Africa-Press – Congo Kinshasa. À Paris, l’accusation a requis vendredi 12 décembre la réclusion criminelle à perpétuité contre l’ancien chef rebelle congolais Roger Lumbala, jugé pour complicité de crimes contre l’humanité commis en 2002-2003 dans le nord-est de la République démocratique du Congo.
L’accusation a requis vendredi 12 décembre à Paris la réclusion criminelle à perpétuité contre l’ex-chef rebelle congolais Roger Lumbala. Il est poursuivi pour complicité des crimes contre l’humanité commis par ses soldats, dont il fut “l’une des têtes pensantes”, il y a près d’un quart de siècle en République démocratique du Congo (RDC).
Pour les organisations de défense des droits humains, ce procès qualifié d’“historique” constitue une occasion rare de remettre en cause l’impunité dont bénéficient les belligérants dans l’est de la RDC. Les combats s’y poursuivent malgré un accord “pour la paix” entériné à Washington début décembre.
L’audience a toutefois été désertée par l’accusé. Âgé de 67 ans et détenu depuis son arrestation en décembre 2020, Roger Lumbala a refusé, dès le premier jour, de comparaître devant la cour d’assises de Paris, qu’il juge illégitime. Le verdict sera rendu lundi 15 décembre.
L’un des avocats généraux, Nicolas Péron, a invité les jurés à ne pas se laisser déstabiliser par cette absence: Roger Lumbala, a-t-il expliqué, fait faux bond uniquement parce qu’il est “devant un problème qu’il ne pensait pas devoir rencontrer un jour, il est devant la justice”.
Exactions massives et violences systématiques
Viols utilisés comme armes de guerre, esclavage sexuel, travail forcé, tortures, mutilations, exécutions sommaires, pillage systématique, racket, captation des ressources (diamants, coltan…): durant un mois, la cour a entendu le récit d’exactions commises en 2002-2003 lors de l’opération “Effacer le tableau”. Cette offensive avait été menée dans le nord-est du pays par le RCD-N, le groupe rebelle de Roger Lumbala, soutenu par l’Ouganda voisin et allié au MLC de l’actuel ministre congolais des Transports, Jean-Pierre Bemba.
Dans la succession de conflits qui ensanglantent la région depuis trois décennies, souvent pour le contrôle des ressources naturelles et avec l’implication de pays voisins comme l’Ouganda et le Rwanda, l’opération “Effacer le tableau” a constitué “un paroxysme d’horreur”, “une orgie sans précédent de violences et de pillages”, a témoigné Hervé Cheuzeville, travailleur humanitaire.
Un homme a ainsi raconté comment son frère avait été amputé de l’avant-bras avant d’être exécuté, après avoir été incapable de manger son oreille sectionnée. Des femmes ont livré le récit de viols commis par des soldats, souvent collectifs et perpétrés sous les yeux de parents, d’époux ou d’enfants.
Les victimes étaient majoritairement nande ou pygmées bambuti, groupes ethniques accusés par les assaillants de pencher du côté d’une faction rivale.
Un procès au nom de la compétence universelle
Mené au titre du principe de la compétence universelle que s’octroie la France pour juger les crimes contre l’humanité, ce procès fera date. Trois chefs de guerre – Thomas Lubanga, Germain Katanga et Bosco Ntaganda – ont certes été condamnés par la Cour pénale internationale.
Mais aucune juridiction nationale étrangère n’a jusqu’à présent condamné pour des atrocités commises dans l’est de la RDC lors de ce que le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, décrit dans son ouvrage “La Force des femmes” comme “le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale”.
Durant l’enquête, Roger Lumbala, éphémère ministre en 2004, s’est présenté comme un responsable politique sans prise sur le champ de bataille.
Faux, a rétorqué l’autre avocate générale, Claire Thouault. Selon elle, Roger Lumbala a rempli “le rôle d’un chef politico-militaire”. Il “avait une position d’autorité” sur ses troupes, se vantait dans la presse de conquêtes militaires, posait en uniforme, tenait des meetings et avait “connaissance des exactions”, pour lesquelles il a d’ailleurs pu s’excuser auprès de la population.
Au-delà de son inaction pour faire cesser les atrocités, il y “a aussi directement participé”, en assurant “un financement pour l’armement et le ravitaillement basique des troupes” grâce au fruit du racket, selon la magistrate.
“Séparer le politique du militaire” relève d’une “escroquerie intellectuelle”, a renchéri Nicolas Péron. L’opération “Effacer le tableau” était “pensée, planifiée, dirigée” par “des politiciens ambitieux”, en lien avec des militaires.
Dans un contexte de négociations à Kinshasa, cette offensive constituait bien la “principale préoccupation de Roger Lumbala et de Jean-Pierre Bemba”. N’ayant pas sa résidence en France, contrairement à Roger Lumbala, ce dernier ne peut être poursuivi dans ce dossier au titre de la compétence universelle.





