Jeûne intermittent : que dit la science ?

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Jeûne intermittent : que dit la science ?
Jeûne intermittent : que dit la science ?

Africa-Press – Congo Kinshasa. On attribue à ce type de jeûne des résultats quasi miraculeux : perte de poids, contrôle du diabète, baisse des risques de maladies cardio-vasculaires, voire augmentation de l’espérance de vie. Entretien avec le Dr Martin Juneau, qui nous résume les connaissances à ce sujet.

Utilisé pour réduire l’apport calorique chez les personnes en surpoids, le jeûne intermittent consiste à alterner des périodes d’alimentation normale avec des périodes de jeûne plus ou moins longues. Une des méthodes les plus populaires, la 16:8, réduit la fenêtre de temps où le patient peut manger à 8 heures par jour, suivies de 16 heures de jeûne.

Depuis quelques années, les recherches sur les bienfaits du jeûne se multiplient. Outre son influence sur la perte de poids, cette technique aurait aussi des effets positifs sur des maladies chroniques comme le diabète.

La dernière étude en lice, réalisée par une équipe de l’Université Columbia et publiée dans la prestigieuse revue Nature, avance que le jeûne intermittent accroît la longévité chez les mouches drosophiles, qui partagent avec les humains un même rythme biologique et pas moins 70 % de leurs gènes associés à des maladies.

Un constat qui n’étonne pas le Dr Martin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal, qui recommande le jeûne intermittent à certains de ses patients à risque. « Depuis très longtemps, on sait que, chez l’animal, la restriction calorique prolonge la survie, que ce soit des mouches, des souris ou des singes, explique le cardiologue. Les études sur les animaux ont démontré l’efficacité du jeûne intermittent pour prévenir presque toutes les maladies chroniques (diabète, maladies cardio-vasculaires) et neurodégénératives (Alzheimer et Parkinson). Chez l’humain, les études commencent à s’accumuler depuis cinq ou six ans et les résultats vont dans la même direction. »

Comment expliquer les bienfaits du jeûne intermittent ?

Lorsqu’on n’a pas mangé depuis 8 ou 10 heures, il y a beaucoup de réactions qui se mettent en branle dans le corps humain. Après avoir utilisé ses réserves de glucides, notre corps va chercher son énergie stockée dans les cellules graisseuses viscérales, où s’accumule la graisse en temps normal. Progressivement, notre corps utilise davantage ces acides gras, qui sont convertis par le foie en corps cétoniques, qui ont des effets favorables sur la pression artérielle, le métabolisme énergétique et le cerveau en particulier.

Le jeûne améliore aussi les réponses cellulaires aux radicaux libres, qui contribuent au vieillissement cellulaire, et diminue l’inflammation, qui est à la base de beaucoup de maladies chroniques, dont les maladies cardio-vasculaires.

Pendant le jeûne, il y a aussi une augmentation de la régénération des cellules et de l’autophagie, le recyclage de leurs constituants endommagés, qui est une source d’énergie de remplacement économique pour le corps.

Est-ce dire que l’humain n’est pas fait pour manger trois repas par jour ?

C’est récent dans l’histoire que les humains peuvent manger trois repas par jour. Et encore plus récent de manger des collations trois fois par jour.

Dans leur histoire, toutes les espèces ont toujours dû faire face à des périodes de disette et ont dû adapter leur métabolisme en conséquence. Les premiers humains mangeaient seulement quand il y avait de la nourriture disponible. Souvent, c’était une fois par jour, et parfois ils devaient s’en priver pendant plusieurs jours. C’est l’abondance récente de nos sociétés qui fait qu’on mange trois fois par jour et qu’on ne bénéficie plus des avantages du jeûne intermittent.

Les études démontrent pourtant que ça ne prend pas des jeûnes extraordinaires pour en bénéficier. Il suffit de ne pas manger après le repas du soir, jusqu’au lendemain matin.

Les patients qui sautent des repas ne se privent-ils pas d’apports importants en nutriments ?

Ce n’est pas ce que les études montrent, parce qu’en général, on mange trop. Et contrairement aux diètes, le jeûne ne compte pas de restriction alimentaire. Les gens peuvent manger ce qu’ils veulent à l’extérieur des périodes de jeûne. Évidemment, j’encourage mes patients à bien manger, à adopter le régime méditerranéen et à privilégier les protéines végétales.

Et on ne jeûne pas tous les jours. Je recommande à mes patients de le faire deux fois par semaine. Certains patients plus motivés le font quatre jours par semaine, d’autres une ou deux fois. Ce n’est pas la panacée et ce n’est pas tout le monde qui répond bien et qui trouve ça facile. Mais ce qui est sûr, c’est que les patients préfèrent ça à la diète.

Est-ce qu’on doit nécessairement être suivi par un professionnel de la santé pour se lancer dans le jeûne ?

C’est certain que ça prend un certain suivi médical si on a des ennuis de santé. L’effet est tellement fort que j’ai des patients dont la pression baisse de 20 millimètres de mercure après une semaine seulement. Il faut que j’ajuste les médicaments en conséquence. Même chose pour les diabétiques qui voient leur glycémie changer.

Mais si monsieur ou madame Tout-le-Monde veut simplement utiliser le jeûne pour perdre du poids, je crois qu’il y a moyen de le faire de façon raisonnable. Déjà, cesser de manger après le souper, c’est bien. Ensuite, on peut augmenter progressivement la période sans manger et retarder la prise du déjeuner si on ne trouve pas ça trop difficile.

Je ne dis pas que tout le monde devrait jeûner. Mais on doit prendre conscience que notre société a un énorme problème d’obésité relié à notre surconsommation de nourriture. Non seulement la qualité n’est pas là, mais la quantité est trop grande et la période d’ingestion trop étendue. La source de l’obésité dans nos sociétés n’est pas un mystère : on mange trop et on mange tout le temps !

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