Kinshasa-Kigali-Kampala: au-delà des accolades

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Kinshasa-Kigali-Kampala: au-delà des accolades
Kinshasa-Kigali-Kampala: au-delà des accolades

Africa-Press – Congo Kinshasa. Ça Bouillonne ferme à l’Est de la RDC proche des frontières rwando-ougandaises où une rébellion en provenance de ces Etats voisins avait été défaite en novembre 2013. Né d’une pseudo-mutinerie au sein des FARDC, le M23 était rapidement devenu une redoutable force militaire, réussissant même à prendre le contrôle de Goma durant quelques heures, le 20 novembre de la même année.

A la fin d’une offensive militaire qui lui avait permis d’occuper 700 à 1.000 km du territoire congolais, cette énième rébellion comptait 1.600 combattants qui se rendirent formellement aux FARDC le 7 novembre 2013 après avoir perdu 292 combattants lors d’affrontements avec les forces loyalistes appuyées par la brigade internationale des Nations-Unies.

Depuis le 12 décembre 2013, un accord conclu avec le gouvernement de la RDC mettant fin au mouvement rebelle désormais reconverti en parti politique théoriquement voué aux droits, aux contours extrêmement flous et extensibles à l’infini, de ses membres.

La branche rwandaise du M23

9 ans après, le M23, dont au moins une partie a trouvé asile au Rwanda, revient à la charge. Au pire moment pour la RDC, parce que la résurgence de ses attaques en périphérie de Goma élargit le cercle de l’insécurité dans cette partie du pays.

Mardi 23 novembre 2021, des rebelles du M23 ont attaqué deux positions FARDC à Rutshuru, après que Jomba, Bweza, Kisigari et Rugari eurent été ciblés deux semaines plus tôt. Dans la même contrée, les villages de Ngugo et Nyesisi autour des positions FARDC ont été attaqués et incendiés, selon la société civile locale. C’est dans le cadre de cet activisme militaire attribué par d’aucuns à Kigali qu’a été déplorée, dimanche 21 novembre, l’attaque meurtrière de Bukima.

Le M23, appuyé par des éléments en tenue RDF (Rwanda Defence Force) s’en étaient pris aux éco-gardes du parc national des Virunga, tuant l’un d’entre eux avant d’être repoussés vers Mikeno par les FARDC.

Ce ne fut pas une partie de plaisir. Bukima a été assailli par une centaine d’éléments M23 lourdement armés. «Ces mêmes individus avaient attaqué un poste de patrouille de l’ICCN et quitté leurs camps en direction des localités de Jomba et Bunagana. L’intervention des FARDC, au prix de plusieurs morts dans leurs rangs, avait mis fin au troubles», rapportait un communiqué de l’ICCN, l’organisme en charge de la gestion des parcs nationaux en RDC.

Statu quo ante

La réactivation du statu quo ante sécuritaire à l’Est du territoire de la RDC intervient malgré les efforts manifestes du président Félix Tshisekedi de collaborer avec ses homologues rwandais et ougandais pour le rétablissement de la paix et de la sécurité dans la région. Sa dernière rencontre avec Paul Kagame remonte au 21 juin à Gisenyi et Goma. «Nous avons eu à partager beaucoup de temps de haine, mais maintenant ça suffit», avait déclaré Tshisekedi au cours d’un point de presse conjointement animé avec son homologue rwandais. Les deux hommes ne pensaient sûrement pas de la même manière, à en juger par l’évolution de la situation sécuritaire à la frontière rwando-congolaise ces derniers mois.

On ne peut pas dire que ça va mieux avec l’Ougan dais Yoweri Kaguta Museveni. Même si lui n’a pas encore renvoyé «ses» M23 en RDC. Il reste que le raïs de Kampala n’arrête pas de presser Kinshasa de le laisser fondre à nouveau sur son territoire en vue d’y combattre les ADF, ces rebelles ougandais qui ont pris de l’envergure en s’affiliant à l’Etat Islamique. Museveni l’a dit expressis verbis le 20 novembre dans une allocution publique après une série d’attentats qui ont secoué Kampala ces dernières semaines.

Accusant des cellules ADF de ces actes criminels commis sur son territoire, Yoweri Museveni a annoncé des pourparlers avec son homologue de RDC en vue de combattre les ADF au cœur de leur système, en territoire congolais donc.

Revendications territoriales

Selon toute vraisemblance, l’arrivée de Félix Tshisekedi aux affaires en janvier 2019 n’a pas encore suffisamment rassuré ses voisins rwandais et ougandais, en dépit d’accolades et de belles paroles mutuelles devant les caméras. L’état de siège décrété par le successeur de Joseph Kabila au Nord-Kivu et en Ituri apparaît comme une menace contre les prétentions expansionnistes prêtées ici à Kagame et Museveni.

Des prétentions qui seraient contenues selon certaines sources dans l’Accord de Lemera, conclu entre le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda et l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila en 1996. On lit dans l’article 4 d’une des versions de cet accord signé côté congolais par André Kisase Ngandu, Anselme Masasu Nidaga et Déogratias Bugera que «l’Alliance s’engage à céder 300 km aux frontières du pays, pour sécuriser ses voisins ougandais, rwandais et burundais contre l’insurrection rebelle». Kigali et Kampala n’auraient donc jamais renoncé à leurs intentions d’annexer des pans entiers de la RDC à leurs pays, malgré les confortables rentes que leurs régimes politiques tirent de la prédation et du pillage des ressources naturelles de leur voisin congolais.

Les revendications du M23, exprimées au cours des négociations avec la partie congolaise fin 2013 à Kampala sont éloquentes à cet égard. Elles exigeaient en effet du gouvernement de la RDC de déclarer le Nord-Kivu, l’Ituri, le Sud-Kivu, le Haut-Uélé, le Maniema et le Tanganyika ‘‘zones sinistrées’’ jouissant d’un statut administratif particulier, d’un plan de développement spécial, d’une large autonomie fiscale et financière, d’un programme spécifique de sécurisation afin de concrétiser différents accords régionaux.

Sans compter la sempiternelle question des réfugiés, dont le retour en RDC doit être facilité à travers des mécanismes de réconciliation et de cohabitation pas toujours initiés par la RDC. Le M23 devant se charger du contrôle de cet espace en y menant des opérations contre les FDLR rwandais et les ADF ougandais durant 5 ans renouvelables.

Sur ces préoccupations, que son successeur s’était contenté de «laisser pourrir», Félix Tshisekedi aura réservé plus qu’une fin de non-recevoir en décrétant l’état de siège dans une partie du territoire convoité par ses voisins. La réactivation du M23 pourrait à cet égard être interprétée comme un message clair.

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