Africa-Press – Congo Kinshasa. La République démocratique du Congo a célébré ce 22 juillet la Journée nationale de la presse. À première vue, le pluralisme médiatique y semble bien établi, au vu du nombre croissant de maisons de presse: radios communautaires, télévisions locales, journaux indépendants et plateformes en ligne abondent, donnant l’impression d’un paysage médiatique dynamique.
Mais derrière cette diversité en façade, le pluralisme éditorial et idéologique peine à s’imposer, freiné par les pressions politiques, économiques et sécuritaires.
Une scène médiatique foisonnante
Le pays compte aujourd’hui plus de 4 000 stations de radio, dont la majorité sont communautaires. Beaucoup diffusent dans les langues nationales: swahili, lingala, kikongo, tshiluba ; ce qui favorise l’accès à l’information dans les zones rurales. Dans les grandes villes comme Kinshasa ou Lubumbashi, les chaînes de télévision se multiplient et offrent une large gamme de contenus allant de l’actualité à la culture urbaine.
Les médias en ligne, eux aussi, prennent de l’ampleur. Selon Reporters sans Frontières, la RDC compte une quarantaine de médias numériques qui proposent des contenus originaux, interactifs et destinés à un public varié. Ce dynamisme contribue à élargir l’espace public congolais.
« Le pluralisme empêche la confiscation de l’information par les plus puissants », estime Guillaume Kazadi, enseignant en journalisme.
Même son de cloche chez Beni Rashidi, directeur de Radio Phoenix Université à Lubumbashi:
« Le pluralisme médiatique est un acquis démocratique. La possibilité d’accéder à plusieurs sources d’information est bénéfique pour notre société. Cette diversité est garantie par la Constitution. »
Un pluralisme sous influence
Cependant, cette effervescence masque une fragilité structurelle. De nombreux médias sont détenus ou financés par des acteurs politiques, tant du pouvoir que de l’opposition. Résultat: des lignes éditoriales orientées, des traitements partiaux, surtout en période électorale ou de crise.
« Beaucoup de médias ont été créés à des fins de propagande. Lorsque l’information est biaisée par des intérêts politiques ou économiques, sa qualité s’effondre », déplore Guillaume Kazadi.
Didier Makal, professeur en sciences de l’information et de la communication, est encore plus critique:
« Nous assistons à un pluralisme de façade, sans véritable pluralité de l’information. Trop de journalistes se contentent des déclarations des politiques ou des puissants, sans esprit critiques. »
Même constat du côté de Rebecca Faila, directrice de l’information à Malaika Télévision:
« La prolifération des médias ne s’accompagne pas d’une amélioration de la qualité. Beaucoup naissent sans ligne éditoriale claire et servent des intérêts particuliers. Le public est de plus en plus exposé à la désinformation et aux contenus sensationnalistes. »
La précarité, ennemie de l’indépendance
Au cœur du problème se trouve aussi la précarité économique du secteur. Faute de financements publics ou privés stables, de nombreuses rédactions vivent du « coupage », une pratique consistant à monnayer la couverture d’événements ou de personnalités. Une dérive que déplore Guillaume Kazadi:
« Le pluralisme sans moyens mène à la compromission. Un journaliste dépendant de ses sources ne peut garantir la qualité ni son indépendance. Sa conscience professionnelle est affectée. »
En 2025, le pluralisme médiatique congolais oscille entre abondance quantitative et fragilité qualitative. Si la diversité des supports, des langues et des formats constitue un atout indéniable, l’indépendance éditoriale, la viabilité économique des médias et la sécurité des journalistes restent de profonds défis à relever.
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