Africa-Press – Congo Kinshasa. Comment a disparu la civilisation maya? Qu’est-ce qui a poussé les habitants d’immenses villes à fuir, ce qui semble s’être produit du jour au lendemain, laissant bâtiments et temples se faire dévorer par les forêts? Car si les conquistadors ont porté un coup quasi fatal à la culture maya, cette dernière avait déjà traversé une période de crise majeure, plusieurs siècles auparavant.
Appelée période « Terminale classique », cette époque s’étendait de 800 à 1000 après J.-C. Elle est caractérisée par la chute de plusieurs Cités-États dans les Basse-Terre ainsi qu’un important déclin démographique et culturel pour des raisons encore mal connues. Mais comment expliquer cette période de crise? Cet effondrement n’étant pas un phénomène généralisé, plusieurs théories sont évoquées. Parmi celles-ci, la recrudescence de périodes de sécheresse déjà caractérisées par d’anciennes études dans le Yucatán du Nord, qui aurait pu durablement mettre à mal l’agriculture locale.
Afin d’explorer et préciser la nature de ce contexte météorologique accablant, une nouvelle étude de Cambridge, publiée dans Science Advances le 13 août 2025, s’est ainsi attelée à la datation précise des périodes de sécheresse de 871 à 1027 après J.-C. Une chronologie inespérée qui permettra une mise en perspective des données météorologiques des découvertes archéologiques de la région.
Basse-Terre. Situées sur un plateau calcaire peu boisé, les Basse-Terre recouvraient l’actuel Nord-Est du Mexique, ainsi qu’une partie du Bélize et du Guatemala. Les Basse-Terre du Nord se trouvent sur l’actuel Yucatán.
Les archives des stalagmites
Pour effectuer ces datations, les chercheurs se sont appuyés sur les stalagmites de Grutas Tzabnah, une grotte située dans le Nord du Yucatan. Située près de plusieurs sites maya abandonnés pendant la période « Terminale classique », elle constitue une archive inespérée du climat de la région.
« Quand nous sommes allés à Grutas Tzabnah en 2022, il est rapidement devenu évident que ce serait l’endroit idéal, parce que la grotte est très proche de la surface », raconte Daniel H. James, chercheur à l’université de Cambridge et premier auteur de l’étude interviewé par Sciences et Avenir. « Cela évite que les eaux de différentes saisons ne se mélangent en filtrant à travers le calcaire, ce qui a déjà été un problème pour d’autres études. Ici, il ne faut qu’un mois à l’eau pour traverser la roche, donc nous avons pu avoir des dates avec une résolution au mois près. »
Mais comment étudier le climat du passé grâce à des stalagmites?
Caractérisé par une saison sèche et une saison humide, le climat du Yucatan du nord influence fortement les conditions de cristallisation du calcite formant les stalagmites. En étudiant la nature des différentes couches de calcite laissées par les eaux d’infiltration, les chercheurs peuvent ainsi identifier chaque saison.
“[Les sécheresses] ont un impact sur la formation du calcite. Pendant la saison sèche, lorsque l’apport en eau est plus limité, le calcite va se former en structures moins denses, qui ressemblent à des aiguilles, tandis que pendant la saison des pluies, la cristallisation se déroule de manière plus complète et on obtient des strates plus denses et mieux cristallisées”, explique Daniel H. James.
Couplé à la datation par radiométrie, les chercheurs ont ainsi pu estimer précisément la date et la durée de chaque épisode de sécheresse dans la région. “Les méthodes de datation des stalagmites, la résolution des observations et les techniques de radiographie se sont toutes beaucoup améliorées ces dernières années !” souligne le directeur de l’étude.
Résultat des courses: entre 871 et 1021, la région entourant la grotte de Grutas Tzabnah aura connu de nombreuses périodes de sécheresses, dont certaines se sont étendues sur plusieurs années: un véritable drame pour l’agriculture de l’époque.
Une chronologie inespérée pour les archéologues
Trois ans, cinq ans, treize ans… Les durées de certaines périodes de sécheresse livrées par les stalagmites feraient froid dans le dos à n’importe quel agriculteur moderne. Sans donner une explication directe au déclin de la période « Terminale classique », la chronologie de Grutas Tzabnah permet de remettre ces évènements dans une chronologie à échelle humaine. Une aide inespérée pour les archéologues qui pourrait notamment aider à clarifier les évènements ayant mené à l’abandon de certains sites autour de la grotte.
“[Ces sécheresses] auraient pu être la goutte de trop, mais nous ne pouvons pas le savoir à partir de cette étude”, explique le Dr. James. “Mais à l’avenir, nous espérons que ces archives pourront être comparées à la chronologie de sites maya déjà connus, pour voir si l’historique de ces lieux correspond ou non. Nous avons maintenant accès à des résultats à échelle humaine et j’aimerais beaucoup voir comment ces périodes se sont traduites dans la vie des Mayas de l’époque.”
Mais quelles étaient les causes de ces catastrophes? Une fois encore, la réponse est difficile à clarifier, les stalagmites ne renfermant pas d’autres informations sur la météo de l’époque. Les indices archéologiques alentour tendent cependant à souligner une possible aggravation du phénomène par les activités humaines.
“Les sécheresses de l’époque ont certainement été causées par des facteurs naturels et amplifiées par la déforestation massive de la région et l’agriculture intensive”, explique le scientifique. “Il y a des traces archéologiques de réserve d’eau et d’irrigation, mais les problèmes auxquels les Mayas ont fait face à l’époque ont clairement dépassé les limites de leurs techniques. De là, il n’aura pas fallu longtemps pour que des problèmes sociétaux apparaissent et contribuent à l’abandon de certaines villes.”
Un outil pour l’avenir
Obtenu à partir d’une seule stalagmite, la chronologie de Grutas Tzabnah ouvre également une perspective pour l’avenir. Le Yucatan comptant de nombreux systèmes de grottes peu profondes, d’autres chronologies pourraient être réalisées pour d’autres périodes, à condition de réussir à trouver des stalagmites correspondantes.
“Il y a beaucoup de sites mayas dans la région du Yucatan: il y a aussi des ruines préclassiques (-1000 avant J.-C. à 250 après J.-C.) et postclassiques (1000 après J.-C. à 1400 après J.-C.) et tout un système de grottes qui pourraient renfermer des stalagmites correspondantes”, s’enthousiasme le chercheur. “Il pourrait être possible de créer ce genre de chronologie pour d’autres périodes de la civilisation maya !”
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