Les tentatives successives d’Israël d’infiltrer l’Union africaine à travers le statut d’observateur

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Les tentatives successives d'Israël d'infiltrer l'Union africaine à travers le statut d'observateur
Les tentatives successives d'Israël d'infiltrer l'Union africaine à travers le statut d'observateur

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Congo Kinshasa. La crise résultant des tentatives successives d’infiltration d’Israël au sein de l’UA doit être considérée comme une opportunité pour le Conseil exécutif de l’UA de reconsidérer la réglementation accordant aux entités et organisations non africaines le statut d’observateur auprès de l’UA, et d’examiner la réalité de ce statut et la manière dont il contribue aux objectifs du bloc continental.

L’Union africaine, comme d’autres organisations régionales et continentales, n’a pas été exempte de divisions internes en raison de tentatives de dominer des pays ou des régions et d’imposer une position spécifique et d’autres problèmes.

Pour revenir sur ce qui se passe actuellement, nous ne devons pas oublier qu’Israël a longtemps cherché à reprendre son statut de membre observateur de l’Union africaine (UA), sachant que le pays s’était vu octroyer ce statut par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), jusqu’à ce que cet organisme continental devienne l’Union Africaine en 2002.

Mais la dernière crise au sein du bloc continental africain est survenue après une décision prise par le président de la Commission de l’Union africaine, « Moussa Faki Mahamat », en juillet 2021, d’accorder à Israël le statut d’observateur auprès de l’Union africaine, ce qui a appelé à une résistance et à une opposition farouches d’un groupe de pays qui ont exigé le vote de la résolution lors de la dernière conférence de l’Union africaine tenue en février 2022, dans l’espoir que le vote général des États membres annule cette résolution.

Certes, le président de la Commission de l’UA a rouvert le 6 février dernier la porte à Israël, mais sa décision n’a pas fait l’unanimité.

Cependant, l’Union africaine a décidé de reporter la discussion et le vote sur la question du statut d’Israël en tant qu’observateur dans le bloc de l’unité africaine, en raison de la présence d’autres questions existantes et extrêmement importantes telles que la crise du Corona et ses répercussions sur le continent, ainsi que le retour des coups d’État militaires dans certains pays africains.

Ainsi, la suspension du débat et du vote sur la question signifie une « nouvelle victoire pour la diplomatie israélienne », et signifie également que le sujet sera rediscuté lors du prochain sommet de l’Union africaine en 2023.

A l’issue du dernier sommet, Macky Sall, président du Sénégal et de l’actuelle session de l’Union africaine, a annoncé « la formation d’un comité spécial qui sera composé de huit chefs d’Etat et de gouvernement qui présentera ses propositions au prochain sommet », afin de parvenir à un accord sur la question.

Ce comité comprendra l’Afrique du Sud et l’Algérie, qui se sont opposées à la résolution de «Moussa Faki » d’adopter Israël, ainsi que le Rwanda et la République démocratique du Congo, qui ont soutenu la résolution. Outre le Cameroun, qui a demandé à faire partie du Comité, et le Nigeria, qui a demandé à l’Afrique du Sud de faire partie du Comité.

Il va sans rappeler que l’Afrique du Sud compte parmi les pays historiquement opposés à la présence d’Israël au sein de l’Union africaine, car depuis la fin de l’Apartheid, les dirigeants politiques sud-africains reprochaient régulièrement au gouvernement israélien de mener une politique similaire à celle de l’Apartheid envers les Palestiniens

Retour sur les relations d’Israël avec l’Afrique subsaharienne

Les relations d’Israël avec l’Afrique subsaharienne remontent effectivement à la fin des années 1950 lorsque, en 1957, Israël venait de reconnaître l’indépendance du Ghana. Et en 1958, lorsque l’Agence israélienne pour la coopération internationale au développement « Mashav » fût créée pour soutenir les États africains indépendants émergents. En 1963, la première ambassade d’Israël fût ouverte à Nairobi, au Kenya.

A noter que l’Éthiopie est son principal allié en raison d’intérêts politiques et religieux, malgré la rupture des relations entre les deux pays en 1973 et 1989.

Au niveau de l’Union africaine

L’Organisation de l’unité africaine, qui a précédé l’Union africaine, a accordé à Israël le statut d’observateur, néanmoins, Israël a perdu ce statut et ce prestige lorsque l’organisation continentale a été dissoute en 2002 pour être remplacée par la nouvelle organisation sous une nouvelle parure, à savoir l’Union africaine.

Depuis, Israël a tenté tant de fois de restaurer ce statut avec une opposition menée par l’Afrique du Sud et la Libye sous la direction du colonel « Mouammar Kadhafi », lequel avait menacé de mettre fin au soutien financier libyen si Israël obtenait ce statut. Tant en 2003 qu’en 2016, Israël a demandé sans succès d’obtenir ce statut.

Il suffit de retracer le bilan des visites et des échanges entre Israël et les pays africains, pour en déduire que les relations les plus fortes d’Israël sur le continent sont avec les pays d’Afrique de l’Ouest, du Centre et de l’Est. Israël entretient actuellement des relations diplomatiques avec 46 des 55 États membres de l’Union africaine, et la récente décision de l’Union africaine d’accorder à Israël le statut d’observateur n’était rien d’autre qu’une nouvelle étape pour polir l’image d’Israël et une tentative de renforcer à nouveau ses relations avec le continent.

Pourquoi Israël tient-elle au statut d’observateur auprès de l’Union africaine ?

Pour le comprendre, il faudrait d’abord savoir que les États observateurs de l’Union africaine sont :
• la Palestine,
• la Chine,
• le Royaume-Uni,
• le Koweït,
• les Émirats arabes unis,
• le Mexique,
• le Koweït,
• et la Grèce.

Alors que les pays ayant ce statut n’ont pas la capacité de voter ou de proposer des décisions à l’UA, l’octroi du statut signifie également que le pays qui en bénéficie rejoindra les plus de 90 partenaires extérieurs de l’UA, et aura un accès restreint aux documents de l’UA et siégera en tant qu’observatrice aux réunions lorsqu’elle sera invitée, ce qui lui permettra d’établir des contacts plus étroits avec les décideurs politiques africains et de s’adresser aux participants aux réunions de l’Union africaine, en travaillant avec l’Union africaine conformément à ses principes fondamentaux.


Maroc et Israël : Une relation plus que diplomatique !

En conséquence, il est possible de comprendre pourquoi Israël continue à courir derrière le statut d’observateur auprès de l’Union africaine, car l’Union africaine a accordé ce statut à la Palestine en 2013, ce qui lui a donné plus de grandes opportunités qu’à Israël sur la scène africaine.

Israël a également réalisé récemment que les pays africains représentent un grand bloc aux Nations Unies et dans d’autres organisations internationales, et la majorité de ces pays africains adoptent une position unifiée sur plusieurs questions et votent d’une seule voix dans la plupart des cas.

Ainsi, gagner le soutien de l’Union africaine pour Israël signifie donc une pression facile pour sa position sur la question palestinienne et gagner le soutien des pays africains sur les questions d’intérêt politique aux Nations Unies et dans le forum international, en particulier à la lumière de la fragmentation des vieilles alliances de la guerre froide et la diminution des alliés d’Israël au sein des Nations Unies, d’une part.

D’autre part, Israël essaie de promouvoir ses produits sur les marchés africains et cherche à promouvoir les activités des entrepreneurs et de ses fabricants qui sont actifs sur le continent depuis les années cinquante du siècle dernier. Les entreprises israéliennes ont également remarqué l’engouement africain autour de la nouvelle technologie et le besoin urgent de l’adopter, le manque de concurrence, la facilité d’obtention de licences et la possibilité de contournement et d’infraction à la loi par rapport aux marchés européens et américains.

A prendre en considération également la montée en puissance de la Chine, de la Russie, de la Turquie et d’autres en Afrique, et des gains qu’ils engrangent sur les marchés africains. En plus de ce qui précède, le commerce militaire en Afrique est un domaine important pour Israël, étant donné que certains gouvernements africains recherchent des équipements militaires israéliens, des technologies de surveillance, la collecte de données et la guerre électronique. Cela confirme ce que le ministère israélien de la Défense a révélé qu’en 2016 les exportations militaires israéliennes vers l’Afrique s’élevaient à 275 millions de dollars.

Par ailleurs, comme d’autres ambitions internationales en Afrique, Israël se présente comme ayant des solutions aux défis du continent.

Lors de sa déclaration après avoir obtenu le statut d’observateur, Israël avait déclaré qu’elle utiliserait son nouveau rôle pour aider à « combattre » la crise émergente de la pandémie du Corona et le développement du terrorisme extrémiste à travers le continent africain.

Toutefois, en passant en revue le règne de l’ancien Premier ministre israélien « Netanyahu », on note qu’il avait annoncé un accord avec les États-Unis d’Amérique pour améliorer l’accès à l’énergie et réduire le déficit électrique en Afrique grâce à des solutions innovantes. L’une de ses stratégies dans les pays africains à majorité musulmane qui soutiennent la cause palestinienne consiste à exploiter les occasions religieuses et les conditions de vie pour se rapprocher des communautés locales, comme la distribution de moutons aux musulmans (pour Aïd al-Idh-ha) et de cadeaux pour le mois sacré du Ramadan, ainsi que la création d’emplois et la formation de jeunes cadres.


Le président togolais Faure Gnassingbe et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu

Il convient de noter que certains pays africains ont développé leurs relations avec Israël dans le plus grand secret, tandis que d’autres pays ont ouvertement mené leurs relations avec eux en fonction de leurs besoins, notamment dans le domaine du recours aux technologies israéliennes.

Malgré l’état actuel d’incertitude au sein de l’Union africaine à la suite de la décision « Moussa Faki », des questions subsistent quant à savoir si les opposants à la décision et ceux qui combattent le mouvement israélien au sein de l’Union africaine – comme l’Afrique du Sud et l’Algérie – seront capable ou non d’influencer l’annulation de la décision et de faire avorter les efforts des alliés d’Israël au sein de la masse continentale dans les mois et les années à venir.

De toute façon, la crise résultant de l’affaire doit être considérée comme une opportunité pour le Conseil exécutif de l’Union africaine de reconsidérer les règles d’octroi du statut d’observateur auprès de l’Union africaine aux entités et organisations non africaines, et d’examiner la réalité de ce statut et la manière dont il contribue aux objectifs du bloc continental en Afrique.

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