Caligula: Au-Delà du Tyran, Amour pour Médecine et Plantes

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Caligula: Au-Delà du Tyran, Amour pour Médecine et Plantes
Caligula: Au-Delà du Tyran, Amour pour Médecine et Plantes

Africa-Press – Congo Kinshasa. Caligula, empereur qui régna sur Rome de 37 à 41 de notre ère, était-il vraiment un chef d’état instable et sanguinaire? Très probablement. Mais il était aussi, à en croire les travaux des chercheurs membres du programme de pharmacologie ancienne de Yale (YAPP) publiés le 26 mai 2025 dans la revue Proceedings of the European Academy of Sciences and Arts, un fin connaisseur des plantes médicinales. Et après tout, l’un n’empêche pas l’autre.

Pour en arriver à cette conclusion, l’étude part d’une anecdote rapportée par l’historien Suétone dans la Vie des douze Césars, un recueil de biographies des dirigeants romains de Jules César à Domitien. Dans cette histoire, un sénateur romain anonyme de rang prétorien, souffrant d’une maladie non spécifiée, prend un congé pour se rendre dans la ville thermale romaine d’Antikyra, en Grèce, dans l’espoir de voir sa santé s’améliorer grâce à des traitements à base d’hellébore. Après avoir demandé une prolongation de son séjour à l’empereur, il finit exécuté. Pour Caligula, « une saignée était nécessaire pour celui à qui l’hellébore n’avait pas profité depuis tout ce temps ». C’est qui s’appelle être sans concession.

Tourisme médical antique

En compilant des données ethnobotaniques collectées dans les environs de l’actuelle Antikyra et une analyse de textes poussée, notamment du Dioscoride de Vienne (un codex naturaliste réalisé aux environs de 512 pour la princesse byzantine Anicia Juliana), les chercheurs ont démontré deux choses. D’abord que la ville d’Antikyra, connue de Caligula, occupait une place particulière dans l’Empire romain. « Notre travail suggère qu’Antikyra fonctionnait comme une sorte de clinique Mayo (un hôpital américain fréquemment élu ‘Meilleur hôpital du monde’) du monde romain, un endroit où les citoyens aisés et influents se rendaient pour obtenir des traitements médicaux qui n’étaient pas largement disponibles ailleurs », a expliqué dans un communiqué le co-auteur Andrew Koh, archéologue du YAPP.

Helleborus niger ou « rose de Noël ». Crédits: Wikimedia Commons

Située sur le golfe de Corinthe, en Grèce centrale, Antikyra était une modeste ville portuaire particulièrement célèbre pour ses traitements à base d’hellébore, prospère dans la région à l’époque. Cette plante à fleurs était réputée dans l’Antiquité pour purger, traiter l’épilepsie ou encore certaines maladies mentales. Il est néanmoins difficile de savoir à quelle plante elle correspondait réellement, le terme « hellébore » ayant été utilisé par les Grecs et les Romains pour désigner différentes espèces.

Caligula, un tyran érudit

Outre le rôle joué par Antikyra, les scientifiques ont pu prouver que Caligula était un homme plus érudit que ce que son portrait brossé par Suétone pouvait laisser entendre. En guise de matériel de démonstration, ils ont utilisé plusieurs textes dans lesquels transparaît l’étonnante culture de l’empereur. Ainsi sont cités des écrits du philosophe Philon d’Alexandrie, qui dépeint Caligula comme un dirigent doté d’un impressionnant bagage de connaissances pratiques, notamment d’une grande maîtrise des routes commerciales et de la navigation. L’auteur, souvent critique envers l’empereur, ajoute dans un autre manuscrit que Caligula a souvent exploité « la médecine d’Apollon à des fins malveillantes ». Un indice de plus, pour les chercheurs, que l’empereur possédait de solides connaissances pharmacologiques.

Rappelons que Caligula est souvent présenté comme un empoisonneur compulsif qui avait développé une véritable fascination pour les poisons — non seulement pour s’en servir contre ses ennemis, mais aussi pour en étudier les effets. Selon plusieurs récits, il les aurait utilisés comme arme de pouvoir pour éliminer discrètement ses opposants ou pour affirmer sa domination et il aurait su manipuler les doses, les symptômes, voire le timing des effets toxiques. L’origine de cette passion pourrait être expliquée, selon les chercheurs, par le fait qu’il était persuadé que son père, Germanicus, avait été empoisonné. Cette conviction aurait nourri une paranoïa profonde et l’aurait poussé à se documenter intensément sur les poisons pour se protéger et peut-être pour se venger.

Une conclusion hâtive?

De plus, Andrew Kohe et son co-auteur, l’historien spécialiste de l’Antiquité romaine Trevor Luke, suggèrent que Caligula connaissait précisément les remèdes à base d’hellébore parce qu’il souffrait lui-même d’épilepsie, de folie et d’insomnie, autant de maux que les anciens croyaient pouvoir être soulagés par cette plante. Pour le duo, l’anecdote de Suétone laisse d’ailleurs entendre qu’il avait également une idée du temps qu’il aurait fallu à l’hellébore pour guérir le sénateur et que sa référence à la saignée, présentée comme une plaisanterie cynique, pourrait avoir été mal comprise.

« Il est possible qu’il ait lu Celse, dont le traité médical De Medicina a été composé sous le règne de Tibère, le prédécesseur de Caligula, et prescrit la saignée comme alternative à l’hellébore dans le traitement de l’épilepsie. » Suétone pourrait ainsi s’être trompé. « Caligula n’a peut-être pas ordonné l’exécution de l’homme mais simplement prescrit un traitement alternatif qu’il avait lu ou qu’il connaissait par expérience », a déclaré Trevor Luke. « Caligula est considéré comme un fou, peut-être à juste titre, mais nous montrons qu’il connaissait très probablement l’hellébore et la pharmacologie en général ».

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