Africa-Press – Congo Kinshasa. « Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand, raconte Matthieu dans le deuxième chapitre de son évangile. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent: « Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » […] Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue […] Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. »
Un scénario scientifiquement crédible
Tel est le signe divin, selon la tradition chrétienne, qui aurait annoncé la naissance de Jésus et guidé des mages orientaux jusqu’à Jérusalem puis jusqu’à Bethléem où le Christ serait né: une étoile symbole de guidance et d’espoir qui pendant la fête de Noël orne les crèches et sapins. Ce phénomène céleste doit-il être considéré comme relevant du mythe religieux, de l’allégorie… ou a-t-il pu réellement exister? Dans ce dernier cas, quelle pourrait être l’origine astronomique de la fameuse étoile de la Nativité? Dans la revue Journal of the British Astronomical Association, le planétologue Mark Matney de l’Agence spatiale américaine démontre qu’une telle apparition est scientifiquement possible. Il détaille même, à l’appui d’archives historiques et de modélisations réalisées par ordinateur, la suite d’évènements qui auraient pu se dérouler.
Un astre mouvant puis fixe
« Plus de 400 livres et articles ont été publiés sur le sujet par des scientifiques, historiens ou théologiens », rappelle d’abord le chercheur. La première difficulté concerne les sources littéraires. L’évangile de Mathieu est en effet le seul texte biblique canonique – et la plus ancienne occurrence – décrivant des mages orientaux (ni leur nombre ni leur statut n’est alors précisé) guidés jusqu’en Judée par un signe céleste pour rendre hommage à l’enfant Jésus. Un texte rédigé, selon les datations actuelles, autour des années 80 de notre ère, par un auteur qui n’était probablement pas un témoin direct des évènements liés à la Nativité. La difficulté majeure réside toutefois dans le récit lui-même, décrivant un astre apparu à l’est qui « précédait » les mages avant de « s’arrêter » dans le ciel à un endroit fixe.
Conjonctions planétaires
De nombreuses hypothèses ont été avancées pour fournir une explication rationnelle: des météores (étoiles filantes) pénétrant dans l’atmosphère terrestre et produisant des traînées lumineuses dans le ciel de Judée ; des explosions d’étoiles (nova ou supernova) devenant soudainement très brillantes au moment où Jésus serait né ; la comète de Halley, qui revient tous les 75 ans environ à proximité du Soleil, avec un passage documenté en l’an 12 avant notre ère ; ou encore des conjonctions de planètes, telles Jupiter et Saturne qui en l’an 7 avant notre ère se rapprochèrent jusqu’à donner l’illusion de n’être qu’une seule étoile à la fois très brillante et intrigante – peut-être l’astre de la Nativité, supposait l’astronome allemand Johannes Kepler au début du 17e siècle.
Circonstances très particulières
« Presque tous les objets astronomiques ont été proposés à un moment ou un autre pour expliquer l’étoile de Bethléem », constate Mark Matney. Mais le caractère d’abord mouvant puis fixe de cet astre est extrêmement étrange et « ne semble correspondre à aucun objet céleste naturel connu », poursuit-il. Il existe toutefois certaines configurations très particulières où un objet céleste pourrait bel et bien correspondre au récit évangélique, a découvert le planétologue.
Mouvement géosynchrone
L’astre en question serait ainsi une comète, un corps constitué de roche et de glace venu des régions les plus éloignées du Système solaire. Elle posséderait une orbite très excentrique et serait passée surtout très près de notre planète – à quelque 400 000 kilomètres soit la distance environ entre la Terre et la Lune. Une telle comète aurait été très brillante, visible même en plein jour à l’œil nu. Or les simulations numériques réalisées par Mark Matney indiquent qu’un tel objet aurait eu un mouvement apparent très lent pendant plusieurs semaines. Et si ce mouvement compense celui de la rotation de la Terre pour un observateur donné, l’astre pourra sembler immobile quelques heures durant, « du fait d’un mouvement géosynchrone temporaire », explique le chercheur. Donc un astre qui se déplace dans ciel puis s’arrête au-dessus d’un endroit fixe !
Registres de la dynastie Han
Or les registres de la dynastie Han mentionnent l’existence d’une « étoile balai » – autrement dit une comète possédant une queue visible – qui aurait pu produire un tel phénomène, soutient Mark Matney. Tout d’abord, la chronologie concorde. Car cette comète a été observée par les astronomes chinois en l’an 5 avant notre ère, soit l’année (avec l’an – 6) où la plupart des historiens s’accordent sur la naissance probable de Jésus. Leurs chroniques indiquent par ailleurs qu’elle a été visible pendant plusieurs semaines entre mars et avril, ce qui suggère qu’elle devait être très brillante et très proche de la Terre, avec un mouvement apparent particulièrement lent de surcroît.
Mark Matney
Premier candidat astronomique
Les reconstructions orbitales de Mark Matney indiquent ainsi qu’ »un certain jour de juin, cette comète aurait pu se déplacer de telle sorte à passer devant une personne voyageant de Jérusalem à Bethléem, puis s’arrêter quasiment au-dessus de sa tête pendant environ deux heures », explique-t-il. Ses travaux ne permettent bien sûr pas de prouver que cette comète correspond à l’étoile qu’auraient vue les rois mages il y a plus de 2000 ans, reconnait l’astronome. Mais il s’agit bien, souligne-t-il, « du premier candidat astronomique jamais identifié pour l’étoile de Bethléem dont le mouvement apparent pourrait correspondre à la description de Matthieu ».





