Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Congo Kinshasa. Nous avons tenu à aborder aujourd’hui une question très pertinente, relative à l’utilisation des « Drones » (ces révolutionnaires avions sans pilotes) par les organisations terroristes, particulièrement en Afrique, notamment dans leurs activités criminelles et provocatrices.
En tentant de décortiquer ce sujet, nous avons constaté que de nombreux chercheurs se concentrent désormais sur les possibilités d’utiliser les technologies modernes, en particulier les drones dont nous parlons, dans les activités des groupes armés, et ce, à très court terme, sachant que certains groupes armés les ont déjà utilisés en Irak, en Syrie et au Yémen pour la surveillance et le ciblage, et pour frapper des civils ou des cibles militaires.
Ils les ont testés également pour obtenir des informations sur l’emplacement de l’armée, leur type d’armes ou le mouvement possible des soldats.
À cet égard, les groupes armés se comportent de la même manière que les forces gouvernementales, et leur possession d’une technologie de pointe leur permet de combattre sur un pied d’égalité avec lesdites forces.
Pourquoi les organisations terroristes accordent-elles trop d’intérêt aux Drones ?
Drones de l’armée de l’Air française envoyés au Mali à l’époque
Il faut savoir que les plus grandes organisations terroristes et groupes armés dits « séparatistes » sont basées au Moyen-Orient et en Afrique et tentent de s’emparer d’une partie du territoire dans les régions où elles sont implantées, d’autant plus que la plupart d’entre eux mènent des attaques à longue distance en utilisant une technologie qui leur permet de suivre une cible, ainsi que coordonner les actions entre eux, et l’objectif principal des terroristes étant de surprendre les forces gouvernementales en utilisant, évidemment ces nouvelles possibilités, à savoir les drones, pour infliger le plus de dégâts possible sans utiliser leurs propres forces, et de ramener leurs drones jusqu’où ils se « terrent », en plus, en utilisant les drones les terroristes peuvent également cacher leur identité afin de garder le facteur humain lui aussi caché lors d’une attaque réussie ou non.
En raison de la course technologique et de la concurrence entre pays puissants, les groupes armés sont susceptibles de recevoir des drones alimentés du système d’Intelligence artificielle et le déploiement de cette technologie facilitera l’accès à ces armes pour les terroristes en raison de l’activité de la criminalité organisée à travers les frontières, et en général, la difficulté d’obtenir des drones alimentés par l’IA sera moindre qu’on ne le pense et le prix d’achat à l’avenir sera réduit à un « niveau acceptable » pour, au moins, quelques organisations terroristes qui disposent déjà d’importantes ressources financières pour soutenir leur opérations.
Certaines organisations choisissent d’exercer leur influence et leur terreur et de montrer leur nouveau succès avec une voix forte afin de déclarer à la communauté internationale qu’ils ont de telles armes et qu’ils sont capables de rivaliser avec les armées de l’État, de plus, elles peuvent utiliser leurs premières attaques comme moyen de semer la panique, menaçant les ennemis avec plus de raids en raison de la tendance des groupes armés à démontrer leur présence et leur force, et ils peuvent afficher leurs drones comme un moyen de faire preuve de force et de propagande ou de publier des informations sur leur utilisation sur les réseaux sociaux.
Les organisations essaieront sûrement de mettre la main sur ces types d’armes modernes et en intensité et essaieront toujours d’agir au même niveau que les agences étatiques, afin qu’elles continuent à indiquer leur existence criminelle, donc même des pays entièrement équipés avec les capacités d’une sécurité renforcée peuvent devenir victimes d’attaques meurtrières, ce qui pourrait entraîner des pertes de vie et la destruction d’infrastructures vitales.
Réactions d’organisations officielles internationales
Les drones se caractérisent par leurs prix relativement bas par rapport aux avions et aéronefs conventionnels, en plus de la facilité d’accès à la technologie utilisée pour les fabriquer, ce qui soulève des questions sur l’accessibilité de cette arme dangereuse aux groupes extrémistes.
A ce propos, le Conseil de sécurité avait déjà mis en garde contre l’utilisation abusive des drones en exhortant les membres à « trouver un équilibre entre la promotion de l’innovation d’une part et la prévention » de l’utilisation abusive des systèmes de drones, d’autre part.
De son côté, le Centre d’études stratégiques de l’Afrique a déclaré, dans son rapport publié l’année dernière, que la technologie des drones est susceptible de changer le visage de la guerre en Afrique en raison de sa nature autonome, en plus de la baisse des coûts, notant que certains modèles peuvent être achetés et assemblés à un prix inférieur à 650 dollars américains.
Toujours dans le même contexte, le journal américain « The New York Times » a rapporté que « le groupe nigérian Boko Haram a obtenu des drones et les a utilisés à des fins de renseignement », ajoutant que « les avions de Boko Haram étaient plus avancés que ceux utilisés par le gouvernement lui-même ».
Par ailleurs, le Centre d’Etudes stratégiques Sahara et Afrique au Maroc a déclaré, à travers son directeur Abdelfattah Al-Fatihi, qu’il considère la possession de drones par des groupes armés dans la région africaine du Sahel et du Sahara comme un problème très potentiel, car la région est devenue « le théâtre d’une concurrence internationale pour des procurations entre les grandes puissances, y compris les Etats-Unis et la Russie, et un climat dans lequel leur pouvoir est renforcé ».
Al-Fatihi a confié aux médias que : « Daech et ses groupes affiliés en Afrique augmentent leur influence à un rythme croissant, et que l’augmentation de l’espace régional et de l’espace potentiel pour le commerce des armes peut fournir des capacités matérielles et techniques qui facilitent la question », pour créer un environnement de fabrication ou d’assemblage de drones.
On présume que les activités de ces groupes prospèrent en Afrique, en particulier dans les pays en proie à l’insécurité, à la guerre civile et aux conflits armés, où les groupes armés profitent de la faiblesse des gouvernements et de la fragilité politique et sécuritaire.
Selon le Global Terrorism Index, 7 234 attentats terroristes ont été enregistrés sur le continent africain, où le terrorisme a coûté la vie à 28 960 victimes en 2021, et près de 30 entités terroristes stationnées en Afrique sont inscrites sur la liste des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Selon le spécialiste des mouvements terroristes, Ahmed Ban, « Pendant la période de boom, l’organisation Daech a pu développer des modèles rudimentaires de drones et les utiliser dans certaines attaques en Syrie et en Irak ».
Il a ajouté que : « Cette arme dangereuse est d’une grande importance pour les organisations et les groupes armés, compte tenu de son prix bon marché et de sa facilité de développement, d’autant plus que des groupes comme Daech ont des cadres humains scientifiques de haut niveau, et l’arme elle-même est facile à utiliser dans les tactiques d’attrition, de propagande et de propagation de la terreur et de la peur.
Pour sa part, le journal américain « The New York Times » a déclaré, dans un rapport publié en 2017, être tombé sur des documents comprenant des modèles de drones utilisés par Daech pour collecter des informations et les lieux des opérations de bombardement avec différents types d’explosifs. Le journal a cité des responsables militaires américains à Bagdad disant que l’organisation avait utilisé plus de 80 drones contre les forces irakiennes et leurs alliés.
Une commercialisation généralement peu incontrôlée des Drones
Drones utilisés dans des actions civiles
Bien que la coalition internationale ait imposé une interdiction de vol aux drones commerciaux, l’organisation a surmonté ce problème en introduisant des modifications dans les applications intelligentes et en installant et en réglant des puces électroniques sur les systèmes GPS du drone, selon le rapport du journal américain.
Revenant sur cet épineux sujet, l’analyste militaire et chef de la Fondation Arabe pour le Développement et les Etudes stratégiques, le général de Brigade Samir Ragheb a déclaré aux médias « qu’il existe de nombreux modèles de drones qui sont vendus sur les marchés, et les groupes armés peuvent les obtenir par l’intermédiaire de tiers, en particulier en Afrique, où le crime organisé et l’argent des gangs sont répandus, puis ils sont chargés de armes ».
Quant aux entreprises qui vendent des drones commerciaux à des fins lucratives, explique l’expert militaire, elles ne savent peut-être pas que ces drones sont achetés par des personnes ou des entités intermédiaires qui n’ont pas d’antécédents criminels, et donc les vendent légalement, et de nombreuses ventes sont réalisées à travers des sites de e-commerce.
Concernant la possibilité de fabrication, le général Ragheb estime que « le seul obstacle réside dans l’obtention de la technologie utilisée et la connaissance des méthodes d’installation et d’organisation dans lesquelles les drones sont fabriqués, mais les composants utilisés sont disponibles et vendus légalement à des fins civiles et pacifiques.
Ainsi, les groupes armés sont capables de fabriquer des drones sans faire face à des crises de ressources, s’ils disposent des cadres et des connaissances nécessaires.
A titre d’exemple, « le moteur d’un drone pourrait être un moteur de voiture ou de moto, tandis que le fuselage pourrait être constitué de matériaux tels que les fibres qui sont utilisées dans de nombreux appareils et types d’articles », a-t-il ajouté.
En ce qui concerne les problèmes techniques liés aux programmes de contrôle à distance, Daech et d’autres groupes peuvent passer des contrats avec des techniciens spécialisés par le biais d’intermédiaires ordinaires qui ne sont pas fichés en tant que « terroristes », et en l’absence de leurs cadres, ils peuvent louer les services de programmeurs et spécialistes individuels pour la conception de programmes de contrôle, de puces et de puces électroniques, parce qu’il est très similaire à d’autres programmes utilisés à des fins pacifiques
D’utilisation à des fins pacifiques…vers des fins criminelles
La diffusion de la technologie et le développement rapide de la numérisation, à partir de l’utilisation des médias sociaux, en passant par le piratage numérique, à la mobilisation d’armées électroniques, et en passant par l’utilisation d’avions téléguidés (sans pilote), ont fourni une variété de moyens utilisés par les groupes armés pour atteindre leurs larges objectifs. Et si les premiers moyens se limitaient au recrutement de membres de différents pays du monde par la polarisation et l’incitation à commettre des crimes parfois suicidaires, ainsi qu’à la collecte d’informations et de financements, les « Drones » mènent quant à eux leurs attaques sans avoir besoin d’un élément humain, sans compter l’économie de beaucoup d’efforts et d’argent.
Pour rappel, le Conseil de sécurité de l’ONU a déjà abordé cette question dans un certain nombre de résolutions liées à la lutte contre le terrorisme, dont la dernière en date était la résolution 2617 de 2021, dans laquelle il faisait référence aux « technologies émergentes », sachant que ledit comité onusien vient d’organiser une réunion spéciale sur la « Lutte contre l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes », le vendredi 28 octobre 2022, à New Delhi, Capitale de l’Inde.
La réunion intervient parallèlement à des avertissements internationaux sur la propagation de drones entre les mains de ces organisations sur le continent africain, devenu leur nouveau centre de gravité, où prospèrent des conflits civils et des gouvernements fragiles.
Drones iraniens utilisés par les russes en Ukraine
Après que les drones furent identifiés comme une menace contre l’humanité et les pays par le Conseil de sécurité dans la guerre russo-ukrainienne, et que l’Ukraine a affirmé pour sa part qu’il s’agissait de drones de fabrication iranienne que la Russie a utilisés pour cibler des sites à l’intérieur de son territoire, et que les Houthis les ont utilisés également contre des sites importants en Arabie saoudite, le tour est venu pour l’Afrique après avoir constaté ses dangers à travers des attaques menées par des groupes armés pour perturber les infrastructures ou attaquer des rassemblements humains et des cibles civiles et militaires, et les exploiter comme un outil de surveillance sur le Continent africain.
Plus grave encore, le rôle de ces groupes a commencé à prendre de l’ampleur sous l’effet de ces attentats, ce qui accroît leur ambition de menacer les gouvernements afin d’imposer tout type de changement politique ou de répondre à leurs revendications quelles qu’elles soient.
Les Drones : un marché noir florissant…une arme facile à acquérir !
Le marché des Drones a connu une croissance très rapide au cours de la dernière décennie et leur utilisation s’est limitée à des fins de développement, pacifiques et humanitaires :
• dans les domaines de l’agriculture, dans l’exploitation minière…,
• dans l’acheminement des secours dans les zones de conflit, des zones inondées et des catastrophes naturelles difficiles d’accès,
• dans les opérations de sécurité maritime et la police des frontières,
• en plus des fins de divertissement et son cercle élargi pour attirer les amateurs.
L’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigéria représentent le plus grand marché du continent africain pour les drones dans les secteurs minier et agricole, la plupart des matériaux pour leur fabrication sont légalement disponibles. Sa taille et sa largeur d’environ 0,6 m lui permettaient d’être produit en série et commercialisé à faible coût.
A noter que la demande de drones a augmenté avec l’augmentation des conflits, car il est entré comme un nouvel outil dans les guerres internes et les opérations de contre-terrorisme, contre le mouvement « Al-Shabab » en Somalie, et « Al-Qaïda » en Libye, et dans le conflit libyco-libyen, d’où la réaction de l’ancien envoyé des Nations Unies en Libye, Ghassan Salameh, qui a ainsi décrit cela : « le ciel de la Libye s’est transformé en le plus grand théâtre de guerre de drones au monde ».
A ce propos, un certain nombre de pays développés, menés par les États-Unis, ont levé les restrictions sur les drones à usage commercial, et avec leur amélioration continue et leur travail dans plus d’un domaine, on s’attend à ce qu’ils se déplacent de l’espace aérien vers un autre « sous la surface du l’eau ».
On s’attend donc à ce que l’industrie se développe et se transforme, pour faire ériger un marché noir parallèle au marché régulier, sachant que le volume des profits financiers réalisés par cette industrie y contribue.
Spécimen d’un pack en vente sur Internet
Une arme à double tranchant
Les groupes armés en Afrique de l’Ouest s’efforcent de contrôler leurs tactiques en introduisant des formes de développement numérique dans leur activité, et ont d’abord travaillé pour intégrer les moyens physiques aux moyens électroniques.
Ces groupes déploient des efforts croissants pour exploiter de petits drones commerciaux pour lancer leurs attaques armées, et Boko Haram au Nigéria est un pionnier dans ce domaine, et où le gouvernement nigérian utilise également des drones armés de fabrication chinoise contre Boko Haram, tout en développant ses propres drones domestiques avec le soutien du Pakistan, en plus de Daech et de son organisation rivale dans la région ouest-africaine le groupe « Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin », affilié à Al-Qaïda.
Remarque, les activités de ces groupes s’entremêlent de l’ouest du continent au Mali jusqu’au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Sénégal, au Mozambique, au Nigeria, au Cameroun et au Tchad, jusqu’au l’est au Kenya, en Somalie et en Éthiopie.
Le mouvement « Al-Shabab » et son grand intérêt pour les Drones
Ce mouvement a fait preuve d’une grande utilisation de la technologie, du fait qu’en 2016, il avait enregistré son utilisation de la technologie des engins explosifs et la conception de ses attaques avec des engins explosifs improvisés grâce à l’amélioration des tactiques, des techniques et des procédures sur les Drones, et ce, lors du lancement d’attaques contre le gouvernement somalien. Il a également enregistré une menace dirigée contre le Kenya, exigeant le départ des forces kenyanes de Somalie.
A contribué à cette situation le retrait des États-Unis de Somalie conformément aux ordres de l’ancien président américain Donald Trump, fin 2020, le retrait de la mission de l’Union africaine « AMISOM » et le remplacement de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), ce qui a mis les forces somaliennes face au mouvement « Al-Shabab ».
Alors que la possession et l’utilisation croissantes de drones par les groupes armés constituent une menace pour la sécurité des gouvernements africains, certains d’entre eux ont utilisé les mêmes moyens dans leurs combats contre ces groupes et insurgés.
Ceci a été confirmé, le 29 septembre de cette année, lorsque le gouvernement somalien a annoncé l’utilisation de drones turcs à des fins d’exploration, de reconnaissance et de surveillance, ainsi que dans le cadre des opérations militaires en cours dans plusieurs régions du sud et du centre de la Somalie.
Les inquiétudes du futur
Ces faits indiquent que le prochain champ de bataille entre les groupes armés et les gouvernements sera le résultat de l’expansion de l’utilisation des drones, compte tenu de la possibilité de les acquérir, de les adapter et de les utiliser pour perturber l’infrastructure de l’État concerné.
Et en même temps, la possibilité d’utiliser des drones pour lutter contre le phénomène et répondre aux attaques de ces groupes qui émergent, ce qui signifie la dualité de son rôle, sachant que ce qui peut désormais faire obstacle aux gouvernements, c’est la possibilité de formuler des normes juridiques claires réglementant ces opérations pour des considérations militaires stratégiques autorisées, ou à des fins de développement ou dans le cadre de programmes d’aide humanitaire, comme ceux mis en place par :
• l’UNICEF,
• Secours international,
• le “Programme alimentaire mondial” au Malawi, au Mozambique et dans d’autres, d’être des priorités futures,
• et à son tour, la formulation de lois incriminant l’élargissement de son champ d’application à des fins suspectes.
A noter que certains pays exportant des drones vers l’Afrique intègrent désormais cette industrie dans leur stratégie d’influence et de prestige à l’international.
Comment les pays africains pourraient y faire face ?
Au vu de ce qui précède, notamment la prolifération des « Drones » entre les mains des groupes armés, il importe que les gouvernements africains, en particulier ceux du Sahel et du Grand Sahara, puissent détenir une stratégie et une doctrine claires pour leurs structures de pouvoir et de défense réactive, afin de répondre efficacement aux menaces qui touchent à leur sécurité nationale, régionale, et à cette de tout le Continent africain.
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