Incendies Éteignent Années de Lutte Contre Pollution

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Incendies Éteignent Années de Lutte Contre Pollution
Incendies Éteignent Années de Lutte Contre Pollution

Africa-Press – Congo Kinshasa. De l’Australie en 2020 au Canada en 2023 en passant par le Portugal ou même l’Aude en 2025, les feux de forêts ont une place extrêmement importante dans l’actualité mondiale. Favorisés par le dérèglement climatique et les activités humaines, ces incendies ravageurs semblent se multiplier, franchissant chaque année des records historiques de surface brûlée ou de durée. Mais qu’en est-il de leur impact sur notre santé?

Selon l’Index de Qualité de l’Air (AQLI – Air Quality Life Index), un indice reliant impact de la pollution atmosphérique et qualité de vie effectué par l’Institut de Surveillance des Energies de l’Université de Chicago (EPIC – Energy Policy at the University of Chicago), les effets de ces feux seraient bien plus importants qu’il n’y paraît. Ainsi, selon l’EPIC, la saison des feux de 2023 aurait fait drastiquement reculer l’index des Etats-Unis, malgré plusieurs années de politique d’amélioration de la qualité de l’air.

« En termes de qualité de l’air, les incendies produisent d’énormes quantités de polluants, que ce soit des fumées ou des microparticules PM 2.5 (microparticules en suspension dans l’air d’une taille inférieure à 2.5 μm, ndlr), explique Christa Hasenkopf, directrice de l’EPIC interviewée par Sciences et Avenir. A l’heure actuelle, c’est ce type de pollution qui représente la menace la plus importante pour la vie humaine dans le monde. »

Les incendies font flamber la qualité de l’air

Réalisé à partir de données satellites et locales, l’AQLI est une moyenne de la concentration annuelle de PM 2.5 par pays. Il s’accompagne également d’un impact estimé sur l’espérance de vie des populations locales. Un an, trois ans, six ans… Au fil du rapport, les effets de la pollution peuvent se traduire en nombre d’années perdues pour les habitants des différents pays.

D’une année sur l’autre, l’AQLI a aussi permis de souligner les efforts de nombreux pays, notamment en Asie du Sud-Est, qui ont permis de diminuer drastiquement les taux de pollution. Cependant, à l’instar d’une moyenne générale plombée par une mauvaise note, toute pollution majeure vient immanquablement faire remonter les chiffres. En 2023, et malgré de nombreuses mesures de limitation de la pollution atmosphérique, le Canada a ainsi vu son niveau annuel de microparticules PM 2.5 s’envoler à 9.24 μg/m3, doublant celui de 2022, après une saison des feux catastrophique. En conséquence, les Canadiens vivant dans les zones les plus touchées ont vu leur espérance de vie amputée de deux années.

« Les feux ont un impact beaucoup plus large qu’une ville ou une usine, parce qu’ils se répandent sur des surfaces immenses, explique Christa Hasenkopf. Ces polluants peuvent voyager sur de très longues distances et des feux ayant eu lieu au Canada ont pu avoir un impact jusqu’en Pennsylvanie ou même au Wisconsin (deux Etats situés au nord des États-Unis, ndlr).”

Avec l’intensification du réchauffement climatique et l’assèchement de nombreuses zones du globe, l’EPIC tire donc la sonnette d’alarme sur le futur impact des feux sur la santé globale. « De notre point de vue, le plus inquiétant est la multiplication des feux: ce n’est plus un problème qui arrive de temps à autre, c’est devenu un problème répété et de plus en plus important », ajoute la chercheuse. La pollution dégagée par ces incendies pourrait ainsi faire reculer les efforts mis en place par les gouvernements pour limiter la pollution sur leur territoire.

Le fantôme des énergies fossiles

Si elle diffère de celle des gaz à effet de serre, la pollution aux microparticules PM 2.5 n’en reste pas moins le résultat de l’utilisation des énergies fossiles. Elle est produite par le phénomène de combustion, que ce soit celui du charbon ou du carburant d’un véhicule. « Ces polluants atmosphériques sont les fantômes des carburants fossiles que nous brûlons depuis la Révolution industrielle. Et aujourd’hui, nous sommes obligés de vivre avec, se désole dans un communiqué Michael Greenstone, professeur en économie et créateur de l’AQLI en collaboration avec l’EPIC. Même les pays qui ont passé des décennies à nettoyer leur air ne peuvent pas échapper aux conséquences de ces spectres sur la santé de leurs habitants. »

« Ce sont les deux faces d’une même pièce. Brûler des carburants fossiles va invariablement mener à une première vague de pollution de l’air, mais aussi aggraver le dérèglement climatique, explique Christa Hasenkopf. Plus les saisons vont se réchauffer, plus les chances de voir des feux se produire augmenteront et ces incendies causeront une seconde vague de pollution. De même, nous savons aussi que plus les températures augmentent, plus les pollutions atmosphériques sont exacerbées. »

Mais alors que faire? Selon l’EPIC, contrairement à la pollution de l’air causée par une usine par exemple, la pollution causée par un incendie n’est finalement pas contrôlable. Seul moyen de limiter les dégâts: empêcher les feux de se déclencher ou de s’étendre. Si les résultats de l’AQLI pointent surtout les effets des feux canadiens, ceux des feux récents en Europe apparaîtront certainement dans les rapports suivants.

« Il suffit d’un peu de soutien pour que des résultats apparaissent »

Malgré l’impact des feux, l’EPIC se veut encourageant dans son rapport, de nombreux pays montrant une amélioration significative de la qualité de leur air grâce à la mise en place de mesures efficaces. L’Europe et l’Asie voient ainsi, depuis plusieurs années, leur qualité de vie s’améliorer grâce à la limitation des pollutions. L’EPIC déplore cependant le manque de moyens dans de nombreux pays, notamment en Afrique.

« Pour réaliser l’AQLI, nous utilisons principalement des données satellites de l’Université de Saint Louis à Washington. Mais pour faire face à la pollution de l’air, il faut absolument avoir accès à des relevés locaux quotidiens, voire même pour chaque heure, explique Christa Hasenkopf. Mais nous avons réalisé que près de 5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès aux informations nécessaires sur la qualité de leur air, en grande majorité dans des zones très polluées. »

Pour encourager les initiatives locales, l’EPIC a mis en place un fonds d’aide aux initiatives de lutte contre la pollution, une aide qui a déjà porté ses fruits en Gambie et en République Démocratique du Congo avec l’installation des premières stations de relevé. « Ces efforts ont déjà eu une influence sur de futures mesures et ont notamment donné de l’inertie à un projet de loi environnementale en cours de négociations avec le gouvernement gambien », cite le rapport de l’AQIL.

« Le fonds n’existe que depuis un an, et pourtant nous voyons déjà des résultats significatifs. Grâce à ces efforts, nous pourrons aussi surveiller l’impact des feux de forêt en Afrique, là où nous n’avions aucune donnée pour l’instant, se félicite Christa Hasenkopf. Les communautés et les autorités locales sont intéressées par la protection de la qualité de leur air et il suffit d’un peu de soutien pour que des résultats apparaissent. »

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