Tropicale Amissa Bongo : la course sur les traces d’un ancien champ de bataille de 14-18

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Tropicale Amissa Bongo : la course sur les traces d’un ancien champ de bataille de 14-18
Tropicale Amissa Bongo : la course sur les traces d’un ancien champ de bataille de 14-18

Africa-Press – Congo Kinshasa. C’est encore un Français de l’équipe Total Énergies qui a remporté la deuxième étape de la Tropicale Amissa Bongo, reliant Oyem à Mitzic, mardi 24 janvier. Jason Tesson s’impose au sprint, en dominant son coéquipier Emilien Jeannière et le Danois Alexander Salby de l’équipe Bingoal-WB.

Si la journée s’est conclue par une arrivée massive, les 111,5 km du parcours tracés sur les routes du Woleu-Ntem – avalées à plus de 45 km/h de moyenne – n’ont pas été de tout repos pour le peloton. Les attaques se sont multipliées, mais les coureurs tentant leur chance n’ont jamais obtenu leur bon de sortie. À l’arrière, ces accélérations à répétition ont fait souffrir bon nombre de coureurs.

En passant au km 45, après le village de Mimbeng, le peloton n’a sans doute pas eu le loisir de remarquer la stèle au bord de la Nationale 2. À peine certains ont-il remarqué le panneau d’information marron, indiquant ce point de curiosité. Il faut dire que le mémorial de Mimbeng, du nom du village situé à quelques centaines de mètres, paraît anodin. Pourtant ici, il y a près de 110 ans, s’est joué l’un des épisodes méconnus de la Première Guerre mondiale.

L’une des premières batailles sur le sol africain

Alors que sur les écrans de cinéma le film Tirailleurs évoque le rôle joué sur le continent européen par les troupes coloniales pendant le premier conflit mondial, cette étape du Tour du Gabon donne l’occasion de revenir sur ce bout d’histoire oublié. En septembre 1914, la zone a été le théâtre de violents affrontements entre des troupes françaises et allemandes. À l’époque, le nord du Gabon fait partie du Neu Kamerun, alors colonie germanique. Il a été cédé en 1911 par la France, à la suite du traité d’Agadir.

Dès la déclaration de guerre, les autorités françaises comptent bien reconquérir ces territoires. Mimbeng est l’une des premières batailles de la Grande Guerre sur le sol africain. Depuis la fin du mois d’août 1914, un contingent français basé à Mitzic progresse facilement, sans rencontrer de réelle résistance, vers le Cameroun. Leur avancée est stoppée le 6 septembre, aux alentours du village de Mimbeng. « Le pays était extrêmement fourré, et nos troupes insuffisamment aguerries ; l’attaque se produisit à la fois sur le front et les flancs… » raconte dans ses mémoires, en 1933, Joseph Aymerich, commandant des troupes françaises de l’Afrique équatoriale française.

Après cet accrochage, la troupe, composée d’officiers français et de tirailleurs « sénégalais », dont certains soldats originaires de la région, reprendront la position en fin de journée, au prix de lourdes pertes des deux côtés, près d’une centaine de morts. « Selon les notables du village, les forêts alentour sont infestées de pièces d’artillerie dont la plupart sont maintenant enfouies sous terre », racontait en 2015 notre consœur Josiane Mbang Nguema dans le quotidien gabonais L’Union. Aujourd’hui ne subsiste de cette histoire que le petit cimetière militaire français.

En empruntant le petit sentier qui s’enfonce dans la forêt depuis le mémorial, on tombe sur une clairière où l’on peut voir une trentaine de tombes de ces « soldats indigènes » tombés pendant la bataille de Mimbeng.

Un conflit oublié

En France, personne ne connaît le sacrifice de ces tirailleurs, tombés au nom de la France en pleine forêt équatoriale. « Les opérations militaires contre le Cameroun n’ont pas présenté, aux yeux du public, la même importance que celles du front métropolitain, notait déjà en 1933 Joseph Aymerich.

Lorsque des millions de soldats versaient leur sang pour défendre le sol national, qui pouvait songer à la poignée de gradés coloniaux et de tirailleurs indigènes, dont le sacrifice obscur s’accomplissait au cœur de l’Afrique ? » Pourtant, « l’honneur sera grand pour tous ceux qui ont si courageusement combattu au Cameroun (pour) la grandeur et la gloire de la France », avait promis en 1916 Gaston Doumergue, le ministre des Colonies de l’époque.

D’autant plus que les conséquences de cette campagne n’ont pas été négligeables pour la région, et se font encore ressentir aujourd’hui : le nouveau découpage colonial qui a suivi fut le dernier avant l’indépendance des pays concernés, en 1960. Le Kamerun allemand fut partagé entre les colons français et britanniques, après la victoire finale d’avril 1916. Cette première partition de la Grande guerre, avant même la fin du conflit international, est aux racines de la crise que traversent actuellement les deux régions anglophones du Cameroun contemporain.

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