Africa-Press – Congo Kinshasa. Le mois de mai finissant, les rumeurs et complots ont envahi les réseaux sociaux, Facebook et WhatsApp, sur l’origine cabale de la chaleur qui se fait ressentir à Kisangani, une ville située à plus de 95 km de Yangambi. « Une fausse alerte » a précisé le Directeur du Centre de Recherche de l’INERA, un institut propriétaire et surveillant de la tour à flux avec les partenaires du gouvernement congolais dans le secteur.
« Les habitants de YANGAMBI mobilisés pour aller détruire la Tour à flux y installée ? ces habitants estiment que c’est cette infrastructure qui est à la base de l’actuel réchauffement climatique en RDC en faveur des pays Européens. Il faut couper cette tour… », a publié un internaute sur WhatsApp, en amassant au passage des commentaires qui créent la panique tout en cherchant des explications sur le fonctionnement de la tour à flux.
Des heures suivantes, le cabinet de la Ministre de l’Environnement tente de calmer les esprits surchauffés, mais sans succès. La rumeur prend place face à la vérité. Les Boyomais véhiculent la rumeur de bouche-à-oreille. L’intox devient virale. Impuissant, le gouvernement provincial de la Tshopo n’arrive pas à communiquer là-dessus.
Samedi 18 mai dernier, le directeur du centre de recherche sort du silence. Dans un point de presse conjoint animé avec le chef de division de l’environnement de la Tshopo tenu à l’hôtel Congo Palace, Dieu-Merci Asumani, Ingénieur et Directeur de Centre de Recherche de l’INERA révèle que la température actuellement ressentie est le fruit du changement climatique qui est une modification durable impliquant des perturbations sur les paramètres climatiques.
« Deux facteurs principaux expliquent cette chaleur: Aux deux tiers du rayonnement qui provient du soleil et qui pénètrent dans la terre et les activités anthropiques de l’homme. Il s’agit ici des activités de l’homme liées à l’agriculture sur brulis, la déforestation, l’urbanisation à travers la montée de la démographie, l’industrialisation… Ces activités humaines dégagent des énergies et ces énergies donnent de la chaleur. La tour à flux n’a aucun rapport avec la vague de chaleur observée ces jours-ci. Il s’agit plutôt d’une fausse campagne contre cette tour dont un de ces instigateurs est déjà aux arrêts », a-t-il dit.
Genèse de la tour à flux
Yangambi et la forêt est une question d’amour. Depuis bien des années, cette partie de la province de la Tshopo conserve la forêt à son état initial et attire de nombreux chercheurs en domaines pour des études approfondies.
Cet instrument qui sert à mesurer les échanges gazeux est un outil important pour la République démocratique du Congo à accéder au marché carbone. Atteignant une hauteur de 55 mètres (15 mètres au-dessus du couvert forestier), cette structure comble déjà un énorme déficit de données sur l’importance des forêts humides africaines dans la capture des émissions mondiales de carbone, les changements dans les régimes pluviométriques locaux et régionaux, et l’effet de la dégradation des forêts et de la déforestation sur le réchauffement climatique.
Toutes les données produites sont ouvertes et gratuites pour la communauté scientifique internationale.
L’installation de la tour à flux fait partie d’un projet de l’INERA financé par l’Union européenne et la Belgique pour faire de Yangambi un pôle scientifique au bénéfice des populations et de la biodiversité de la RDC. Géré par des techniciens congolais travaillant avec l’INERA, qui ont reçu toute la formation nécessaire sur les aspects techniques et opérationnels, l’objectif du projet est de soutenir la recherche scientifique, de promouvoir la conservation et la gestion durable des ressources naturelles, et d’améliorer les conditions de vie des communautés rurales vivant autour de la réserve de biosphère de Yangambi.
Enjeux planétaires
Le 13 Octobre 2020, Amand Mbuya Kankolongo, Directeur Honoraire de l’INERA déclarait devant la presse: « Notre station de recherche à Yangambi a une longue histoire dans les études sur la climatologie. Cette tour nous permettra donc de continuer à produire d’importantes connaissances scientifiques pour éclairer les politiques nationales, régionales et internationales dans le contexte du réchauffement climatique ».
Cette affirmation montre la voie que devrait prendre notre pays dans la quête de sa place dans le marché mondial de carbone. Le mécanisme des fonds verts étant mis en place, cependant, ces derniers ne sont pas accessibles au pays par superficie forestière révèle le DCR Yangambi.
« Ce n’est pas parce que la RDC a une grande superficie de forêts qu’elle peut accéder à ses fonds. Il revient plutôt à la RDC de quantifier le stock de carbone dans sa forêt ».
« Aujourd’hui avec des données produites par cette tour, on peut avec conviction confirmer que la RDC est le premier poumon du monde en termes de séquestration de carbone. Cela est une fierté et une responsabilité à protéger davantage nos forêts tropicales. Nous saluons cette coopération avec les différents partenaires et nous pensons que ce projet va s’étendre à d’autres forêts de notre pays pour avoir davantage des données scientifiquement prouvées sur notre capacité à séquestrer le carbone », a dit Eve Bazaiba à sa descente de la tour à flux le 19 janvier 2022.
Selon la base de suivi des projets REDD gérés par le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR), au total, près de 780 000 crédits-carbone ont été vendus sur le marché volontaire jusqu’en 2020 et plus rien depuis.
« Le volume de carbone séquestré a baissé dans notre parcelle. Nous n’avons pas réussi l’étape de la certification lors du second audit en 2019 », admet Jacques Ipoma, le chef du projet interviewé par lemonde.fr
Notons, le Nord-Kivu est la première province à bénéficier de la vente des crédits carbone en RDC. Ceci est un résultat des projets mis en œuvre par WWF RDC dans cette province depuis 15 ans. Les premiers paiements sont intervenus entre 2020 et 2021. La province du Nord Kivu a bénéficié de 1,3 million de dollars américains. Les vérifications sont faites sur un cycle de 5 ans pour le reboisement et sur une base annuelle pour les foyers améliorés.
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