gouvernementales interdisant toute activité politique du PPRD, sonne comme un véritable acte de défiance à l’égard du régime Tshisekedi. Dans une atmosphère décrite comme studieuse et combative, Shadary a donné des « orientations claires et précises » face aux « enjeux politiques actuels », réaffirmant ainsi la détermination de l’ancien parti présidentiel à ne pas se laisser effacer sur la scène nationale.
Le défi de trop?
Les communicateurs du PPRD, galvanisés par leur hiérarchie, ont pris un engagement solennel: « défendre coûte que coûte l’intégrité de la Constitution du 18 février 2006 », celle-là même héritée de l’ère Kabila et dénoncer les « dérives dictatoriales » du régime actuel. Dans la foulée, ils ont réaffirmé leur soutien au dialogue inclusif proposé par la CENCO et l’ECC, conformément aux 12 recommandations de Joseph Kabila Kabange, président honoraire et figure tutélaire du parti.
Pour le clan Kabila, cette initiative s’inscrit dans une logique de « paix durable », mais pour le pouvoir en place, elle ressemble plutôt à une manœuvre politique habile visant à ressusciter l’influence déclinante de l’ancien régime. Car derrière les mots apaisants de « dialogue » se cache une stratégie: celle d’un retour méthodique du PPRD dans l’arène politique, malgré son interdiction.
Un parti suspendu, mais indomptable
Cette réunion du 11 novembre a tout d’un symbole. Elle intervient quelques semaines seulement après la décision du gouvernement suspendant 12 partis de l’opposition dont le PPRD pour « atteinte à la sécurité nationale » à la suite de leur participation au conclave de Nairobi. Ce conclave, présidé par Joseph Kabila, avait vu naître le mouvement « Sauvons la RDC », présenté comme une plateforme de résistance politique face à ce que ses initiateurs qualifient de « tyrannie institutionnelle ».
Kinshasa, de son côté, a vu rouge. En plus de la suspension, le gouvernement a saisi le Conseil d’État pour obtenir la dissolution pure et simple de ces formations. Une mesure radicale qui illustre la crispation d’un régime de plus en plus intolérant à la moindre évocation du nom Kabila. « Le régime Tshisekedi ne veut même pas entendre parler de lui », confie un analyste politique joint à Kinshasa.
En persistant à réunir ses cadres, Shadary prend un risque calculé: celui de replacer le PPRD au cœur de l’actualité, en s’érigeant en symbole d’une opposition persécutée mais résolue. À ses yeux, la suspension n’est qu’une «provocation liée aux échecs d’une mauvaise gestion et à une incompétence notoire », selon ses propres mots. « Nous restons debout, dans le strict respect des lois de la République », avait-il martelé, défiant ouvertement les injonctions du pouvoir.
Ce ton martial, emprunté à l’ancien ministre de l’Intérieur, est considéré comme un avertissement: le PPRD refuse de mourir politiquement. Derrière lui, un appareil militant resté fidèle à Kabila se mobilise dans l’ombre, convaincu que « la reconquête du pouvoir par la voie démocratique » est non seulement possible, mais inévitable.
Un bras de fer inévitable
Tout semble désormais indiquer que le climat politique congolais s’achemine vers un nouveau bras de fer. D’un côté, un pouvoir décidé à neutraliser toute résurgence kabiliste. De l’autre, un parti historique, blessé mais combatif, qui s’accroche à l’héritage de son fondateur et tente de se réinventer en force de résistance.
Le gouvernement, par la voix du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, justifie ces suspensions par la nécessité de « préserver l’unité nationale et la sécurité du territoire ». Mais pour de nombreux observateurs, cet argument sonne creux. Jean-Claude Katende, figure de la société civile, y voit une « atteinte grave à la démocratie ». Quant à Delly Sessanga, il parle de « mesures arbitraires » et d’une « violation flagrante de la Constitution
Dans les couloirs du PPRD, l’heure n’est pas à la résignation mais plutôt à la stratégie. Le mot d’ordre est clair: « tenir et résister ». La réunion de quatre heures, débutée à 14h pour s’achever à 18h, a été très significative. Les communicateurs, désormais en première ligne, s’apprêtent à livrer la bataille médiatique, déterminés à occuper l’espace public, à défendre « l’héritage de Kabila » et à exposer ce qu’ils qualifient de « dérive autocratique du régime actuel »
Une opposition au bord du gouffre, mais pas morte
Alors que l’exécutif resserre l’étau, les signes d’une résistance organisée s’enchaînent. L’ombre de Kabila plane toujours sur la scène politique congolaise, rappelant au régime Tshisekedi que l’histoire récente du pays ne peut se réécrire sans lui.
Le PPRD, tel un phénix obstiné, renaît de ses cendres à chaque tentative d’étouffement. Et cette fois, à travers la voix de Shadary, il semble prêt à jouer sa survie dans un combat de légitimité politique.
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