Rdc-Rwanda: Pari Risqué de Washington pour Stabilité

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Rdc-Rwanda: Pari Risqué de Washington pour Stabilité
Rdc-Rwanda: Pari Risqué de Washington pour Stabilité

Africa-Press – Congo Kinshasa. Salué comme un « pas important » par la France et une « grande affaire » par le président américain, Donald Trump, l’accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, signé le 27 juin 2025 à Washington, représente une avancée diplomatique majeure. Toutefois, il soulève de nombreuses questions sur sa mise en oeuvre, à cause de ses non-dits, notamment le sort des rebelles du M23 et des intérêts qui ont présidé à sa conclusion.

Fruit d’une médiation américaine, avec l’appui du Qatar, l’accord s’articule autour de plusieurs axes majeurs visant à rétablir la confiance et la stabilité entre les deux nations.

QUE CONTIENT CET ACCORD?

Respect de l’intégrité territoriale et sécurité: le texte repose sur un principe de réciprocité. Il entérine un plan (Conops, du 31 octobre 2024) prévoyant la neutralisation par la RDC des Forces démocratiques de libération du Rwanda, les FDLR, (une milice formée à l’origine de ceux qui ont perpétré le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994) et, en parallèle, le « désengagement des forces et la levée des mesures défensives du Rwanda ». Cette formulation consacre la rhétorique de Kigali, qui présentait sa présence militaire en RDC comme une mesure défensive. Les deux parties s’engagent à ne plus soutenir de groupes armés hostiles à l’autre.

Désarmement et réintégration: l’accord engage Kinshasa et Kigali à cesser « immédiatement et sans condition tout soutien de l’État aux groupes armés non étatiques ». Cela concerne les milices Wazalendo, alliées à l’armée congolaise, comme la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda. Une « intégration conditionnelle » et au cas par cas de combattants dans les forces de sécurité congolaises est évoquée. Elle vise à écarter les individus suspectés de crimes de guerre.

Mécanismes de surveillance: pour garantir l’application du texte, un « mécanisme conjoint de coordination de la sécurité » (JSCM) doit être lancé dans les trente jours. Composé de représentants militaires et du renseignement des deux pays, il se réunira chaque mois. En cas de litige, un « comité de surveillance conjointe » composé des deux parties, des États-Unis, du Qatar et d’un facilitateur de l’Union africaine sera saisi.

Coopération économique: c’est un volet central activement promu par Washington. Les parties s’engagent à lancer sous trois mois un «cadre d’intégration économique régionale ». L’objectif est de sécuriser les chaînes d’approvisionnement en minerais stratégiques (cobalt, coltan, lithium) en créant des partenariats « gagnant-gagnant », pour reprendre des termes préalablement employés par Donald Trump, et en bloquant les circuits de financement illicites.

PENDANT CE TEMPS, UNE AVANCEE JUDICIAIRE POUR LA RDC

Hasard du calendrier ou non, la veille de la signature de l’accord de paix, la RDC a remporté une victoire judiciaire et diplomatique importante. Le 26 juin 2025, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), saisie par Kinshasa en 2023, s’est déclarée compétente pour juger la plainte de la RDC contre le Rwanda.

La RDC accuse son voisin de « violations massives des droits humains », de soutien au M23, de torture et de destruction d’infrastructures. Le Rwanda, qui niait toute implication, avait contesté la compétence de l’instance, mais ses arguments ont été rejetés. C’est la première fois que cette juridiction panafricaine est saisie pour un litige entre deux États. Le Rwanda dispose désormais de quatre-vingt-dix jours pour présenter ses observations sur le fond du dossier.

COMPLEXITÉS ET BÉNÉFICIAIRES: UNE PAIX AUX MULTIPLES ENJEUX

Malgré les espoirs que l’accord de Washington suscite, le succès de celui-ci est loin d’être acquis. La principale inconnue reste la gestion de la rébellion de l’AFC/M23. Le groupe armé, qui contrôle de vastes territoires dont les capitales provinciales Goma et Bukavu, n’a pas pris part aux négociations. Son sort sera abordé lors de pourparlers distincts menés à Doha sous l’égide du Qatar, auxquels les deux États s’engagent à apporter leur soutien. Pour Kinshasa, le pari est que la fin du soutien rwandais entraînera l’effondrement du M23, une stratégie qui rappelle celle de 2013 mais qui ne tient pas compte du fait que le mouvement est aujourd’hui bien plus structuré.

L’accord profite potentiellement à plusieurs acteurs. Il offre à la RDC une voie de sortie diplomatique après des revers militaires et la promesse d’un départ des forces rwandaises. Cependant, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a dû renoncer à sa ligne rouge, celle d’un « retrait inconditionnel », qui liait ce retrait à la neutralisation des FDLR. Le Rwanda, lui, obtient une reconnaissance internationale de ses préoccupations sécuritaires concernant les FDLR: celle-ci est désormais inscrite dans un accord formel. Le retrait de ses troupes devient conditionnel et non immédiat.

Les États-Unis, eux, enregistrent une victoire diplomatique notable. Ils avancent surtout leurs intérêts économiques en se positionnant comme un partenaire clé pour exploiter les minerais stratégiques congolais, essentiels à l’industrie technologique mondiale, dans un cadre présenté comme transparent et sécurisé. En définitive, si la signature de cet accord est un premier pas indispensable vers la paix, sa mise en œuvre sera un véritable test. La paix dépendra de la volonté politique de Kigali et de Kinshasa, des résultats des pourparlers avec le M23 et de la capacité des mécanismes de surveillance à résoudre les inévitables différends à venir. Comme l’a résumé la ministre congolaise aux Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, cet accord « n’est que le début, pas la fin ».

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