Astéroïde Apophis: Le Dieu du Chaos en 2029

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Astéroïde Apophis: Le Dieu du Chaos en 2029
Astéroïde Apophis: Le Dieu du Chaos en 2029

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Dieu du Chaos », « astéroïde géant », « tueur de planète »… Depuis sa découverte en 2004, l’astéroïde 99942 Apophis n’a pas manqué de surnoms plus catastrophistes les uns que les autres, et pourtant…

Nommé d’après le dieu du chaos égyptien (le vrai cette fois) du même nom, Apophis, suite aux premières estimations de sa trajectoire, a été immédiatement projeté au 4ème et plus haut niveau de l’échelle de Turin, qui estime les chances de collision des astéroïdes avec notre planète. Mais à l’instar de son homonyme qui tente en vain d’arrêter la barque céleste d’Horus chaque nuit, Apophis 99942 non plus n’atteindra jamais sa cible ; n’est pas Seth qui veut.

“Apophis a été découvert en juin 2004, et […] en décembre les premiers calculs de probabilité d’impact avec la Terre donnaient une valeur assez élevée”, explique Patrick Michel, Directeur de Recherche au CNRS, co-responsable de la mission Ramses et auteur du livre A la rencontre des astéroïdes: missions spatiales et défense de la planète aux éditions Odille Jacob. “Mais dans les jours qui suivirent, on a retrouvé des observations datant de mars qui ont permis d’affiner la trajectoire et d’écarter tout risque de collision pour 2029.”

Autre scénario catastrophe datant des premières estimations de trajectoire: la présence d’une soi-disant zone « serrure gravitationnelle » au sein de laquelle l’influence de la gravitation terrestre condamnerait Apophis à revenir s’écraser sur Terre en 2036 s’il la traverse. Mais encore une fois, aucune chance: si elle reste populaire sur internet et parfois reprise dans l’actualité, cette théorie a, elle aussi, été écartée par des observations en 2013.

En effet, si Apophis passe à nouveau près de la Terre, ce sera de très (très) loin. Quant à son premier passage, s’il est exceptionnellement proche, il ne devra pas non plus avoir de conséquences. « Apophis ne « frôlera » pas la Terre », tempère d’ailleurs Patrick Michel. « Quand quelque chose vous frôle, vous le sentez, mais la Terre ne sentira rien. C’est Apophis qui sentira tous les effets ! »

« Plus de deux milliards de personnes pourront voir sa lumière à l’œil nu »

Originaire de la ceinture d’astéroïde située entre Mars et Jupiter, Apophis a été détourné de sa trajectoire d’origine par un phénomène dit de “résonance”.

“Ce sont des mécanismes d’instabilité qui font passer certains corps en une trajectoire circulaire entre Mars et Jupiter à une trajectoire qui va s’allonger (dont l’excentricité augmente, rendant leur orbite de plus en plus elliptique, ndlr) […] et qui finit par croiser celle de la Terre. S’il ne sort pas de la résonance, l’astéroïde peut même finir dans le soleil”, explique Patrick Michel.

Prévu pour un passage à seulement 31.600 km d’altitude au-dessus de la Terre – soit en dessous la trajectoire de nos satellites géostationnaires – Apophis offrira un événement céleste aussi exceptionnel qu’unique, visible à l’œil nu dans la nuit du 13 au 14 avril 2029.

« Apophis va passer tellement près que plus de deux milliards de personnes pourront voir sa lumière à l’œil nu sur toute l’Europe, l’Afrique et une partie du Moyen-Orient », déclare Patrick Michel. « C’est une occasion unique de s’émerveiller, de donner de l’espoir et de montrer les défis que nous sommes capables de relever ensemble. Peu importe où l’on sera sur Terre, du moment qu’il fera nuit, nous aurons tous la même vue. »

Mais en plus d’un spectacle exceptionnel, Apophis offrira également une opportunité inestimable à toutes les agences spatiales du monde: celle de s’entraîner.

Alors que l’astéroïde illuminera notre ciel, il sera, en effet, survolé et abordé par la mission Ramses (Rapid Apophis Mission for Space Safety – en français, « Mission Apophis Rapide pour la Sécurité Spatiale ») de l’Agence spatiale européenne (ESA), dont l’approbation formelle est attendue au conseil ministériel de l’agence en novembre 2025. L’objectif? Rassembler un maximum de données pour compléter nos connaissances… Et mieux défendre la Terre.

Une défense planétaire au gramme près

C’est l’un des poncifs du genre de la science-fiction: un astéroïde géant fonçant vers la Terre à toute allure et l’humanité semble condamné, jusqu’à ce qu’une équipe de vaillants héros (astronautes ou non) risquent leur vie pour sauver la planète. Une fiction vue et revue qui a pourtant trouvé ses échos dans la réalité. Car si l’idée d’un système de “défense planétaire” semble sortir tout droit d’un film, il s’agit en réalité de tout un pan du monde de l’aérospatiale.

Motivée dans un premier temps par l’impressionnant crash de l’astéroïde Shoemaker Levy 9 sur Jupiter en 1994, la défense planétaire s’est d’abord reposée sur des réseaux d’observation de l’espace, chargés de recenser et surveiller les géocroiseurs volant autour de notre planète. Ce n’est qu’après la découverte d’Apophis et de sa trajectoire inquiétante qu’une coordination internationale plus concrète s’est mise en place au cours des dernières décennies.

Un géocroiseur ou NEO (Near Earth Object – Objet Proche de la Terre) sont des objets célestes dont l’orbite autour du Soleil les amène à proximité de l’orbite terrestre.

“[Lors de sa découverte] Apophis nous a montré le trou béant entre les personnes qui découvrent et identifient un nouveau risque et les décideurs qui sont capables de faire une action. Pendant quelques heures, nous avons été mis face au fait que nous ne savions pas qui appeler pour y faire face !”, raconte Patrick Michel. “Ça a été une prise de conscience pour les astronomes impliqués, qui a conduit à la mise en place de groupes de travail sous l’égide de l’ONU pour organiser une réponse coordonnée à ce type de problème.”

C’est notamment pour répondre à ce besoin que Ramses devra s’envoler, dès avril 2028, pour pouvoir croiser la route d’Apophis dès février 2029. Il l’accompagnera ensuite pendant plusieurs mois afin d’étudier sa composition, sa structure et de quelle manière ses propriétés seront modifiées par la gravité de notre planète. Une mission prévue au gramme près afin d’éviter toute perturbation de la trajectoire de l’astéroïde.

“Nous avons très tôt mis en place un groupe dédié pour déterminer ce qui serait faisable dans le cadre d’une mission spatiale […] et quels niveaux d’énergie il ne faut pas franchir si on intéragit directement avec l’astéroïde”, détaille Patrick Michel. “On ne cherche surtout pas à dévier Apophis, il ne pose aucun risque et on ne voudrait pas en créer un, mais on veut savoir de quoi il est fait.”

Autre impératif de Ranses: prouver que le monde peut monter une opération en peu de temps. Si l’opération a pu obtenir un préfinancement pour “lancer la machine” – une première pour l’ESA – son budget complet doit être négocié en novembre 2025.

De là, si tout se passe bien, les scientifiques auront environ deux ans et demi pour finaliser le projet, sans possibilité de délai. Même si le développement a bien commencé, c’est l’équivalent d’un dossier « pour la semaine prochaine » dans le monde de l’aérospatiale.

Le kit du petit astronaute

Calqué sur le programme Hera, actuellement en route vers l’astéroïde Dimorphos, l’astéroïde ciblé par la mission de défense américaine DART (Double Astéroïd Redirection Test – en français, Test de détournement d’Astéroïde Double), Ramses est constitué d’un satellite principal et de deux “CubeSat”, de petits satellites auxiliaires.

“[L’un des CubeSat] aura un radar basse fréquence qui sondera la structure interne d’Apophis et le deuxième devrait atterrir et aura, pour la première fois, un sismomètre”, raconte Patrick Michel. “Les forces de marée terrestre (la force de gravité terrestre, ndlr) vont peut-être provoquer des vibrations et on voudrait mesurer comment elles se propagent. Nous avons des décennies de relevés sismiques terrestres, lunaires et martiens et pour la première fois, nous pourrions en avoir d’un astéroïde.”

Couplées aux données radars, ces mesures sismiques pourraient affiner notre compréhension de la structure interne d’Apophis. Mais quid de la prise d’échantillons? Pas cette fois, répond le responsable de l’étude: le petit passager n’est pas voué à repartir.

“Ramses est une mission de défense planétaire, donc la science est un « bonus » et le retour d’échantillons n’est pas une priorité”, ajoute Patrick Michel. “[Apophis] est un astéroïde dont le type spectral a déjà été échantillonné.”

Mais si la science reste un “bonus”, les satellites de Ramses restent néanmoins très bien équipés. Issue d’une collaboration entre plusieurs pays européens et avec le Japon, sa sonde principale embarque plusieurs caméras, capables d’observer l’astéroïde en plusieurs longueurs d’ondes différentes et de filmer les opérations en direct, ainsi que de deux spectro-imageurs et d’un spectromètre plasma, qui étudieront les potentiels effets de la magnétosphère terrestre sur l’objet. Le lanceur, quant à lui, s’il reste encore à décider, pourrait être le H3 japonais, qui devrait également emporter un rover (de conception française) sur Phobos, l’un des deux satellites de Mars, à bord d’une autre mission japonaise appelée MMX dont le lancement est prévu en octobre 2026.

La France, quant à elle, est responsable de la conception et de la supervision de nombreux instruments, tels que le sismomètre, le radar basse fréquence et une partie d’un imageur. Un investissement dans la défense planétaire qui est l’une des plus anciennes, le Cnes ayant été l’une des premières agences spatiales à effectuer des études de mission vers Apophis.

Bons baisers de la Terre

Une fois son passage achevé, Apophis s’éloignera de nous et ne repassera jamais aussi près qu’en 2029, mais il n’est pas censé repartir seul !

En plus du brave petit CubeSat qui restera pour toujours à sa surface, l’astéroïde devrait également être accompagné, un mois plus tard, par la sonde spatiale américaine Osiris-Apex… Si cette dernière est financée par l’administration américaine.

Déjà en vol, car il s’agit de l’extension d’une mission précédente appelée OSIRIS-REx, la sonde devrait, si sa nouvelle mission est confirmée, se rapprocher au plus près d’Apophis pour venir perturber sa surface en y activant ses propulseurs. L’objectif? Observer grâce aux caméras les réactions des roches du sol à une perturbation externe.

« Les missions précédentes (sur Dimorphos et Bennu, ndlr) ont montré que lorsque l’on interagit avec un astéroïde, la réponse n’est pas celle à laquelle on s’attend ! », s’enthousiasme Patrick Michel, qui est également membre de la mission OSIRIS-REx. « OSIRIS-REx est restée presque deux ans autour de l’astéroïde Bennu […] et sur sa surface, il y a de gros rochers partout […] et quand la sonde s’est approchée et que le mécanisme de récolte a touché la surface… Il n’y a eu aucune réaction. Comme s’il s’était enfoncé dans du beurre mou !”

Osiris-Apex pourrait ainsi compléter toutes les observations effectuées grâce à Ramses si elle venait à être financée et apporter plus de données au système de défense planétaire.

Apophis offre ainsi à l’Europe une opportunité extraordinaire de profiter de ce passage unique pour démontrer son rôle actif dans la défense planétaire et d’inspirer le public avec des images prises depuis un astéroïde en même temps que sa lumière est visible depuis la Terre. L’année 2029, qui a aussi été déclarée année internationale de la sensibilisation aux astéroïdes et à la défense planétaire par l’ONU, sera riche en événements autour de cette thématique, soulignant la coopération internationale très forte qui l’accompagne.

Ensuite, une fois les satellites partis, Apophis continuera sa route, jusqu’à, peut-être, tomber dans le Soleil ou rester en résonance orbitale.

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