Comment le tabac perturbe le système immunitaire sur le long terme

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Comment le tabac perturbe le système immunitaire sur le long terme
Comment le tabac perturbe le système immunitaire sur le long terme

Africa-Press – Congo Kinshasa. Le tabagisme modifie le système immunitaire qui réagit alors tout à fait différemment, et ce, sur le long terme”, résume Darragh Duffy. Responsable de l’unité Immunologie translationnelle à l’Institut Pasteur, il est le dernier auteur d’une nouvelle étude analysant les effets du tabagisme sur les mécanismes du système immunitaire. Il ajoute: “Ces travaux partent d’un questionnement: pourquoi l’immunité de deux individus peut-elle être si différente ?”.

On connaissait déjà l’influence d’autres facteurs sur la réponse immunitaire aux attaques microbiennes: l’âge, le sexe ou les gènes par exemple. Et la liste s’allonge avec les nouvelles découvertes des chercheurs de l’Institut Pasteur. Pour parvenir à ces résultats, ils ont analysé le système immunitaire d’un millier d’individus. Leur étude a été publiée dans la revue Nature.

Tabagisme, IMC et cytomégalovirus

De nombreuses cellules immunitaires communiquent entre elles grâce à une protéine qu’elles sécrètent: la cytokine. Les taux de cette protéine dans le sang sont donc de bons indicateurs de la qualité de la réponse immunitaire.

Pour mesurer ce niveau de cytokine, les chercheurs ont d’abord prélevé des échantillons sanguins chez les 1000 individus enrôlés dans la cohorte baptisée “Milieu Intérieur”. Ensuite, les prélèvements ont été exposés à une grande diversité de microbes, notamment des virus et bactéries. Cette confrontation leur a permis d’observer la réaction du système immunitaire, via la mesure des niveaux de cytokines. Leurs analyses ont mis en évidence des réactions très variées.

Mais quels facteurs différencient les individus à la réponse immunitaire faible et d’autres volontaires pour qui, au contraire, elle apparaît très forte ? Trois variables se détachent du lot: le tabagisme, l’indice de masse corporelle (IMC) et l’infection latente au cytomégalovirus, souvent asymptomatique. “Ces trois facteurs pourraient avoir autant d’influence sur certaines réponses immunitaires que l’âge, le sexe ou les variables génétiques”, souligne Darragh Duffy.

Une réponse inflammatoire accrue

Les chercheurs ont mis en évidence deux particularités dans les systèmes immunitaires des fumeurs. D’un côté, leur réponse inflammatoire, suite à une infection par un pathogène, est accrue. “Le fumeur a donc un risque plus élevé de complications suite à une infection, et d’inflammation chronique”, indique Violaine Saint-André, première auteure de l’étude.

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D’autre part, l’activité de certaines cellules, impliquées dans la mémoire immunitaire, est altérée. Ces observations révèlent l’influence du tabagisme sur les mécanismes de l’immunité innée, mais aussi sur certains mécanismes de l’immunité adaptative.

Mais ces effets persistent-ils après avoir arrêté de fumer ? “En comparant les réponses immunitaires de fumeurs et d’ex-fumeurs, nous avons constaté que la réponse inflammatoire revenait rapidement à la normale après l’arrêt du tabac mais que l’impact sur l’immunité adaptative perdurait dans le temps, pendant 10 ou 15 ans”, témoigne Darragh Duffy.

La mémoire du système immunitaire

Si, comme l’indiquent les résultats, le système immunitaire des fumeurs garde en mémoire les effets du tabagisme, restait toutefois à comprendre comment. “Lorsque nous nous sommes aperçus que les profils des fumeurs et des anciens fumeurs étaient similaires, nous avons immédiatement suspecté l’implication de processus épigénétiques”, retrace Violaine Saint-André.

Mais de quoi s’agit-il ? Les mécanismes épigénétiques représentent les modifications de l’ADN qui impactent l’expression des gènes, c’est-à-dire la façon dont ils vont être utilisés par les cellules. Grâce à l’étude approfondie de l’ADN des participants, les chercheurs ont pu confirmer l’implication de processus épigénétiques dans cette mémoire immunitaire. Entre les fumeurs, les anciens fumeurs et les non-fumeurs, ils ont ainsi mis en évidence des différences de méthylation de l’ADN. Autrement dit des modifications chimiques susceptibles de modifier l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des cellules immunitaires. “C’est une découverte importante pour mieux comprendre l’impact du tabagisme sur l’immunité d’individus en bonne santé mais aussi, par comparaison, sur l’immunité d’individus souffrant de diverses pathologies,” conclut Violaine Saint-André.

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