Africa-Press – Congo Kinshasa. Une justice aux ordres?
Le procès pénal annoncé contre l’ancien président Joseph Kabila n’a rien d’un acte judiciaire neutre. Il intervient dans un contexte où le régime de Félix Tshisekedi, fragilisé politiquement et diplomatiquement, tente de détourner l’attention publique d’une double capitulation: celle de Washington (27 juin 2025) et de Doha (19 juillet 2025).
Deux accords par lesquels Kinshasa reconnaît, de facto, son impuissance militaire à l’Est et entérine un dialogue avec l’AFC/M23, mouvement autrefois qualifié de « terroriste » et de « pantin du Rwanda ».
Deux poids, deux mesures?
Ironie judiciaire: le M23, jadis frappé de condamnations à mort dans le « procès Naanga », se retrouve aujourd’hui partie prenante d’un accord de paix négocié en toute légitimité, tandis que Joseph Kabila est ciblé par une procédure pénale à son absence, devant une juridiction incompétente, en violation manifeste de la loi n°18/021 du 26 juillet 2018 sur le statut de l’ancien Chef de l’État.
Où est la cohérence juridique?
L’article 214 de la Constitution interdit de conclure des accords qui aliènent la souveraineté nationale.
Or, les termes du « Accord de principe de Doha » démontrent un abandon partiel de l’autorité de l’État dans l’Est du pays.
Dès lors, lancer un procès contre un ancien président, pendant que l’on cède aux exigences d’un mouvement armé étranger, pose une question pénale fondamentale: l’État est-il encore maître de sa politique criminelle?
Le procès ou le prétexte?
Tout indique que ce procès vise moins à sanctionner des faits pénalement établis et prouvés qu’à écarter un acteur politique majeur du jeu politique national, au moment où les pressions nationales et internationales poussent vers un « dialogue politique inclusif ».
Un tel usage du droit pénal constitue une dérive autoritaire. Car la justice pénale n’a pas vocation à réguler les rapports de force politiques — c’est là le rôle du dialogue et du compromis démocratique.
Le risque de la justice instrumentalisée
En ciblant à la fois Joseph Kabila, certains prélats catholiques et des opposants, le régime de Kinshasa tente de construire un « camp de la patrie » sous domination présidentielle, en excluant ses contradicteurs politiques.
Mais ce faisant, il s’éloigne de la logique de réconciliation nationale et s’expose à une reconfiguration de l’opinion publique qui veut se servir de la crise n’en déplaise à la population qui en est la victime.
Ainsi, comme dans l’histoire de David et Absalom, la haine du pouvoir filial pourrait bien ressusciter l’autorité du père exilé.
Conclusion ouverte
La justice pénale doit rester l’instrument du droit, et non l’arme de la haine ou de la revanche politique. L’heure est à l’unité national,
au dialogue, à la réforme des institutions, mais non d’une victoire d’un camp contre un autre, ou des règlements de comptes.
Un procès pénal mal intentionné ne fera que précipiter l’histoire dans les bras de ceux qu’on voulait effacer.
Ferdinand Kambere, cadre du PPRD
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