Africa-Press – Côte d’Ivoire. L’idée qu’un petit tyrannosaure ait coexisté avec l’immense Tyrannosaurus rex (6 mètres de long pour 7 tonnes pour les plus gros) divise les paléontologues depuis plus d’un demi-siècle. Certains plaident pour son existence en s’appuyant sur quelques études, insuffisamment solides toutefois pour apporter une certitude. D’autres spécialistes considèrent que les petits spécimens présentés par les premiers sont des T.rex juvéniles et non des adultes miniatures. Les deux groupes s’invectivant régulièrement, par médias interposés.
En octobre 2025, une étude menée sur le célèbre fossile des « dinosaures en duel » concluait, sans doute pour la première fois avec un haut degré de confiance, que les Nanotyrannus lancensis existaient bien et qu’il y avait même une autre espèce de T.rex naine, baptisée N. lethaeus ! L’analyse du fossile se fondait notamment sur l’examen des anneaux de croissance des os longs, ainsi que sur la taille des vertèbres, pour conclure que le petit dinosaure prédateur était âgé d’une vingtaine d’années et qu’il s’agissait donc bien d’un adulte.
Un petit os de la gorge
Cette nouvelle recherche repose sur un autre fossile: « c’est l’holotype de Nanotyrannus lancensis, le spécimen qui définit formellement l’espèce », explique Christopher Griffin de l’Université de Princeton (Etats-Unis) et principal auteur de l’étude publiée dans la revue Science. Il s’agit d’un crâne isolé qui a été découvert dans la formation de Hell Creek en 1946. Sans os longs, impossible jusqu’ici d’estimer son âge par histologie, la méthode la plus fiable pour déterminer la maturité d’un dinosaure. C’est précisément ce verrou que ce travail débloque aujourd’hui en montrant qu’un os appartenant au système hyoïdien (situé à la base antérieure du cou et qui permet de soutenir les éléments viscéraux du cou) permet « l’évaluation qualitative de l’âge d’un individu (très jeune, adulte ou intermédiaire) ».
Pour établir la valeur de ce nouvel indicateur, les auteurs ont d’abord étudié l’appareil hyoïdien d’espèces actuelles, comme l’autruche ou l’alligator, puis de plusieurs dinosaures fossiles pour lesquels l’âge et le statut de croissance sont bien documentés. À chaque fois, l’os de la gorge enregistre des marqueurs clairs, notamment la présence ou l’absence d’un système fondamental externe (EFS), une structure formée de fines lignes très serrées indiquant que la croissance est arrivée à son terme. Cette signature qui, jugée fiable même dans de petits os soumis à un fort remodelage interne, permet alors de s’attaquer au cas de Nanotyrannus.
Les paléontologues ont réalisé de multiples points de prélèvement le long de l’os hyoïde et ont pu identifier à chaque fois la présence de l’EFS. « Sa présence constante à ces différents points exclut l’hypothèse d’une déformation locale, et aucune pathologie connue ne produit une telle structure », explique Christopher Griffin. La structure indique bien que l’individu avait atteint sa taille adulte et écarte l’hypothèse d’un jeune T. rex encore en pleine croissance.
Un tyran miniature qui rebâtit l’écologie de Hell Creek
L’holotype de Nanotyrannus lancensis repose donc bien sur un individu adulte et il correspond effectivement à une espèce naine de tyrannosaure qui vivait aux côtés de son immense pendant. Ce nouveau résultat conforte ceux obtenus avec le fossile des dinosaures en duel car « les deux études s’appuient sur des preuves indépendantes et aboutissent à des conclusions similaires », insiste le paléontologue. La coexistence de deux tyrannosaures remet en question l’idée d’une domination exclusive du grand T.rex sur les écosystèmes de Hell Creek. Elle suggère que plusieurs niches écologiques étaient exploitées par ces deux carnivores de taille très différentes et pourrait aussi expliquer la mystérieuse absence d’autres prédateurs de taille intermédiaire dans le même lieu et à la même époque.

L’étude ouvre aussi un nouvel horizon méthodologique car les crânes isolés étaient jusqu’ici exclus des analyses de maturité. Les os du système hyoïde offrent désormais une solution pour examiner d’autres fossiles sans nécessiter de matériel complémentaire. Christopher Griffin souligne cependant que la méthode n’est pas adaptée pour fournir une estimation précise de l’âge d’un individu à sa mort.
Il semble aussi difficile de confirmer la réalité de l’autre espèce naine, Nanotyrannus lethaeus qui correspondrait au fossile de Jane, avec cette méthode « à moins qu’il y ait des différences importantes dans leurs schémas de croissance ». « Nous sommes plus optimistes quant à l’intérêt de cette méthode pour d’autres espèces et d’autres spécimens qui, comme l’holotype de Nanotyrannus, possèdent un os hyoïde mais aucun fragment de membre ou de côte conservé », conclut le chercheur.
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