Les ADF, une menace négligée à l’Est du Congo

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Les ADF, une menace négligée à l’Est du Congo
Les ADF, une menace négligée à l’Est du Congo

Africa-Press – Congo Kinshasa. Le récent massacre de l’église de Komanda par les ADF démontre l’influence croissante du groupe armé affilié à l’État islamique et un échec des opérations de neutralisation par les armées congolaise et ougandaise.

Alors qu’un processus de paix est en cours de finalisation à Washington et Doha entre la RDC, le Rwanda et les rebelles du M23, un nouveau massacre perpétré par les Allied democratic forces (ADF) rappelle que ce mouvement affilié à l’État islamique (EI) reste l’un des groupes armés les plus meurtriers de l’Est congolais. Durant la nuit de samedi 26 au dimanche 27 juillet, au moins 43 civils ont été tués dans une attaque des ADF contre l’Église catholique de Komanda, dans la province de l’Ituri, au Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC). La dernière attaque importante de ce groupe remonte au mois de février, dans le territoire de Mambasa, et avait fait 38 morts selon un bilan très provisoire d’une source locale. Il faut dire que les massacres à répétition des ADF sur les populations civiles ne font plus les gros titres de la presse locale, et encore moins de la presse internationale. Pourtant, depuis 2014, on dénombre, au bas mot, entre 6.000 et 8.000 victimes des ADF dans des attaques de villages à l’arme blanche, par balles ou à la grenade. Après les tueries, les scénarios se ressemblent tous: pillages, incendies de villages, viols, captures d’otages, enrôlements forcés…

L’Afrique,nouvelle terre de conquête de l’EI

Les ADF sont un groupe armé singulier dans la nébuleuse congolaise. D’origine ougandaise, il sévit dans l’Est de la RDC depuis le milieu des années 1990. Au départ présentés comme des rebelles en lutte pour dénoncer l’ostracisme contre les musulmans du pouvoir du président ougandais Museveni, et il s’est peu à peu « congolisé » pour finir par se radicaliser dans un islam ultra-rigoriste. Opérant dans des zones de forêts denses et vivant sur le dos des populations locales et de trafics, les ADF ont prêté allégeance à l’État islamique en 2018 et revendiquent leur première attaque en avril 2019 contre la caserne de l’armée congolaise de Bovata, près de Beni. Cette revendication, signée de l’État islamique, intervient alors que Daesh a perdu tout contrôle territorial en Syrie et en Irak, et se cherche de nouvelles terres de conquête. L’Afrique constitue clairement un objectif affiché de l’État islamique – voir notre article. L’absence de l’autorité de l’État, des frontières poreuses, et une bonne centaine d’autres groupes armés, font du Nord-Kivu et de l’Ituri le terrain tout trouvé pour implanter, la province de l’État islamique en Afrique centrale (ISCAP), nouveau label de l’EI pour le coeur de l’Afrique. Du côté des ADF, cette alliance est une aubaine pour relancer un mouvement en perte de vitesse et remotiver les troupes face à la traque des armées congolaise et ougandaise.

Une traque aux ADF contre-productive

En échec face au groupe armé, Kinshasa fait appel à l’Ouganda, en novembre 2021, pour monter une opération militaire conjointe, « Shujaa », afin de traquer les positions des ADF au Nord-Kivu. Le résultat est peu probant puisque, si des camps ont bien été démantelés et des combattants neutralisés, les ADF se sont disséminés en petits groupes et éparpillés dans des zones géographiques plus vastes, ce qui rend leur traque plus difficile. Le nouveau massacre de l’église de Komanda démontre que l’opération « Shujaa » est restée largement inefficace. Les derniers chiffres sont éloquents: depuis janvier 2025, plus de 150 personnes ont été tuées par les ADF. En cause, le rôle ambigu de l’Ouganda, censé lutter contre le groupe armé, mais qui en a d’abord profité pour consolider ses routes commerciales d’approvisionnement en bois, en matières précieuses et en trafics en tout genre, avec la RDC. Mais il y a surtout l’apathie d’une armée congolaise fantôme, gangrénée par la corruption, déjà en échec face aux rebelles du M23 et qui n’a pas pu gérer un deuxième front contre les ADF.

Une menace pour la région

Dans un récent rapport de Institut français de relations internationales (Ifri), Justin Mwetaminwa pointe l’influence croissante des ADF, dans les communautés locales, mais aussi au sein même des forces de sécurité congolaises. Une influence en RDC, avec un champ d’action plus grand, mais aussi à l’extérieur du pays, notamment grâce à ses relais régionaux en Tanzanie, Afrique du Sud, Burundi et Mozambique. « Cela implique d’approfondir la coopération régionale sécuritaire, note Justin Mwetaminwa, et celle-ci ne doit pas seulement consister à faire des opérations militaires contre les ADF, mais à neutraliser leurs réseaux financiers et logistiques régionaux. » Une menace que les voisins du Congo commencent à prendre au sérieux. En mai 2023, la 11e Réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre avait indiqué vouloir se saisir de la situation des groupes armés de l’Est de la RDC. Mais 2 ans plus tard, le Congo reste englué dans une laborieuse et délicate résolution de son conflit avec le M23 et le Rwanda, et rien de nouveau n’a été fait contre les ADF. En Ituri, la société civile s’en plaint régulièrement et demande aux autorités qu’elles accordent la même attention à la lutte contre les ADF qu’à la lutte contre le M23. « Ce qui se passe dans le territoire de Beni est plus grave qu’il y a autant d’années, parce qu’actuellement, c’est terrible, alors nous méritons aussi cette même attention » déclarait en 2023 le vice-président de la société civile de Beni à Radio Okapi. Nous sommes aujourd’hui en juillet 2025, et le massacre de Komanda vient nous rappeler que les ADF constituent une menace à ne pas négliger pour la RDC… et la région.

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