Africa-Press – Congo Kinshasa. L’inculpation en France de l’ancien chef de guerre congolais Roger Lumbala Tshitenga marque un tournant majeur pour la quête de justice des survivants des atrocités commises lors de la Seconde Guerre du Congo. Le 6 novembre 2023, trois juges d’instruction français ont mis en examen l’ex-leader du Rassemblement Congolais pour la Démocratie Nationale, RCD-N en sigle, pour complicité et complot en vue de commettre des crimes contre l’humanité, notamment meurtres, tortures, viols, pillages et réduction en esclavage, y compris l’esclavage sexuel.
Cette décision, saluée comme une étape historique vers la justice par la Clooney Foundation for Justice (CFJ), TRIAL International, Minority Rights Group (MRG) et l’ONG congolaise Justice Plus, ouvre la voie, selon les observateurs, à un procès très attendu devant une cour d’assises française, probablement en 2025.
Roger Lumbala est accusé d’avoir participé aux atrocités commises entre 2002 et 2003 lors de l’opération militaire « Effacer le tableau », menée dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Cette campagne visait à contrôler des zones stratégiques riches en ressources naturelles. Selon l’instruction, Lumbala aurait soutenu matériellement les troupes du RCD-N et autorisé des attaques systématiques contre des civils.
Après cette période, il avait intégré le gouvernement de transition comme ministre du Commerce entre 2003 et 2005.
Malgré des avancées récentes dans les poursuites de crimes graves en RDC, l’impunité reste totale pour les massacres commis avant 2003. La Seconde Guerre du Congo, soit celle de 1998-2003, qui a causé plus d’un million de morts, selon différents rapports, n’a jamais donné lieu à une véritable justice nationale.
La mise en accusation de Lumbala constitue donc un signal fort. « Il existe des preuves suffisantes pour juger Roger Lumbala », affirment les organisations engagées dans le dossier, qui rappellent que c’est la première fois qu’un ressortissant congolais de ce rang est jugé à l’étranger pour des crimes contre l’humanité commis en RDC.
La justice française agit en vertu du principe de compétence universelle, qui permet de poursuivre les auteurs de crimes les plus graves, quel que soit le pays où ils ont été commis. Présent en France depuis plusieurs années, où il a même demandé l’asile, Roger Lumbala remplissait les critères nécessaires pour l’ouverture d’une enquête, affirme un expert en droit international.
Plus de vingt survivants ont été auditionnés en France, admis comme parties civiles dans la procédure. CFJ, TRIAL, MRG et Justice Plus ont travaillé ensemble pour identifier et soutenir les victimes, en particulier des minorités et des peuples autochtones, qui ont longtemps été réduits au silence.
Les organisations engagées disent saluer unanimement la portée symbolique et judiciaire de ce procès. « Ce procès représenterait une opportunité sans précédent pour les victimes congolaises, les survivants et leurs communautés », souligne Daniele Perissi, responsable du programme Grands Lacs chez TRIAL. Il rappelle qu’aucun tribunal national n’a encore jugé de telles atrocités commises durant cette période.
Yasmine Chubin, directrice du plaidoyer juridique du programme The Docket (CFJ), insiste sur le rôle central des victimes dans l’avancement de l’enquête. « Le courage exceptionnel des survivants et leur détermination ont été déterminants. Leurs témoignages ont joué un rôle crucial dans la mise en accusation», declare-t-elle.
Pour Samuel Ade Ndasi, de Minority Rights Group, ce procès est un moment charnière. « C’est un moment historique pour le peuple autochtone Bambuti ; sa voix sera enfin entendue sur la scène internationale», dit-il.
Xavier Macky, directeur de Justice Plus, y voit un espoir concret. Selon lui, « le procès de Lumbala représente une lueur d’espoir pour les victimes congolaises qui attendent justice depuis plus de vingt ans». Il dit espérer que cette dynamique encouragera le gouvernement congolais à accélérer sa stratégie de justice transitionnelle.
Alors que le procès s’approche, la situation dans le Nord-Kivu et l’Ituri demeure critique. L’état de siège, déclaré pour lutter contre les groupes armés, continue d’exposer les populations civiles, notamment les survivants des violences du RCD-N, à de nouvelles menaces. Les ONG alertent sur la vulnérabilité des minorités, des peuples autochtones et des victimes de violences sexuelles, déjà éprouvées par les crimes de 2002-2003.
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